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27 juil. 2018
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Accord de libre-échange UE-Japon : quel impact pour les professionnels tricolores ?

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27 juil. 2018

Les représentants de l’Union européenne et du Japon ont signé le 17 juillet dernier un accord de libre-échange entre le Vieux Continent et l’archipel. Un partenariat bien accueilli par les professionnels du luxe, du prêt-à-porter, du textile et du cuir. Mais certains relèvent déjà que l’impact pourrait s’avérer plus mesuré qu’il n’y paraît.


Le Premier ministre japonais Shinzo Abe, entouré par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le président du Conseil européen Donald Tusk, le 17 juillet 2018 - AFP


« Dans un contexte de tensions commerciales, cet accord est un signal fort adressé par deux grandes puissances économiques en faveur d'un commerce international ouvert, équitable, fondé sur des standards exigeants et mutuellement bénéfique, s’est félicité le Quai d’Orsay, qui rappelle que le Japon est le sixième partenaire commercial de la France hors Union européenne, avec 8 000 entreprises françaises y exportant pour six milliards d'euros, dont de nombreuses entreprises primo-exportatrices. « Un accord de partenariat stratégique a également été signé à cette occasion, salue le ministère. Il permettra de développer notre coopération dans de nombreux secteurs pour répondre aux grands défis mondiaux ».

Partenaires de luxe

« Cet accord va favoriser, avec l’élimination des droits de douane et d’un certain nombre de barrières non-tarifaires, le développement de nos activités au Japon (même si beaucoup de nos secteurs n’avaient pas de barrières tarifaires : horlogerie, joaillerie, parfums, cosmétiques), indique à FashionNetwork.com Elisabeth Ponsolle des Portes, déléguée générale du Comité Colbert, l'instance représentative du luxe tricolore. L’accord de partenariat économique UE-Japon est le plus important accord commercial bilatéral jamais conclu par l’Union européenne. Au-delà des gains purement commerciaux, c’est surtout la coopération réglementaire qui pourrait faire la différence. »

Le Comité Colbert indique à FashionNetwork.com que l’ensemble des maisons composant l’organisme, quels que soient leur taille et leur savoir-faire, sont présentes au Japon. Le pays du Soleil-Levant représenterait en moyenne 10 % du chiffre d’affaires à l’exportation de ces maisons. Un chiffre qui grimperait même à 60 % pour certaines d’entre elles. Pour la déléguée générale, qui souligne la forte implantation du luxe français à Tokyo et Osaka, mais aussi à Kobe, Kyoto et Nagoya, l’engouement du Japon pour le luxe français a contribué dans les années 80 et 90 à faire de l’Hexagone une référence mondiale de l’élégance et du raffinement.

« Considérant que le Japon est un marché particulièrement favorable pour le type de biens et services de qualité élevée que l’Europe excelle à fournir, l’ouverture du marché japonais offre de très bonnes perspectives pour l’avenir. La Commission européenne s’attend à une hausse des exportations européennes vers le Japon, notamment pour les produits de luxe », souligne Elisabeth Ponsolle des Portes, qui indique que la chaussure profitera de la suppression immédiate des quotas et, à l’instar des accessoires en cuir, de la suppression des droits de douane.

Changement limité pour les marques

Un accueil bienveillant qui se retrouve de manière plus pondérée du côté de la Fédération française du prêt-à-porter féminin. Celle-ci, forte des liens commerciaux solides entre les acteurs de la mode tricolore et japonaise, organise deux fois par an le salon Mode in France à Tokyo. « Le Japon est un partenaire commercial extrêmement important pour nous, explique François-Marie Grau, délégué général de la fédération. Il s’agit de notre quatrième client hors-Union Européenne. C’est un marché particulièrement dynamique. Même quand le Japon a eu des difficultés, augmenté sa TVA, l’appétit pour la mode française était toujours présent. »

En 2017, le Japon a représenté 3,9 % des exportations en valeur du secteur prêt-à-porter féminin tricolore. Les expéditions se sont redressées de 7,7 % en un an, permettant à l’archipel de retrouver la quatrième place qu’il occupait parmi les clients de la France en 2015, et qu’une chute de 2,8 % des commandes lui avait coûté en 2016. Avant l’entrée en vigueur début 2019 de l'accord de libre-échange avec l’UE, l’Empire du Soleil-Levant pratiquait à sa porte une taxe allant de 7,4 % à 12,8 % selon les différents produits d’habillement. Des droits d’entrée dont la mode tricolore ne sera cependant pas vraiment affranchie.


