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Berlinale : Yves Saint-Laurent mis à nu dans un documentaire

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15 févr. 2007

BERLIN, 15 fév 2007 (AFP) - Au coeur de la machine "YSL", le Français Olivier Meyrou a filmé pendant plus de deux ans la fin de la carrière d'Yves Saint Laurent pour son documentaire "Célébration" diffusé à la Berlinale, qui montre un créateur à bout de souffle ayant sacrifié toute sa vie pour son art.


Yves Saint-Laurent - Photo : Eric Feferberg/AFP

Présenté en exclusivité à Berlin, ce film n'a jamais été diffusé en France, où l'ancien patron de la griffe, Pierre Bergé, menace d'intenter un référé s'il était commercialisé, au motif qu'il pourrait porter atteinte à son image. L'homme d'affaires est omniprésent dans la "ruche" YSL, contrôlant tout, y allant de ses commentaires pouvant paraître blessants à l'égard du couturier vieillissant.

Mais le cinéaste se défend d'avoir voulu "casser" qui que ce soit dans son film tourné entre mai 1998 et début 2001, un an avant les adieux du grand couturier.

"C'est le portrait d'un artiste extrêmement fragile, qui en même temps irradie tout le monde autour de lui", affirme-t-il à l'AFP. Et "il n'est jamais question d'argent, de sexualité, de drogue", précise le cinéaste qui a suivi "YSL" pendant les dernières années de sa carrière à la tête de sa maison de couture, montrant une image qui peut paraître moins élégante que celle que la mode véhicule communément. "C'est un film qui nourrit le mythe Saint-Laurent", affirme toutefois à l'AFP Olivier Meyrou. "Il a fait don de sa vie à son oeuvre", ajoute-t-il en se défendant d'avoir fouillé dans la vie privée du grand couturier.

Le documentaire de près d'une heure et demie plonge le spectateur dans le stress des défilés, l'emmène dans les bureaux historiques de la maison que fait visiter avec nostalgie Raymonde, collaboratrice de la première heure, et permet aussi d'entendre la voix traînante d'YSL dans l'une de ses rares longues interviews.

"J'ai décidé d'être heureux et de travailler dans le bonheur, et de cesser ces peurs et ces angoisses atroces qui me retranchent" des autres, dit ainsi l'une des dernières légendes de la mode encore vivantes à une journaliste.

Le grand couturier, qui plaide pour "l'élégance du coeur", est le plus souvent filmé en noir et blanc, avec une solennité qui impose le respect. Aucune voix off ne vient couvrir le film ponctué de rares passages musicaux.

Les "petites mains", les couturières anonymes, sont omniprésentes, et ne diraient jamais un mot de travers sur leur patron. "Il voit tout, M. Saint Laurent, il a l'oeil", dit l'une d'entre elles.

YSL, qui a fêté ses soixante-dix ans l'an dernier, apparaît tel qu'il est, maladroit, taciturne, un rictus constant aux lèvres. Il fume sans relâche, même quand il tient des dentelles.

Parfois, il apparaît même comme un homme ayant un peu perdu le coup d'oeil et devant demander l'aide de son entourage qui le traite souvent comme un enfant. Les chaussures ne sont pas à la taille, les robes censées être d'argent s'avèrent être grises et les membres du staff se lancent dans de grandes discussions pour savoir quelle robe le mannequin Laetitia Casta devrait porter car "ses seins ont l'air trop gros" dans l'une d'entre elles.

Les couturières y vont de leurs petits commentaires, de même que le plus proche d'Yves Saint-Laurent, Pierre Bergé, le compagnon devenu patron de la griffe.

Si le couturier parle peu, Pierre Bergé lui est très disert. On le voit s'énerver sur le choix de telle mannequin, palabrer avec des syndicalistes de la CGT-Haute Couture et on l'entend parler longuement de son compagnon de longue date. "Les angoisses lui tiennent lieu de colonne vertébrale (...) Il est somnambule, il ne faut pas le réveiller", dit-il.

Le réalisateur explique la réaction négative de Pierre Bergé au film par le fait que, "peut-être pour la première fois de sa vie, il ne contrôle pas son image". "Je pense qu'il est content que le film existe mais il ne veut pas que ça sorte", dit encore Olivier Meyrou, en espérant que cela arrivera quand même un jour.

"Le film fut réalisé au bout de deux années d'observation intense - avec passion, respect, distance et fascination", se défend le cinéaste qui a déjà réalisé "Au-delà de la haine", un documentaire sur l'assassinat de François Chenu, un homosexuel français, par trois skin-heads en 2002 à Reims (est de la France). Récompensé en 2006 à la Berlinale, ce film sort en mars en France.

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