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Clémentine Martin
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24 janv. 2023
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Ailleurs à Paris: Olivier Saillard, Taakk, AZ Factory et Steven Passaro

Traduit par
Clémentine Martin
Publié le
24 janv. 2023

À Paris, la clôture de la Fashion Week masculine a coïncidé avec l’ouverture de la semaine de la Haute Couture. Tour d’horizon chez les insiders du style de la capitale, avec quatre visions aux antipodes les unes des autres.


Olivier Saillard habille Axelle Doué - FN


Olivier Saillard: Moda Povera V Les Vêtements de Renée


 
Dans le milieu de la mode intellectuelle, difficile de faire plus intime et émotionnel que Moda Povera V Les Vêtements de Renée d’Olivier Saillard.

La dernière performance mode et art d’Olivier Saillard, le numéro cinq, était consacrée à sa mère avec une idée novatrice: vider sa garde-robe et recycler ou upcycler ses vêtements pour en faire une collection actuelle.
 
Le lieu participait sans nul doute à la magie de l’événement. L’ovale parfait du Salon de la Princesse des Archives Nationales en fait l’un des exemples les plus emblématiques au monde d’architecture et de décoration baroque. Cette institution française unique regroupe des archives remontant jusqu’au VIIe siècle, où sont notamment précieusement conservés les testaments de Louis XVI et Napoléon, mais aussi la Gazette des toilettes de Marie Antoinette.
 
Comme lors des précédentes présentations d’Olivier Saillard, la simplicité était de mise: une seule mannequin, l’élégante Axelle Doué, vêtue de collants noirs, d’un body et de talons hauts. Olivier lui-même lui passait les 30 looks, tirés de l’armoire de sa maman et changés en pièces intemporelles et chics. Un narrateur détaillait la composition de chacun des looks pendant qu’Axelle les enfilait.
 
Un simple drap brodé des initiales de Renée ouvrait la présentation, sublimé en une tunique drapée qui n’aurait pas déparé lors d’un défilé de Yohji Yamamoto. Suivait une série de longues robes stretch, composées de ses t-shirts. Chaque look avait son propre nom.
 
Une longue robe en tissu argenté semi-transparent, idéale pour une soirée de gala, venait mettre le point final à la présentation.
 
“Renée était la mère de Dany, Jocelyne, Michel, Lucette, Sylvie et Olivier. Elle était rousse, avec un visage harmonieux comme les reines de beauté des années 1940, et un caractère particulier. Elle était chauffeur de taxi et c’était sa liberté“, expliquait Olivier Saillard avant le début de Moda Povera V.
 
Se déshabiller en public n’est jamais facile, mais la grâce naturelle d’Axelle Doué lui a permis de se tirer haut la main de l’exercice. Les attentions délicates d’Olivier Saillard, qui lui enlevait des peluches de tissu et brossait ses cheveux, en ont fait un moment unique.
 
“Précisément parce que ce sont des vêtements modestes et humbles, une forme d’aristocratie émane du soin avec lequel elle les traitait. Les marques d’usure sont devenues des broderies“, soutenait Olivier Saillard.
 
Répétée quatre fois jeudi devant 50 personnes à la fois, cette performance illustrait bien l’amour de la mode qu’ont Paris et les Parisiens.
 
La présentation s’est terminée sous une salve d’applaudissements nourris, qui ont redoublé d’intensité quand Olivier a embrassé ses deux grandes soeurs dans l’assemblée. Elles étaient en larmes, comme la plupart des invités.


AZ Factory fait son show chez les drag queens (crédit photo: Kendrick) - FN


 AZ Factory fait son show chez les drag queens à St Germain


 
AZ Factory a présenté sa nouvelle collection lundi soir dans un club de drag queens chic de St Germain, où la maison a révélé son partenariat avec un nouveau jeune talent.
 
