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17 avr. 2023
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Affichage environnemental: la fast-fashion dans le collimateur du gouvernement

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17 avr. 2023

À l’occasion de la Journée de la mode circulaire qui s’est tenue à l’Institut français de la mode le 17 avril, la secrétaire d’État à la Transition écologique Bérangère Couillard n’a pas manqué de vilipender la fast-fashion et l’ultra fast-fashion. L’occasion d’officialiser le fait que "l’impact de la fast-fashion" sera l’un des huit critères retenus dans l’affichage environnemental de la Loi Climat et Resilience d'août 2021. Ce qui pose de nombreuses questions sur la quantification de cet impact.


La secrétaire d'Etat Bérangère Couillard, avec à sa gauche Maxime Delavallée (Fédération de la Mode Circulaire) et Xavier Romatet (Institut Français de la Mode) - MG/FNW


Une annonce intervenue dans le cadre d’une après-midi d’échanges organisée par la Fédération de la Mode Circulaire, qui depuis un an réunit des acteurs de la filière. Plusieurs centaines d’entre eux avaient répondu présent pour ce rendez-vous anniversaire qui a été l’occasion de dévoiler une étude chiffrant à 14 milliards d’euros le poids du marché français de la mode circulaire à horizon 2030 (lire notre article dédié). L'occasion pour Maxime Delavallée, président de la Fédération de la Mode Circulaire, d'appeler la filière française à: "donner une réponse exemplaire au défi civilisationnel" de la circularité. "Nous ne sommes qu'au début de cette grande aventure (...) vers une mode plus compétitive, collaborative et circulaire", a souligné le dirigeant.

C'est dans ce cadre que Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique, est revenue sur la réunion organisée en mars entre le ministère et les acteurs de la filière. Réunion durant laquelle le critère "d'impact de la fast-fashion" s'est imposé comme dernier critère retenu pour l'affichage environnemental. Après 11 expérimentations d’affichages menées par des entreprises volontaires en 2022, sept autres critères avaient en effet déjà été identifiés: la consommation d’eau pour la fabrication des matières, la durabilité physique des textiles, les conditions de production, l’utilisation de produits chimiques, les rejets de micro-plastiques, la valorisation des matières recyclées et la valorisation des textiles reconditionnés.

"On ne faisait pas ‘impacter’ dans l’affichage environnemental la récurrence des collections, et donc l’incitation à l’achat", a indiqué la secrétaire d’État, en évoquant ce dernier round de discussion avec les marques. "Or, c’est un facteur majeur de la situation que nous connaissons aujourd’hui.".

Une affichage critiqué car "franco-français"



Ce ciblage de la fast-fashion s'invite dans un affichage environnemental qui ne fait pas l’unanimité au sein de la filière mode française. Certains acteurs redoutent notamment les confusions avec le projet de passeport européen numérique des produits (ou DPP). Un projet par lequel Bruxelles entend imposer d'afficher la nature et l'origine des produits vendus en Europe (notre article dédié).


Shutterstock


"J’ai bien entendu les critiques des moins volontaires du secteur, qui s’interrogent sur des mesures qui seraient franco-françaises et pas élargies au niveau européen", pointe Bérangère Couillard. "Mais je veux vous dire que la loi Agec inspire au niveau européen, et nos travaux sur l’affichage environnemental donne des idées à la Commission européenne. Nous devons continuer à mener la course vers une économie durable, et ne pas attendre les autres pour pouvoir le faire. Nos étiquettes actuelles montrent peu d’informations. Or je suis certaine que, si j’étais mieux informée, je ferais mieux mes achats d’habillement.".

Mais comment quantifier "l'impact de la fast fashion" ?



Dans le cas de l'affichage environnemental à la française, chaque critère va rendre nécessaire de trouver comment chiffrer une valeur environnementale sur son propre périmètre. Le défi s'avère particulièrement complexe pour "chiffrer" l'impact de la fast-fashion. Le ministère s’oriente-t-il vers une indexation du score basé sur la régularité des arrivages de nouvelles pièces, ce qui nécessiterait une transparence (et un contrôle) des enseignes ? Ou l’exécutif s’oriente-t-il vers une liste de marques considérées comme "fast-fashion", à l’instar de la récente initiative du site de seconde main Vestiaire Collective ?

Interrogé sur ce point précis par FashionNetwork.com, la secrétaire d'État n’a pour l’heure pas de piste à évoquer. "C’est justement ce qui est en cours de réflexion", explique Bérangère Couillard. "Nous sommes en pleine discussion avec les acteurs pour définir ce qu’est concrètement l’impact de la fast-fashion, et surtout comment le quantifier, à le faire apparaitre dans les calculs. Je ne peux pas pour l’instant vous répondre, mais nous aurons des informations sur le sujet cet été, suite à notre prochaine réunion avec les acteurs, et qui doit permettre de définir les méthodes de calcul.".

Alors que la question devrait être tranchée cet été avec les acteurs de la filière, en octobre, c’est le cadre juridique décidant du calendrier d’application qui sera discuté. L’éco-score devrait, selon le ministère, faire son apparition dès 2024 chez les marques volontaires.

"Produits toxiques à tous points de vue"



Les propos de la secrétaire d'État sur le rôle éducationnel des informations aux consommateurs ont trouvé un écho particulièrement pugnace. Celui-ci est venu de l’hôte de cette Journée de la mode circulaire, le directeur général de l’IFM Xavier Romatet. "L’éducation des jeunes (consommateurs, ndlr) a un rôle majeur, et tous nous devons nous considérer comme étant des éducateurs", a expliqué le dirigeant, dont l'allocution ciblait sans les nommer Shein et ses pairs.

"Il faut que notre pays veille à ce que les acteurs peu respectueux des règles ne puissent pas continuer à nous envahir de produits toxiques à tous points de vue, accessibles à quelques euros, avec l’illusion d’être à la mode. Produits qui continuent à rentrer sur notre territoire en toute impunité, en faisant croire à de jeunes consommateurs qu’ils sont vertueux et participent au combat du pouvoir d’achat", a conclu le dirigeant.
 

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