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8 déc. 2017
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De l'enfer libyen aux sacs à mains en cuir en Italie, la belle histoire de Bassirou

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8 déc. 2017

Des travaux forcés en Libye à un emploi dans une start-up de mode italienne, Bassirou, Burkinabé de 26 ans, a fait du chemin en deux ans, grâce à son talent et à une formation à la fabrication de sacs à main en cuir.


Le Sénégalais Yaya, le Guinéen Mohamed, le Burkinabé Bassirou, l'Ivoirien Bakari, le Burkinabé Issa et l'Ivoirien Sekou, migrants réfugiés en Italie, posent avec des sacs à main qu'ils ont fabriqués, au siège de l'association italienne Lai-Momo, le 28 novembre 2017 à Lama di Reno - M.MEDINA / AFP


Après 15 mois d'apprentissage, il a été le premier embauché dans le cadre de ce projet destiné à des demandeurs d'asile et voué à terme à devenir une véritable entreprise. « C'est une grande opportunité pour moi », explique-t-il. « J'avais déjà fait ce type de travail mais c'était avec du tissu, pas du cuir. Au début, ce n'était pas du tout facile (...) mais on s'habitue. »

Craignant pour sa vie après le coup d'Etat militaire de 2015 au Burkina Faso, Bassirou est parti en laissant derrière lui une compagne enceinte de leur fille, âgée aujourd'hui de deux ans.

Il attend désormais la réponse à sa demande d'asile en Italie, comme les quelque 400 migrants dont s'occupe l'association Lai-Momo, qui a lancé avec des fonds européens ce projet de formation à la couture du cuir dans la petite ville de Lama Di Reno, près de Bologne (nord).

Partir de chez lui a été une décision difficile, mais son passage par la Libye a atteint des niveaux d'horreur qu'il n'imaginait pas. Lui n'a pas été surpris ces dernières semaines par les images d'esclaves noirs vendus aux enchères.

« Ce sont des choses qui se passent vraiment », a-t-il assuré. Sans être lui-même vendu, il a été détenu dans un centre où l'on venait le chercher chaque jour pour toutes sortes de travaux. « On nous donnait presque pas à manger... Tout ça c'est de l'esclavage. »

« Pensées positives »

Il raconte avoir été maintenu par les trafiquants dans ces conditions durant quatre mois, avant d'être mis avec plus d'une centaine d'autres migrants sur un canot pneumatique poussé vers le large.

Après des heures d'angoisse, ils ont été secourus par des Britanniques : « Il y a eu des bousculades et l'eau a commencé à entrer dans le bateau. Mais comme ils étaient là, ils ont pu tous nous sauver ». C'était le 20 mars 2016 et la date est inscrite à jamais dans sa mémoire. « Ce sont des choses qu'on ne peut pas oublier », dit-il.

Maintenant, il rêve d'ouvrir sa propre boutique, même si son avenir est encore incertain, comme celui des près de 200 000 demandeurs d'asile actuellement hébergés dans le réseau surchargé des centres d'accueil en Italie.

Mais contrairement à beaucoup d'autres, condamnés à guetter une réponse dans l'angoisse et dans l'ennui, Bassirou a, lui, pu bénéficier de cours d'italien et d'une vraie formation. Une distraction bienvenue, explique-t-il. « En faisant ça, tu vas avoir des pensées positives et non négatives, parce que tu espères qu'à la fin, tu auras un métier. »

En Italie ou au pays

Au total, 15 migrants ont achevé le premier cycle de formation et 18 autres l'ont entamé, dont Issa, 21 ans, un compatriote de Bassirou passé lui aussi par les camps d'esclavage libyens, où il a dû abandonner des amis.

Soulagé malgré tout d'en avoir réchappé, il l'est aussi d'être libéré de l'ennui usant de son premier centre d'accueil en Italie. « On dormait tout le temps, sans rien faire », raconte-t-il. « Maintenant je suis plus détendu, j'ai des contacts avec les habitants et je commence à apprendre la langue. »

Tous les apprentis n'atteindront pas la dextérité de Bassirou. D'autant que certains doivent d'abord acquérir une instruction de base pour pouvoir appliquer sur le cuir des rudiments de mesures et de géométrie.

« L'objectif est de fournir aux gens des compétences qui vont les aider à entrer sur le marché du travail, ici en Italie ou éventuellement dans leur pays d'origine s'ils y retournent », explique Andrea Marchesini Reggiani, président de Lai-Momo.

Son projet s'inscrit dans un programme plus large de l'Initiative de mode éthique, gérée par l'ONU et soutenue par l'Organisation mondiale du Commerce: pour lutter contre l'immigration clandestine, elle vise à créer de nouvelles opportunités économiques dans les pays en voie de développement.

Pour Bassirou comme pour d'autres, rentrer au pays n'est pas une option pour l'instant. Et Andrea Marchesini Reggiani reconnaît que pour ces gens qui ont tant souffert et fait tant de sacrifices pour rejoindre l'Europe, la question d'un retour est loin d'être simple.

Mais « pour nous, l'important est de leur donner des compétences ». « Qu'ils les utilisent ici ou qu'on leur refuse le droit de rester, on leur offre une chance, un petit plus. »

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