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19 mars 2018
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Louboutin et l'imbroglio de l'exclusivité sur les semelles rouges

Publié le
19 mars 2018

L’enjeu est de taille pour Louboutin. Engagé dans un bras de fer juridique concernant l’exclusivité de ses fameuses semelles rouges, le chausseur est dans l’attente. Depuis quelques temps circulent sur le web plusieurs articles affirmant que ce dernier aurait perdu le monopole de cet attribut. En réalité, la question n’a pas été encore tranchée et est débattue désormais devant la Cour de justice de l’Union Européenne (CJCE). Une décision est attendue dans les prochains mois.


Les célèbres escarpins à semelle rouge du chausseur de luxe - Christian Louboutin


La maison de souliers de luxe n’a clairement pas l’intention de céder du terrain et monte au créneau pour défendre ses positions concernant cette épineuse question. « Notre marque a commencé à être déposée dans cette version dès 2007 », rappelle Louboutin, qui, depuis, a comptabilisé une vingtaine de procès. Un investissement important, mais nécessaire pour défendre sa réputation et ses affaires.

L’affaire juridique en cours qui pourrait ébranler son édifice est d’ailleurs arrivée par l’un de ces procès. Tout a débuté il y a quelques années, lorsque la maison du créateur Christian Louboutin a décidé de poursuivre pour contrefaçon, devant le tribunal de La Haye aux Pays-Bas, la chaîne de magasins de chaussures néerlandaise, Van Haren Schoenen, qui avait commencé à commercialiser en 2012 des modèles d’escarpins avec une semelle rouge. La griffe a obtenu d'emblée une interdiction de commercialiser par le biais d’un référé, c’est-à-dire une procédure d’urgence.

Suite à cette décision, Christian Louboutin a engagé une action supplémentaire devant le même tribunal pour obtenir des dommages et intérêts. Van Haren a contesté de son côté la validité de « la marque semelle rouge » déposée au Benelux.

Partant de là, le tribunal de la Haye a souhaité obtenir des éclaircissements en posant une question préjudicielle, c’est-à-dire avant de rendre sa décision, à la Cour de justice de l’Union européenne (CJCE). C’est ici que cela devient technique.  Il lui a demandé si pouvaient être appliqués les critères applicables aux marques constituées par une forme, au rouge apposé sur les semelles des souliers à talons Christian Louboutin.

Le 6 février dernier, l'avocat général de la Cour de justice européenne, Maciej Szpunar, a proposé une réponse indiquant qu’il était possible d’examiner la validité de « la marque semelle rouge » de Christian Louboutin enregistrée au Benelux au regard des critères de validité des marques de forme.

Le Tribunal de La Haye devait examiner par la suite la demande de Van Haren réclamant l’annulation de la marque au motif que la forme constituant celle-ci, c’est-à-dire la couleur rouge, donnerait sa valeur substantielle au produit sur lequel elle est apposée. L’avocat général Maciej Szpunar a précisé à ce sujet que pour apprécier si la forme objet de la marque donnait sa valeur substantielle au produit, il fallait prendre en compte « exclusivement la valeur intrinsèque de la forme » et non « la réputation de la marque ou de son titulaire ».


Christian Louboutin - DR


Tout dépend donc de la manière dont sera considérée juridiquement cette combinaison portant sur une couleur et une forme. Le griffe se dit confiante parce que « ce n’est pas la couleur rouge en tant que telle, ni la forme de la semelle sur laquelle elle est apposée, qui donnent sa valeur au soulier, mais son originalité et sa qualité de fabrication ».

« La semelle rouge tire sa valeur de sa notoriété construite sur les efforts marketing de la maison Christian Louboutin et un usage continu depuis 25 ans, le public associant maintenant cet usage de la couleur rouge sur des semelles de souliers à talons à notre maison. Cette notoriété ne pourra être utilisée contre la marque de Christian Louboutin car il ne doit pas en être tenu compte pour déterminer si la marque donne sa valeur substantielle au produit », explique la maison. 

Par ailleurs, comme le souligne le chausseur, la décision de la Cour de justice européenne n’a pas encore été rendue. Cette décision est attendue entre mai et juillet 2018. La Cour européenne dira alors si l’on peut appliquer ce critère de validité à la marque de Christian Louboutin.

« Si elle répond non, alors elle nous donnera raison et il n’y aura plus de discussion sur ce point. Si elle répond oui, le dossier va être renvoyé devant le tribunal de la Haye, afin qu’il applique ce critère », précise la maison, qui veut interpréter les déclarations de l’avocat général comme pouvant cependant être perçues en sa faveur.

Louboutin attend une décision de la Cour de Justice en ce sens, comme elle le note dans un communiqué : « Nous sommes confiants que dans la décision qui sera rendue par la Cour de Justice, si celle-ci décide d’appliquer les critères de la validité d’une marque de forme à notre marque, elle saisira l’opportunité de donner des indications précises aux cours nationales quant à la façon de déterminer si une marque donne sa valeur substantielle aux produits. Et notamment que la réputation de la marque ou de son créateur ne saurait remettre en question la validité de cette marque ».

En revanche, si le jugement du tribunal de La Haye confirmait que « la marque semelle rouge » déposée au Benelux ne peut bénéficier de la protection d'une marque déposée, les concurrents ou autres acteurs du marché pourraient alors s'engouffrer dans cette brèche juridique avec un impact certain sur le business de Louboutin.
 

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