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30 nov. 2004
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Jean-Claude Jitrois à la conquête de l’Est

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30 nov. 2004

Etre présent là où on ne l’attend pas. Ce pourrait être la devise du prince du cuir sensuel. Après avoir survécu aux dévastatrices années 90 qui confondaient protection de la biodiversité et sentimentalisme pro-animalier, Jean-Claude Jitrois se tourne vers le marché des pays de l’Est. Son équipe a présenté à un public médusé la collection automne/hiver 2004, lors de l’Almaty Fashion Week, la première semaine du prêt-à-porter du Kazakhstan. François Renaud, attaché à la communication de la maison et Ingmar Lay, responsable des relations internationales, ont fait le déplacement. Pour eux, rien d’étrange à défiler dans un obscur pays que peu de gens placent sur une carte. Kazakhstan, c’est une sonorité qui fait plutôt penser à l’Afghanistan... comment une maison française décide-t-elle de s’y intéresser ? A la fois par hasard et très logiquement. Les pays de l’ex-URSS représentent le plus gros marché de la maison Jitrois. On cartonne en Russie. Nos ventes là-bas explosent depuis 1998. Nous sommes présents dans 7 boutiques multimarques et nous ouvrirons une boutique Jitrois en septembre 2005. De manière générale, cette région représente la plus grosse expansion de la maison. D’ailleurs, Jean-Claude Jitrois se rend lui-même une fois par an à Moscou présenter des mini-défilés. Les clientes russes ont un pouvoir d’achat sans cesse en hausse et elles voyagent beaucoup. Certaines viennent voir les collections à Paris, même si elles savent que nous sommes présents à Moscou. On a l’impression que le nom de la maison est plus connu à Moscou qu’à Paris. Cela explique l’intérêt porté à la Russie mais pas à l’Asie centrale... Là aussi. Jean-Claude Jitrois a découvert que, la marque y a une bonne notoriété. Elle est plus connue qu’on ne pensait. D’ailleurs Almaty n’est pas la première étape. On est présent depuis deux saisons en Ouzbékistan. On sait depuis longtemps que parmi les clientes « russes » (en tout cas qui parlent russe) qui fréquentent la boutique parisienne, il y a des femmes d’Asie centrale. Quand nous avons reçu l’invitation de l’agence ProMode à participer à la première semaine du prêt-à-porter, Monsieur Jitrois n’a pas hésité une seconde. Qu’est-ce qui attire ces femmes chez Jitrois ? Il est sur que le climat joue, mais pas uniquement. Les femmes des pays de l’Est aiment le cuir et la fourrure, surtout la fourrure. Elles aiment être « sexy ». Elles n’hésitent pas à porter des tenues près du corps, des talons aiguilles. En Europe, on ne s’habille plus que pour sortir. Ici, l’élégance, la sensualité et la féminité affichées sont la norme. Or, les vêtements Jean-Claude Jitrois mettent justement les corps en valeur. Le positionnement Jitrois leur convient aussi. Le côté prêt-à-porter à la limite de la haute couture. Avec des matériaux nouveaux chaque année, beaucoup de flexibilité, une petite structure réactive, un catalogue où tous les modèles sont déclinables dans tous les cuirs et dans toutes les couleurs proposés. Depuis la commande jusqu’à la livraison, cela peut prendre quelques semaines à peine. Le seul frein à cette rapidité, ce sont les tracasseries douanières. Elles apparaissent dès qu’on fait circuler de la fourrure vers la Russie. Existe-t-il une gamme spéciale grand froid pour ces clientes ? La philosophie de la maison Jitrois c’est de s’intéresser à la peau. La création ne se fait pas en fonction de la demande. Toutes les saisons, Jean-Claude Jitrois développe une nouvelle technique. Pour l’été prochain, il a inventé le strech-plume, un cuir d’un milimètre d’épaisseur. L’idée est de surprendre la cliente avec des vêtements excentriques et sexy. Ceci dit, c’est vrai que la gamme des fourrures a été enrichie avec le marché des pays de l’est. C’est ce qui se vend le mieux là-bas : renard, vison rasé, chinchilla... Elles en sont très friandes. La maison a-t-elle organisé des campagnes de publicité spécifiques vers ces pays ? Non. Ça fonctionne par le bouche à oreille. Un exemple, partout dans Almaty, on a vu des panneaux publicitaires pour une marque d’un produit de consomation courante, où le mannequin porte un pantalon en cuir argent Jitrois. Il s’agit en fait de l’épouse du président de cette entreprise. Nous n’avons jamais été contacté pour un partenariat. Cela veut dire que ce pantalon fait partie de la garde-robe personnelle de cette dame. Et rien d’autre ? L’idée est de poursuivre ce mouvement par une campagne de communication organisée à partir de Paris. Pour Jean-Claude Jitrois, la presse est essentielle. Il la bouchonne. On n’a pas d’agent en Russie, mais on travaille avec un intermédiaire en France qui propose des prises de vues aux magazines féminins russes. Cela lui évite le coût des mannequins, des déplacements des vêtements, de l’assurance, des douanes... Cet hiver on a eu Mila Jojovich en Une de « Bazaar », un mensuel russe. Le magazine entretient ainsi son image de marque avec une star en exclusivité posant dans un blouson Jitrois. Est-ce là toute la stratégie Jitrois vers l’Est ? Ces pays sont un marché en expansion. L’équipe s’y rend de temps à autre, pour glaner des informations, évaluer la clientèle probable, voir si celle-ci s’affirme. On ne se presse pas quand on arrive sur un marché. Il y a beaucoup de pays où Jitrois n’est pas encore présent parce que la clientèle est encore émergente, potentielles mais pas affirmée. Il n’y a pas de stratégie établie sur les ans, tel ville, telle année, etc. On a aussi besoin de mettre un visage sur nos clientes. Nous avons découvert au Kazakhstan des femmes beaucoup plus mixtes physiquement qu’en Russie. Elles ont parfois le type asiatique, parfois le type slave, avec des proportions et de smensurations différentes. On est présent en Ukraine et en Ouzbékistan. Cette année on s’est rendu en Lettonie et au Kazakhstan. A Riga, on a vendu d’emblée la moitié de la collection. A Almaty, on a appaté la directrice d’un réseau de boutiques multi-marques de luxe qui souhaite venir à Paris voir les collections complètes. Et surtout, découvrir la collection été 2005, car nous avons défilé avec la collection automne/hiver 2004. Propos recueillis par Gaël GUICHARD

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