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13 mars 2018
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Le rachat de Lancel par Piquadro auprès de Richemont : un deal gagnant ?

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13 mars 2018

En annonçant ce mardi 13 mars être entré en négociations exclusives avec le géant du luxe Richemont pour lui racheter éventuellement la marque de sacs Lancel, le groupe de maroquinerie italien Piquadro a vu son titre grimper de plus de 4 % à la Bourse de Milan, où il est coté depuis 2007. L'acquisition pourrait être finalisée d'ici à la fin du premier semestre.

L'un des derniers modèles de la griffe de sacs française - lancel.com

 
Le marché ne s’y trompe pas. Si l’opération devait se concrétiser, elle  pourrait permettre à la marque de sacs et accessoires high-tech italienne d’entrer dans une nouvelle dimension, comme le souligne Luca Solca, analyste en charge du luxe pour Exane BNP Paribas. « Ce rachat représente une bonne occasion pour Piquadro, qui grandirait notablement. »
 
Fondée en 1987 par Marco Palmieri, l’entreprise était principalement axée à l’origine sur le segment business et voyage avec une production en Chine. Touchée par la crise, elle a inversé la tendance il y a quelques années en se diversifiant avec des produits également orientés sur la mode et en ramenant une partie de sa production en Italie. Surtout, elle s’est diversifiée dans le luxe, en mettant la main fin 2016 sur le maroquinier florentin The Bridge.

A l’époque, Marco Palmieri évoquait pour son groupe « le début d’un processus d’agrégation de marques d’accessoires du segment premium ». L’achat de Lancel semble aller dans ce sens et pourrait permettre à l’entreprise de Bologne notamment de faire jouer les synergies avec l’usine toscane de The Bridge à Scandicci, en Toscane.
 
L’arrivée de Lancel dans son portefeuille renforcerait par ailleurs une stratégie de marques complémentaires. Une stratégie qui s’est avérée payante jusqu’ici puisque The Bridge a contribué à accélérer la croissance de Piquadro, qui a atteint un chiffre d’affaires de 71,32 millions d’euros sur neuf mois dans son exercice 2017-18 s’achevant au 31 mars, en hausse de 39,2 %, alors qu’il affichait un chiffre d’affaires annuel de près de 76 millions d’euros sur son exercice précédent.

Pour Lancel, intégrer un groupe de maroquinerie à part entière et bénéficier d’une structure de production en Italie pourrait se traduire par un nouveau chapitre prometteur. L’historique marque française de sacs, fondée en 1876 à Paris par Angèle Lancel, est engagée depuis plusieurs années dans un parcours de restructuration.
 
Rachetée par Richemont en 1997, la griffe avait déjà été mise en vente en 2012, mais sans succès, et le groupe de luxe s’était résigné à la garder. En 2014, alors qu’elle cumulait les déficits, Lancel avait vu ses ventes fondre. Confiée à Marianne Romestain, à la tête de la marque depuis 2014, la relance a été amorcée depuis, faisant remonter les ventes autour de 130 millions d'euros avec un réseau de 78 boutiques, selon une source financière.

« Lancel pourrait fonctionner encore mieux si, au lieu de chercher à rivaliser avec Gucci, Burberry ou Prada, le label essayait de se concentrer sur le luxe accessible, occupant l’espace qui a vu le succès de Michael Kors, Tory Burch, Coach et Longchamp », note encore Luca Solca.

Le maroquinier ne donne pas ses chiffres, mais selon les derniers résultats de Richemont publiés le 11 janvier dernier, les activités hors bijoux et horlogerie, chapeautant notamment les marques Lancel, Dunhill, Montblanc, Chloé et Azzedine Alaïa, étaient stables au troisième trimestre, s’élevant à 509 millions d’euros (0 % à taux de change constant, -5 % à taux de change courant). Et le groupe de mettre en avant dans cette stabilité : « une croissance notamment de Montblanc, Chloé et Lancel ».

Le moment semblerait donc propice pour la cession de Lancel de la part de Richemont. D’autant plus que le numéro 2 mondial du luxe vient de voir ses ventes repartir après deux ans de baisse. Le propriétaire de Cartier, Piaget, IWC et Jaeger-LeCoultre, fortement touché par la crise du secteur de l’horlogerie, a multiplié les mesures drastiques ces deux dernières années pour redresser la barre, du rachat de stocks pour reprendre les montres invendues et faire de la place aux nouvelles collections, aux centaines de suppressions d’emplois dans ses manufactures, en passant par l’assainissement de son réseau de distribution et le rajeunissement drastique de son management.

Le groupe de luxe genevois est par ailleurs en train de redessiner son portefeuille en se centrant sur le luxe et l’horlogerie. Il s’est ainsi séparé de sa filiale chinoise de prêt-à-porter et maroquinerie Shanghai Tang en juillet dernier, tandis qu’il a racheté la maison de maroquinerie milanaise très haut de gamme Serapian, qu’il connaissait de longue date puisque dans les années 1970-80, l’établissement fournissait notamment les collections en cuir de Cartier et de Dunhill.

Par ailleurs, Richemont a annoncé en janvier vouloir mettre 2,8 milliards d'euros sur la table pour racheter les 75 % qu'il ne détient pas encore du distributeur italien en ligne Yoox Net-A-Porter afin de se renforcer sur le digital. L'an dernier, Richemont a acquis aussi une participation de 7,5 % dans Dufry AG, le plus grand détaillant détaxé au monde. Depuis deux ans, il a ainsi donné un nouveau contour au groupe, où Lancel ne semble plus avoir sa place.

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