Cette saison, Tennessy Thoreson était l’heureux élu: un illustre inconnu dont la première collection pour AZ Factory s’intitule Super Heroïnes. Douze personnages, principalement des drag queens, se produisaient sur une scène du Paradiso Club, une charmante boîte de nuit souterraine à St Germain, habilement rénovée par India Mahdavi. Le douanier Rousseau, brusquement propulsé au XXIe siècle.
 
La présentation ne figurait pas au calendrier officiel de la Haute Couture parisienne, mais chacun des looks était cousu à la main dans l’atelier d’AZ Factory à Paris.
 
Les vêtements comprenaient une combinaison expressionniste abstraite et ses boots assorties, des pièces austères parcourues de liserés colorés en fourrure synthétique, d’extravagantes robes moulantes et un modèle en PVC rehaussé des mêmes liserés fourrés.
 
Lors du défilé, l’un des mannequins a percé ses deux joues avec des pics en métal, provoquant des grognements de désapprobation chez certains journalistes. Mais que serait la haute couture sans une savante dose de provocation?
 
Repéré à la HEAD de Genève en 2021 par Mauro Grimaldi, le PDG d’AZ Factory, Tennessy Thoreson est d’origine française. Drag queen à ses heures perdues, le jeune talent est le dernier à avoir collaboré avec cette marque lancée par Alber Elbaz juste avant son décès des suites du Covid.


Le défilé Taakk, avec Bruno Gouery dans le public - FN


 Taakk: abstraction impressionniste


 
Pour commencer, soulignons que l’abstraction impressionniste ne doit pas être confondue avec l’impressionnisme abstrait. Et c’est bien l’abstraction impressionniste qui a inspiré la collection de Taakk cette saison.
 
Son créateur, Takuya Morikawa, a contemplé une toile de Van Gogh avant de méditer sur le sentiment d’humanité qu’elle éveillait dans ses pensées.
 
Le résultat: un mélange étrange mais esthétique d’imprimés. Un jardin abstrait esquissé façon Jasper Johns à Giverny, apposé sur des pyjamas bleu poudré en soie, ou encore un pantalon à cordons de serrage dans toutes les nuances du soleil couchant, comme si Van Gogh avait pris un buvard d’acide.
 
Ironiquement, les meilleurs looks étaient aussi les plus sobres, comme les tops masculins en cuir ciré prolongés par une partie en laine au milieu du torse, avec un effet dip-dye inversé, ou les superbes manteaux oversize en jacquard anthracite.
 
Il a même réinventé la pièce phare de la garde-robe masculine actuelle: le veston fin matelassé d’Uniqlo, dans une version là aussi inspirée d’un imprimé dip-dye, en cuir et tissu lainé à carreaux. De nombreux classiques intelligents émaillaient la collection, twistés avec des matières pelucheuses et laineuses qui faisaient briller les yeux de tout le public, dont Bruno Gouery d’Emily in Paris, pas encore lassé de sa nouvelle renommée mondiale.
 
“Chaque tissu a été conçu avec de forts engagements personnels. Tous ont été forgés à travers les tribulations du doute et de la jubilation. Gavez vos yeux de cette nouvelle collection“, concluait le designer. C’est semble-t-il chose faite.

Steven Passaro: des costumes inspirés de Caroline Koenigs


 
L’un des talents les plus intéressants présentés par l’incubateur mode Sphere cette saison se nomme Steven Passaro.
 
La vraie bonne idée du designer pour la saison: retranscrire les images de la photographe allemande Caroline Koenigs en des vestes élégantes, des redingotes masculines rock’n’roll, des chemises tendance et des tops en maille jacquard.
 
Steven Passaro est un tailleur minutieux, qui aime les épaules larges pour ses costumes d’homme pressé. Une veste déstructurée était complétée par un insert en tulle plissé ajoutant une touche théâtrale, comme si des ailes en émergeaient. Un pantalon écru en laine, avec une ceinture-corset, semblait venu d’un autre monde.
 
Une sensibilité couture et arty, de la part d’un designer qui semble avoir un fort potentiel.

 

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