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Jean-Louis Dussart (Desseilles) : « Yongsheng ne cherche pas le volume, mais l’image »

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1 avr. 2016

Le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a confié au groupe chinois Hangzhou Yongshen Holding, fabricant textile à Shanghai, la reprise du dentellier nordiste Desseilles Laces. Directeur de ce dernier, Jean-Louis Dussart explique à FashionMag les raisons de ce rachat, les prochaines étapes et le voeu de reprendre l'entreprise Codentel.

A gauche, Jean-Louis Dussart, avec Gérard Dezoteux et Michel Verrier - Desseilles Lace


FashionMag : Quelle est votre réaction à la décision du tribunal de commerce ?

Jean-Louis Dussart : C’est génial, car cela va dans le sens voulu, à savoir la protection du plus grand nombre d’emplois et dans la continuité de ce que nous avions entrepris. Et nous n’avions plus vraiment d’alternatives à la liquidation avec tout ce qui nous est tombés sur le nez. C’est aussi une très bonne nouvelle pour nos sous-traitants, car une centaine d’emplois était dans la balance. Des structures qui nous avaient accordé des crédits auraient pu tout perdre dans la liquidation. Mais nous avions pris un engagement et, suite au rachat par YongSheng, ils seront remboursés. Ils vont pouvoir reprendre leur activité et continuer à travailler avec nous. C’est un cas de figure assez rare pour être souligné.

FM : Le trio de dirigeants que vous formez avec vos co-investisseurs restera t-il aux commandes ?

JDL : En tant qu’actionnaire, nous venons de faire la plus mauvaise affaire de notre carrière. Mais il fallait en passer par là pour sauver les emplois. J’étais précédemment directeur général et ingénieur principal. La direction sera désormais à la charge de Michel Verrier, sous réserve de confirmation des contrats. Nous n’étions pas salariés et nous ne le serons toujours pas. Nous resterons comme consultants, avec Gérard Dezoteux à la création et moi pour le conseil en développement commercial. Le tout sous le contrôle complet de Mme Cloris Li (fille du fondateur de Yongsheng, ndlr). Nous n’attendons pas une présence du groupe dans nos locaux. Nous avons des méthodes et mode de réflexion francais, et ce n’est pas leur tasse de thé. Ils sont plus dans l’analyse des résultats.

FM : Et quelles sont les ambitions et attentes de Yongsheng ?

JLD : Contrairement à ce qu’on a entendu ici et là, ils ne veulent pas délocaliser. Yongsheng ne cherche pas le volume, mais l’image. En Europe, les marques ne communiquent pratiquement jamais sur leurs fournisseurs. En Asie, les marques de luxe se créent, mais peinent à se faire reconnaître comme telles. L’un des leviers pour y remédier est d’appuyer ces marques sur l’histoire, un terroir, l’un des éléments de leur offre. On a l’impression que tout le monde connaît la Dentelle de Calais-Caudry. Mais dans les faits, peu de consommatrices font la différence entre dentelle et broderie. Les Chinois veulent donc renforcer l’image de la dentelle française pour pouvoir mieux s’appuyer dessus.

FM : Que va-t-il se passer dans les prochaines semaines ?

JLD : Il va y avoir ce moment difficile qu’est la séparation entre les salariés qui partent et restent. Mais la majorité des départs devrait correspondre à des départs volontaires. Mais c’est toujours un moment difficile. On ne peut prétendre avoir chez les autres la totalité du savoir de l’un. Chacun a ses propres techniques et savoir-faire. Nous avons toujours gardé le contact avec les anciens. Car certaines réponses ne sont que dans la tête de ceux qui ont travaillé sur certains aspects de la production. Et nous déposons ce jour notre projet de reprise de Codentel.

FM : En quoi consiste-t-il ?

JLD : C’est une société avec laquelle nous voulions nous allier voilà un an, mais cela avait été plus complexe que prévu. Nos deux sociétés avaient été identifiées par une étude visant une mutualisation des ressorts. Nous officions pour des marques différentes, mais avec des métiers proches. Or Codentel n’en possède que deux et loue les autres, qui sont très proches de ceux utilisés par Desseilles. Nous pouvons donc mettre en commun nos structures et support de connexion tout en gardant deux identités distinctes.

FM : Holesco (Sophie Hallette), qui souhaitait reprendre Desseilles, vise également Codentel. Que pensez-vous de ses critiques concernant le passage sous pavillon chinois ?

JLD : Dans la reprise de Desseilles, personne ne peut se poser en chevalier blanc. Tout le monde disait qu’il n’y aurait personne pour reprendre Desseilles. Et bien si. On parle d’une entreprise chinoise cotée qui facture 1 milliard d’euros par an. On a donc affaire à du lourd, et je pense que c’est pour cela que certains se réveillent avec un certain mal de crâne. S’il y avait eu une volonté antérieure et affichée de reprendre Desseilles, l’occasion était là : avec tous les dentelliers, nous nous réunissons chaque mois.

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