Modèle Saint Simonien Chambord signé Sylvain Nuffer - Photo : Greg Alexander

PARIS, 13 fév 2007 (AFP) - Longtemps symbole de l'oppression des femmes, devenu dans les années 80 un accessoire de mode leur permettant d'affirmer leur féminité, le corset a entrepris de séduire aussi les hommes.

A l'origine de cette initiative, un maître corsetier, Sylvain Nuffer, fils de corsetière, qui a lancé, ou plutôt relancé le corset pour homme il y a un peu plus de quatre ans. "J'avais une frustration en tant qu'homme de ne pas avoir un choix énorme dans la mode", explique-t-il à l'AFP à l'occasion d'une exposition sur le corset organisée à Paris par la Société d'Encouragement aux Métiers d'Arts. "J'ai fait un corset pour moi et il a eu des petits frères", ajoute M. Nuffer --jean et corset gris sur chemise et cravate assorties.

A vrai dire, le corset pour homme n'est pas vraiment une nouveauté, "il a plus de quatre siècles", souligne Sylvain Nuffer. Il était alors utilisé par les cavaliers pour protéger leur colonne vertébrale. Plus tard, les membres de l'ordre philosophique des Saint-Simoniens le portent également: c'est un vêtement "symbolique d'entraide humaniste", une aide étant nécessaire pour le lacer dans le dos.

"Les corsets pour homme, ce n'est pas une aberration, loin de là", estime Hubert Barrère qui réalise des corsets féminins pour les plus grands créateurs et des clientes telles que Madonna, Kylie Minogue, Isabelle Adjani. Des ouvrages évoquent des corsets pour homme au XVe siècle et jusqu'au lendemain de la seconde guerre mondiale, "il y avait des baleines dans les doublures" des vêtements d'apparat des militaires, raconte-t-il.

Le "saint-simonien" --nom du corset masculin depuis deux cents ans-- a toujours des lacets dans le dos, souligne M. Nuffer, mais "au XXIe siècle, on est pressé", il s'ouvre donc facilement par de discrètes attaches sur le devant.

Corset pour homme Photo : Martin Bureau/AFP

Réalisé surtout en camaïeux de noirs, gris, bruns parfois égayés de rouge, de violet, d'or, en lainage, soie, acétate, et même en jean, il n'est pas destiné qu'aux motards mais "remplace, avec le maintien en plus, le gilet de costume" et met en valeur les pectoraux, souligne le corsetier.

Les modèles sont plus ou moins baleinés, selon le degré de rigidité souhaité. Les prix se situent aux environs de 500 à 600 euros pour du prêt-à-porter, avec une majoration de 35 à 45 % pour du sur mesure.

M. Nuffer, qui fabrique une trentaine de corsets masculins par an, reconnaît qu'ils restent pour l'instant "réservés à des initiés".

Parmi eux, Laurent Renaud, qui porte son corset "au quotidien. C'est un plaisir personnel. Je peux le porter sur une chemise ou sous un pull", dit-il. "Je travaille dans le monde de la mode et aime avoir un maintien", explique cet admirateur de Thierry Mugler, l'un des couturiers qui contribua au retour en grâce du corset (pour femmes) au début des années 80.

Jean Paul Gaultier --qui créa le célèbre corset aux seins pointus de Madonna--, Azzedine Alaïa, Vivienne Westwood, Christian Lacroix et plus récemment John Galliano, Alexander McQueen et Stella McCartney, l'ont également remis à l'honneur, précise Hubert Barrère.

Ce corset qui s'affiche n'a plus rien à voir avec son ancêtre. Le corset a "longtemps été une meurtrissure pour le corps des femmes", rappelle M. Barrère, "maintenant, c'est une volonté, pas une soumission".

("Le corset d'hier à aujourd'hui" - jusqu'au 23 février, gratuit - Viaduc des arts, 23 avenue Daumesnil, Paris XIIe)

Par Dominique SCHROEDER