Euratex


« Même s’il y a un accord, les marques n’échapperont pas aux taxes », assure François-Marie Grau. Les collections des marques françaises ne rentrent pas, dans leur très grande majorité, dans les conditions de l’accord de libre-échange. Tous les accords que l’UE passent sont basés sur l’origine préférentielle. Il faut que les vêtements européens soient produits en Europe avec des tissus européens. Ce qui est loin d’être la majorité des collections françaises. Cet accord va donc concerner quelques marques de luxe qui fabriquent en France. Donc il y aura au final peu de répercussions immédiates ».
 
Interdépendance textile

Selon l’Institut français de la mode, la France a exporté l’an passé pour 97,3 milliards d’euros de textiles (-3 %) et 224,5 milliards d’habillement (-1 %). Dans le détail, l’Hexagone a expédié pour 10,03 millions d’euros de fils et fibres (+ 26%), 7,1 millions de tissus et tricots (-16 %), 5,6 millions de textiles de maison (-15 %), 14,6 millions d’autres articles textiles (-8 %), 59,1 millions de vêtements en maille et lingerie (-2 %) et 164 millions d’autres vêtements (-1 %).

De son côté, le Japon a envoyé vers la France en 2017 pour 115 millions d’euros de textiles (+3 %) et 43,3 millions d’euros d’habillement (+16 %). Des montants qui se composent d’expéditions de quelque 46,6 millions d’euros de fils et fibres (-11 %), de 26,1 millions de tissus et tricots (+2 %), 286 000 euros de textiles de maison (-20 %), 24,6 millions d’euros d’autres articles textiles (+4 %), sans oublier 17,5 millions d’euros de vêtements en maille et lingerie (+82 %) et 25,4 millions d’euros d’autres vêtements (-8 %).

« Nous sommes très favorables depuis l’origine à cet accord, car le Japon est un marché important pour les produits de mode et de luxe », nous explique Emmanuelle Butaud-Stubbs, déléguée générale de l’Union des industries textiles françaises (UIT). Nous avons une certaine relation d’interdépendance avec le Japon, dont on importe beaucoup de fils et textiles techniques, et où l’on exporte beaucoup de produits finis, notamment maroquinerie et lingerie. Les taux de douane étaient déjà très bas, à environ 5 % pour le textile, mais cela n’empêche pas cet accord d’être une bonne nouvelle pour nous. »

Le cuir en balance favorable

Le Japon est également un partenaire de choix pour la filière française du cuir, selon le Conseil national du cuir. En 2017, 330,8 millions d’euros de productions tricolores ont été expédiées vers le pays, allant de la peau brute au produit fini. Une contraction de 6 % qui témoigne d’une tendance légèrement baissière sur la décennie écoulée, mais qui n’empêche pas l’archipel d’être le dixième client de l’Hexagone dans ce domaine, ni une balance commerciale bénéficiaire pour l’Hexagone, qui n’importe que pour 5,4 millions d’euros de productions de cuir nippones.


La France a expédié pour 330,8 millions d’euros de produits en cuir vers le Japon en 2017 - CNC


Dans le détail, la France exporte pour 1,7 million d’euros de cuirs et peaux brutes (91 %), 226 000 euros de peaux simplement tannées de reptiles (-83 %), 816 000 euros de gants en cuir de ville (-19 %), 6,4 millions de vêtements en cuir (+7 %) et surtout pour 266,9 millions d’euros d’articles de maroquinerie, en recul de 10 % l’an passé.

La France était en 2017 le quatrième fournisseur du Japon en maroquinerie, avec 9,9 % du total des importations japonaises de maroquinerie. Mais, de son côté, la filière cuir du Japon n’a pas pour cible principale l’Union européenne ou certains de ses pays, ses exportations en cuirs, peaux brutes, tannerie, mégisserie, chaussures et maroquinerie étant très largement tournées vers l’Asie, et dans une moindre mesure vers le marché américain.

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