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3 nov. 2022
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Aska Yamashita (Atelier Montex): "Il y a une revalorisation réelle du travail fait à la main"

Publié le
3 nov. 2022

Aska Yamashita a intégré l’Atelier Montex au début des années 1990, alors qu’elle était âgée de dix-neuf ans. Trente ans plus tard, la directrice artistique de cet atelier de broderie, racheté par Chanel en 2011 au sein de son pôle Métiers d’art, n’a rien perdu de sa passion. Présidente du jury pour le concours des accessoires de mode du Festival de Hyères cette année, elle nous parle de l’évolution de la broderie et de son importance aujourd’hui pour les créations de luxe.


Aska Yamashita - Atelier Montex


FashionNetwork.com : Pouvez-vous nous rappeler votre parcours ?

Aska Yamashita : Spécialisée dans le dessin, je suis arrivée à l’Atelier Montex il y a trente ans pour renforcer les équipes à l’occasion d’un projet spécial. A l’époque, l’entreprise était dirigée par Annie Trussart, qui était en train de la moderniser en faisant évoluer les techniques. Elle m’a demandé de rester. J’ai appris le métier en intégrant l’atelier et lui ai succédé comme directrice artistique lors de son départ à la retraite en 2017.

FNW : Vous êtes maintenant installés au 19M, le site qui réunit tous les Métiers d’art de Chanel à la Porte d’Aubervilliers. C’est comment ?

AY : C’est complètement différent ! Avant, nous travaillions en plein Paris, dans un atelier du IXe arrondissement.  Nous côtoyons désormais les autres métiers. On peut créer des passerelles, il y a une vraie vie. C’est un très bel outil de travail.

FNW : Que représente l’Atelier Montex aujourd’hui ?

AY : L’entreprise est née en 1939 avec une offre de tissus brodés au mètre. Dans les années 1980, elle s’est développée dans la mode. En 2013 a été créé le Studio MTX, rattaché à notre atelier, spécialisée dans la broderie architecturale, qui réalise des objets et installations de décoration intérieur avec toutes sortes de matières et des propositions plus modulaires. Désormais, nous sommes 60 personnes dans un espace de 1.000 mètres carrés.

FNW : En quoi consiste votre activité ?

AY :
Nous proposons de la broderie essentiellement autour de trois techniques. Comme Lesage, autre Métier d’art de Chanel, nous pratiquons à la main la broderie à l’aiguille et celle au crochet de Lunéville, qui consiste à insérer perles, paillettes et autres. A cela s’ajoute la broderie de Cornely, notre spécificité, réalisée également au crochet mais sur une machine, où il est guidé par la main. Cette technique nous permet de mélanger toutes sortes de matières. J’aimerais par ailleurs intégrer une machine mécanique pour avoir encore une autre écriture, en remélangeant la broderie mécanique avec la main.

FNW : Quel est le style Montex ?

AY : Nous aimons mélanger toutes les techniques. Nous avons aussi un pôle infographie pour créer nos propres éléments de broderie, découpes, patches, supports. La broderie, c’est de la valeur ajoutée sur le textile. Il y a les perles, paillettes, etc. Mais avec les matières de base, on peut créer aussi, via les machines et la technologie, nos propres formes. On vient nous voir car nous avons une impression assez moderne. Nous avons un côté un peu laboratoire. On est beaucoup dans la matière, plus que dans le figuratif.

"Le fait d’intégrer l’infographie, nous a par exemple permis d’exploiter différents matériaux"



FNW : Comment voyez-vous évoluer la broderie ?

AY : La broderie peut être très plaquée sur le tissu. Or, depuis quelques années, on assiste à une explosion de volumes dans la broderie. Cela reflète aussi l’évolution des technologies. Avec le 3D, on obtient des volumes assez exagérés. Le fait d’intégrer l’infographie, nous a par exemple permis d’exploiter différents matériaux. Cela élargit le champ des possibles. Les outils évoluent. Il faut s’en approprier et raconter une histoire.

FNW : Y a-t-il des modes dans la broderie ?

AY : Actuellement, nous sommes dans un cycle de paillettes. Il y a aussi un inconscient collectif. Parfois, à un même moment, les créateurs nous demandent des choses similaires. Sinon, il y a des éléments récurrents, tels l’animalier, les rayures, etc.

FNW : Quels sont vos clients ?

AY : Chanel reste le client principal.

FNW : Comment voyez-vous l’avenir de la broderie ?

AY : En ce moment, il y a une revalorisation réelle du travail fait à la main. Le travail artisanal est tellement mis en avant, que je n’ai pas d’inquiétude pour l’avenir des brodeuses. Certes, c’est cyclique, mais la broderie existe depuis toujours, dans tous les pays. C’est une expression, qui se réinvente tout le temps.

FNW : Que signifie broder pour vous ?

AY : Avec la broderie, on est dans un autre temps. On oublie souvent, mais le travail de la main permet de se positionner et de se poser. On laisse faire les mains, et l’esprit peut partir ailleurs, c’est comme une respiration. C’est très long. On est dans la cadence des unes et des autres.

FNW : Que vous a apporté votre expérience au Festival de Hyères ?

AY : C’est très enrichissant. Nous participons depuis quelques années au Festival à travers le prix le19M des Métiers d’art de Chanel. Pour nous, c’est intéressant, car les jeunes designers n'utilisent pas forcément de la broderie. Cette année, nous avons suivi Valentin Lessner (vainqueur du prix le19M, ndlr). Nous l’avons aidé à réaliser une salopette poilue avec des vieux stocks de laine, travaillés comme un mohair. Quant au concours pour les accessoires de mode, il s’est révélé très riche, les candidats étaient très différents entre eux et ont tous énormément travaillé. Le lauréat Joshua Cannone s'est d'emblée distingué par son univers très fort. 

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