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22 mai 2017
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Luxe : digital et réseaux sociaux perdent de leur attrait

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22 mai 2017

"Le luxe peut-il encore avoir l'audace de penser le futur ?", tel est le titre de la conférence qu’a tenue récemment le bureau de stratégie et création Martine Leherpeur Conseil à Paris, au sein de l’agence L’Art en Direct. L’objectif était de tenter d’apporter des réponses à une industrie toujours plus tiraillée entre la nécessité de créer du désir et celle de s'adapter aux rythmes imposés par le digital.
 

De gauche à droite, Pascale Cayla, Hélène Capgras, Géraldine Mahé, Marion Lavaine et Virginie Epry du bureau Leherpeur et de l’agence L’Art en Direct - FashionNetwork.com (Photo DM)


Face à un web tout puissant, sur lequel il faut apparaître sans relâche et de manière tentaculaire pour capter l’attention des consommateurs, de plus en plus de maisons s’interrogent sur les réels bénéfices d’un tel investissement.
 
« Nous sommes dans l’ère du ‘now & noisy’. Ce bruit permanent génère une surenchère, où les groupes de luxe sont tentés de créer du buzz à tout prix pour se faire entendre. Cela entraîne des dérives, le système poussant à être transgressif pour se faire remarquer. Le phénomène est encore exacerbé par la course aux millenials, auxquels on attribue le goût de l'immatériel et de l'instantané. Or cette course effrénée fragilise la stabilité des marques et de leur modèle de business », explique le cabinet Martine Leherpeur.

«Nous avons voulu prendre la parole sur cette dictature du ‘like’. Désormais, la masse d’images est telle, que dans la nébuleuse d’Instagram, les photos des marques sont devenues quasiment invisibles. Lorsqu’un Internaute ‘like’ une image, la plupart du temps, il n’en distingue plus sa provenance. Du coup, l'impact est zéro pour les maisons », explique Géraldine Mahé, consultante stratégie et prospective.

« Ces réseaux sociaux sont très consommateurs d’iconographies. Or, pour le  luxe, qui est habitué à réaliser de belles images, alimenter plusieurs fois par jour un site peut devenir vite coûteux pour un retour sur investissement incertain. De même, il y a un épuisement et un essoufflement chez les créateurs. Ils n’en peuvent plus du digital et aimeraient en sortir », poursuit-elle.

« Ce nouveau diktat du ‘now & noisy’ assèche également la créativité et l’innovation des hommes de l’entreprise, qui ont besoin d’avoir une rupture dans ce temps compressé », enchérit Pascale Cayla, directrice fondatrice de l’agence L’Art en Direct.

Depuis quelque temps, le cabinet Leherpeur enregistre sur ce thème « de vrais questionnements de la part des maisons, d’ordre éthique mais aussi budgétaire ». Il ne s’agit pas de revenir en arrière, le digital étant incontournable, mais de comprendre comment s’y prendre pour avoir du sens sur la Toile et s’ancrer dans le futur.

Certaines marques, par exemple, vident régulièrement leur page Instagram pour recréer un nouveau mur. D’autres commencent à exploiter des moyens de communication plus directs et moins encombrés, telle l’application WhatsApp, qui séduit de plus en plus l'industrie du luxe et les revendeurs, car elle leur permet de toucher avec facilité et à moindres frais des clients d’âges très variés, sans rester confinés aux très jeunes adeptes des réseaux sociaux.


La page Instagram de Balmain - Instagram


Plusieurs griffes s’interrogent ainsi sur la manière dont elles peuvent s’exprimer à travers d’autres territoires que le digital « pour se ressaisir du futur ». Mais peuvent-elles prendre le risque de se retirer du web pour revenir à une communication plus essentielle et ciblée ?

« Sortir des réseaux sociaux ne veut pas dire ne pas y être présent, car il y a toujours un relais via les consommateurs, qui se photographient avec le produit. Cela signifie être présent de manière différente, sans produire du contenu systématique », nuance Géraldine Mahé.

Pour affronter ce nouveau défi, le bureau Martine Leherpeur propose aux maisons de mode quatre approches, définies à travers la synthèse des études qu’il a réalisées ces trois dernières années. Quatre postures à adopter, en fonction des affinités de chaque marque, pour se positionner au mieux par rapport à ce futur.

La première "voltairienne", se référant à la philosophie des Lumières, est celle des "Shapers" qui ont envie de façonner le futur. Ils prônent un luxe porteur d’un futur progressiste, où l’innovation et la science sont au service de l’homme, comme Louis Vuitton, Chanel ou Prada.

La deuxième approche "rousseauiste", proche de la nature, est celle des "Breakers". S’inscrivant en rupture, résolument tournés vers le savoir-faire, ces derniers célèbrent le retour à la culture de l’objet, la notion de patrimoine et de transmission, telles les griffes Hermès et Brunello Cucinelli.

La troisième posture s’inspirant du "phalanstère" est celle des « Shakers » avec un idéal communautaire et de partage et une notion de modernité métissée. Elle touche les marques qui secouent et ne sont jamais là où on les attend, telles Gucci et Stella McCartney.

Le quatrième profil, enfin, évoque le mythe du paradis perdu Xanadu, est celui des "Explorers" qui tentent d’échapper au chaos via les nouvelles technologies avec des références mythiques et futuristes. Un filon allant de Mugler à Iris Van Herpen.

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