Par
AFP
Publié le
11 févr. 2010
Temps de lecture
3 minutes
Télécharger
Télécharger l'article
Imprimer
Taille du texte

En Allemagne, la mode néo-nazie joue à cache-cache

Par
AFP
Publié le
11 févr. 2010

DRESDE (Allemagne), 9 fév 2010 (AFP) - Runes germaniques, mythologie viking ou combinaisons de chiffres: en Allemagne, une certaine mode soigne l'ambiguïté pour contourner la loi stricte interdisant tout ce qui évoque le nazisme.


Un policier devant des drapeaux portant la croix gammée, confisqués lors de perquisitions chez des membres d'une organisation d'extrême droite, le 12 septembre 2006 - Photo : AFP

Parquet clair et paysages nordiques aux murs sont de rigueur chez Thor Steinar, une boutique située près de la grande artère commerciale de Dresde (est), où des milliers de sympathisants d'extrême droite sont attendus samedi pour leur traditionnel défilé à la mémoire des quelque 25.000 victimes du bombardement allié de février 1945.

Les vêtements semblent de qualité, avec des prix en conséquence: un sweat-shirt à capuche pour homme côute dans les 80 euros. Urbain et sportif, le style cible une clientèle jeune.

"La sous-culture d'extrême droite s'est très fortement modernisée à partir des années 1990, elle s'est ouverte à la société de consommation, à la culture pop", constate Rainer Erb, spécialiste de l'antisémitisme et des codes néo-nazis à l'Université technique (TU) de Berlin.

Pourtant, les motifs de certains vêtements Thor Steinar suscitent l'interrogation. "Ultima Thulé" peut évoquer une île septentrionale légendaire, mais aussi le berceau de la race aryenne, selon l'idéologie nazie. "Nordmark" était une province moyenâgeuse d'Allemagne du Nord, mais aussi le nom d'un camp de travail forcé pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les coïncidences sont la marque de fabrique de Thor Steinar, qui se garde de revendiquer une couleur politique.

Son premier logo, une combinaison de deux runes qui rappelait l'emblème SS, avait déchaîné une bataille judiciaire. Un tribunal a finalement estimé en 2005 que leur association n'était pas en soi un signe nazi, et ne pouvait donc être condamnée. Aujourd'hui l'ancien logo s'affiche de nouveau sur certains vêtements.

"Ce fut un triomphe" pour l'extrême droite, dont la créativité est affûtée par "ce jeu du chat et de la souris" avec la justice, déplore Rainer Erb.

L'extrême droite, elle, joue volontiers les victimes: "De plus en plus de chiffres, de lettres et de symboles sont interdits", déplore Kai Pfürstinger, chef d'un groupe de jeunes nationalistes qui organise la marche de Dresde.

Cela reflète "la maladie de l'Etat de droit sur le sol allemand", commente-t-il.

Des codes chiffrés offrent des possibilités infinies pour contourner la loi. "Heil Hitler" devient ainsi "88" (le "H" étant la 8e lettre de l'alphabet), un chiffre fréquemment utilisé dans les pseudonymes sur internet.

Il existe plus de 150 symboles au sens plus ou moins caché pour exprimer une orientation de droite radicale, selon la dernière estimation d'une association allemande de lutte contre l'extrême droite. Elle en recense chaque année davantage, à l'école, en discothèque ou dans les stades.

"C'est de la provocation d'adolescents qui cherchent à s'orienter, ils aiment ce qu'aime leur bande. Au bout d'un moment ils passent généralement à autre chose, peu d'entre eux se radicalisent vraiment. Plus une scène grandit, plus son message politique se dilue", relativise M. Erb.

Il n'empêche que le parti néo-nazi NPD profite de ce bain de jouvence, notamment dans l'ex-Allemagne de l'Est: l'an dernier aux élections régionales de Saxe près de 14% de ses électeurs étaient âgés de 18 à 25 ans, une proportion supérieure à celle de tous les autres partis.

Toujours plus tourné vers les jeunes: le NPD vient d'être autorisé par l'office allemand de protection de la jeunesse à distribuer gratuitement un CD à sa gloire à la sortie des écoles du pays.

Par Etienne BALMER

Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 Agence France-Presse
Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (ou sur cette page selon le cas) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l'AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de l'AFP. L'AFP ne pourra être tenue pour responsable des délais, erreurs, omissions qui ne peuvent être exclus, ni des conséquences des actions ou transactions effectuées sur la base de ces informations.