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Atmosphère lugubre pour la Fashion Week de Londres
La Fashion Week s’est ouverte ce vendredi à Londres dans une atmosphère lugubre, nul n’élevant la voix dans la capitale britannique alors que la reine reçoit les derniers hommages, et que les créateurs présentent discrètement leurs dernières idées un peu partout en ville.
Le British Fashion Council a dû revoir radicalement l’intégralité du programme de la LFW. Il n’y a pas de défilés lundi 19, jour de deuil national, et des stars majeures comme Burberry et Raf Simons manquent à l’appel.
« Cette saison tombe pendant la période de deuil national, et tous les défilés et présentations seront arrêtés lundi 19 septembre, dans le cadre des funérailles royales. Toutes les fêtes et événements à l’exception des présentations et défilés eux-mêmes sont reportés ou revus à la baisse, pour se concentrer sur l’essentiel. La communauté des entreprises et des créateurs de mode dans son entier rend hommage à l’héritage de la Reine, et à son investissement au service de la créativité et du design », a déclaré le BFC dans un communiqué.
Le nouveau programme sur six jours comprend néanmoins plusieurs dizaines de défilés et présentations de créateurs. Et ce vendredi, trois évènements se sont distingués, lors d’une journée d’ouverture étonnamment animée: Edward Crutchley, Mark Fast et KNWLS.
Edward Crutchley: mythologie grec et robes aluminium
Des robes à froufrous en jacquard cloqué aluminium portées par des mannequins aux jambes poilues, sur un parking sombre et glauque: voilà la nouvelle collection d’Edward Crutchley, consacrée à l’idée que la mode doit toujours proposer une transformation permanente.
Dans cette collection intitulée "The Only Constant in Life is Change" (autrement dit, la seule constante dans la vie, c’est le changement), il fait référence à Héraclite, et à la fameuse maxime du philosophe grec, selon laquelle on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.
C’est doublement vrai pour les défilés d’Edward Crutchley, l’un des imaginaires les plus fertiles de la mode britannique, dont la robe d’ouverture était fendue jusqu’à l’aine, et parachevée par des manches bouffantes. Edward coupe ensuite le cloqué en jupes dirndl aussi raides que farfelues, ou en vestes de judo complétées par des ceintures aux nœuds complexes, dans le même tissu.
Edward Crutchley est un habile tailleur: comme on le voit avec ce pantalon cargo à la coupe idéale, en polyester recyclé élastiqué, dans un imprimé abalone qui s’inspire de l’I.A..
Et rares sont les créateurs aujourd’hui, où que ce soit, qui s’y connaissent autant en matériaux: comme l'atteste par exemple le choix de ses nylons effet aquatique, ou de ses tissus mesh ultra cool ornés de vagues de paillettes façon aurore boréale – ces derniers utilisés dans un peignoir-manteau enveloppant à tomber par terre. De nombreux tissus affichent une traçabilité totale, et respectent les critères volontaires du label pour une laine responsable (Responsible Wool Standard - RWS), avec une production certifiée dans toute la chaîne d’approvisionnement. Et tout comme il fait sauter les frontières en ce qui concerne les matières ou la silhouette, l’esthétique d’Edward Crutchley révolutionne le rapport au genre. Avec des beaux gosses musclés au torse poilu qui défilent en soutien-gorge à paillettes.
"Depuis deux saisons, Edward Crutchley développe tranquillement le vocabulaire du glamour queer. Une l’opulence assumée transparaît dans les vêtements. Il s’est emparé de l’extravagance pour la magnifier. On est encore monté de deux crans", expliquait la marque dans la note de programme.
Tout le casting, composé d’hommes, de femmes et de jeunes gens non-binaires, était juché sur des compensées holographiques monumentales argent et or, taillées comme des getas japonaises et associées à des chaussettes blanches ornées du logo de la griffe en forme de roue. Et l’ensemble était spectaculairement mis en scène dans ce parking souterrain en pente de Cavendish Square.
Une mode qui fait réfléchir et repousse les limites, qui fait d’Edward Crutchley un incontournable de la Fashion Week de Londres.
Mark Fast: du streetwear près du corps
On peut faire confiance à Mark Fast pour proposer un superbe exemple de cette longue tradition britannique: le streetwear, mais avec une pointe d’insolence qui fait toute la différence.
Du moulant dans ce qu’il peut avoir de plus audacieux, l’essentiel de la collection étant composée de mini-robes en maille ajustée. Les coupes proposent des laçages sur le flanc, pour révéler des kilomètres de peau, et en guise de finition des cordons et des ficelles, ainsi que des mitaines intégrées, du même tissu. Le tout dans des teintes fluo ultra vives, citron, orange amère ou violet profond.
Mark Fast aime jouer avec les grand classiques du style urbain: des sous-vêtements portés sur le dessus de Jean-Paul Gaultier au denim Renaissance de Marc Jacobs. Mais à chaque fois, il apporte sa touche personnelle.
En résumé, ce sont des tenues de soirée de première classe, que portera votre sœur si c’est le genre de fille qui aime les raves au petit matin avec des DJs électro belges genre Tour-Maubourg, ou les boîtes de nuit en sous-sol où mixe le rockeur dance expérimental français Danny Casseau.
L’idée de passer ces sons frenchy à Londres ce week-end crée un effet charmant, et la bande-son idéale pour ce défilé, qui comprenait également des pièces pour hommes – tops graffiti et tee-shirts à logo griffonnés. Mark a même imaginé de super chaussures : bottines monogrammées à lacets sport, sneakers compensées ergonomiques et escarpins à bride en maille.
Une démonstration très spéciale, de la part d’un créateur très spécial, lors d’un week-end très spécial à Londres.
KNWLS: Demoiselles déjà vues
Le duo créatif Charlotte Knowles et Alexandre Arsenault, son compagnon, qui s’est fait connaître sous le nom KNWLS, a choisi un écrin en béton pour présenter ses nouvelles idées, un lieu parfait pour cette démonstration fringante de féminité pointue.
Charlotte Knowles et Alexandre Arsenault aime mixer les esthétiques, intégrant des motifs cachemire, de la mousseline tâchée et du cuir usé dans de nombreuses tenues. Moulées et fières de l’être, les tops avaient pratiquement l’air d’avoir été coulées dans certaines pièces: tant les jeans évasé étaient ajustés, tant les chemises collaient aux corps. Le duo aime les laçages en quantité, devant et sur le côté, pour mieux révéler une tonne de peau, particulièrement le ventre. Du gothique rock victorien pour maigrichonnes, avec une sacrée dose d’audace.
Basés dans le sud de Londres, Charlotte Knowles et Alexandre Arsenault ont aussi récolté des louanges à Paris, se hissant en finale du prix LVMH, cette année.
Cependant, on avait trop souvent l’impression d’avoir déjà vu ces vêtements quelque part. En fait, c'était dans la collection qu’ils ont présentée au jury d’experts de la mode de LVMH.
KNWLS propose une vision puissante, et un look instantanément reconnaissable, ce qui promet un bel avenir à la marque. Mais comme nous le rappelait Héraclite, dans la vie, le changement est inévitable, et dans la mode, il est même essentiel.
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