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"Tissons la solidarité" : conjuguer mode et insertion pour renouer le fil de l'emploi

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AFP
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8 déc. 2015

Dix-huit mannequins d'un jour défilent avec fierté au musée des Arts Déco : ce sont elles qui ont trié, cousu et façonné cette collection de La Griffe à partir de vêtements de seconde main ou d'invendus de grands noms de la mode. Toutes sont en insertion.


Tissons la solidarité


« Quand elles arrivent chez nous, envoyées par Pôle emploi, ces femmes, souvent seules avec des enfants à charge, au chômage depuis longtemps, se voient comme des bonnes à rien. On leur redonne confiance en leur faisant prendre conscience de leurs compétences, en leur apprenant un métier », explique Caroline Portes, directrice de « Tissons la solidarité » (TLS).

Mardi soir, maquillées et coiffées par des pros, les jeunes ou moins jeunes top models ont présenté leurs créations, blouson en cuir noir et rouge (avec escarpins Louboutin assortis), trois-quarts vert gansé de cuir, mini robe en lamé noir ou robe rose... Elles ont été très applaudies et même « bissées » pour le final !

« Tissons la solidarité » réunit depuis 2004 économie classique, économie sociale et solidaire et monde de la mode et du luxe, à première vue aux antipodes. Au coeur de la formation qualifiante de TLS, la vente surtout, mais aussi la retouche, une certification textile par des professionnels...

Des enseignes comme Comptoir des cotonniers, Gérard Darel ou C&A, le Secours catholique-Caritas, des fondations, telles que Solidarity Accor ou Edmond de Rothschild, l'association Les Zèbres d'Alexandre Jardin sont partenaires du réseau.

Plus de 10.000 tonnes de vêtements passent chaque année entre les mains des salariées en insertion, de la collecte et du tri jusqu'à la vente.

Depuis sa création, des milliers de femmes et quelques hommes sont passés par les chantiers et entreprises d'insertion du réseau. S'y ajoutent 125 boutiques, partout en France, où sont vendus vêtements recyclés ou de première main.

« On mixe peu à peu les publics, notamment grâce à La Griffe. Ce ne sont plus des "comptoirs de charité", mais de vraies boutiques », dit Emmanuel Aubry, pilote des deux collections annuelles, hiver et été, qui a rejoint l'association en 2011 après une carrière dans la haute couture, dont dix ans chez Christian Lacroix, parrain de La Griffe.

« Quand on voit la niaque, la force incroyable de ces femmes, ça met à bas bien des préjugés sur la précarité », assure Caroline Portes.

Pari en partie gagné pour TLS avec un retour à l'emploi durable (CDI, CDD de plus de 6 mois) de 24 % à l'issue du contrat d'un an avec l'association, soit 12 points au-dessus de la moyenne des structures d'insertion par l'activité économique (IAE).

« Nous avons 1.900 salariés en insertion chaque année et 400 permanents, des pros du textile et des accompagnants », poursuit Caroline Portes.

Se « reconstruire »

Parmi eux, Jessica Lellouche fait désormais partie de l'encadrement de TLS : « Je suis arrivée à 23 ans, avec deux enfants en bas âge, aucun diplôme. Quand on parle chantier d'insertion, beaucoup ne voient qu'un public de cas sociaux... Le réseau m'a donné ma chance, un CDI, m'a aidée à me reconstruire. »

La Griffe est un projet à part. « C'est un outil de formation professionnelle : travail d'équipe, respect du plan de collection et des fiches produits, qualité, respect des délais, du calendrier de livraison », détaille Emmanuel Aubry, aujourd'hui designer de bijoux.

A la source, la collecte des dons de seconde main et d'invendus (sinon brûlés) auprès des entreprises partenaires, puis le tri, la formation à la couture, au modélisme...

« Elles sont fières de se voir capables de produire 100 pièces en six mois », souligne-t-il. Les collections sont vendues en boutique, à des prix très concurrentiels. « La Griffe n'est pas une marque. Le défilé, c'est pour montrer ce qu'elles savent faire », insiste-t-il.

Mais grâce aux compétences acquises, certains ateliers obtiennent des commandes en sous-traitance classique, comme ces « tote bags » (sacs fourre-tout poids plume en toile) confectionnés pour C&A.

« Auparavant, ils auraient été fabriqués en Asie », relève Emmanuel Aubry. D'ailleurs, « il y a encore quatre ans, une majorité de nos salariées en insertion avaient passé leur vie dans la couture avant les délocalisations et fermetures d'ateliers. Aujourd'hui, ce sont des jeunes de 20-25 ans... »

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