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Bangladesh: professionnels français et ONG face au gouvernement

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24 mai 2013

Jean-Marc Génis

Suite au drame du Rana Plaza, patrons de marques, représentants professionnels et ONG se sont réunis le 23 mai autour de Nicole Bricq. La ministre du Commerce extérieur a, à cette occasion, avancé une série de propositions. Reste que ce rassemblement ne semble pas avoir fait évoluer les positions des intervenants.

Tout juste semble-t-il, aux dires des ONG, que le groupe Auchan aurait finalement reconnu devant l’assemblée que l’un de ses sous-traitants bangladais a pu illégalement sous-traiter au Rana Plaza. Une sous-traitance sauvage au centre des attentions, chaque drame ou polémique touchant l’industrie textile amenant les enseignes à se dire victimes du phénomène. Une fuite morale, pour les ONG, qui déplorent que les marques présentes aient accaparé une large majorité du temps de parole.

"C’est une très mauvaise excuse, pour Fanny Gallois de Peuples Solidaires. S’ils admettent qu’il y a eu de la production Auchan qu’ils n’ont pas été capables de contrôler, alors qu’ils savent pertinemment qu’il y a de la sous-traitance sauvage dans ce pays, qu’ils indemnisent les travailleurs." Est notamment cité le cas du géant Inditex (Zara), qui avait dédommagé les victimes de l’effondrement de l’usine bangladaise Spectrum en 2005, quand le Français Carrefour ne l’a jamais fait.

"Je n’ai jamais entendu un professionnel dire que le travail des enfants, c’est bien, et que l’exploitation de la misère humaine, c’est encore mieux" souligne pour sa part Jean-Marc Génis, président de la FEH (Fédération des enseignes de l’habillement), contacté par FashionMag. "Les 'Y'a qu’a, faut qu’on' des ONG, c’est bien quand on est au chaud à Paris. Sur place, c’est une vision plus difficile à supporter, et on se demande tous comment prendre le problème."

Un "risque réputationnel"

Prise entre deux feux, Nicole Bricq s’est quant à elle livrée à un numéro d’équilibriste, ne cachant pas d’ailleurs la difficulté de concilier commerce et impératifs sociaux. "Le commerce a une responsabilité qui dépasse le simple cadre mercantile, tout comme il y a l’exigence de la concurrence que je dois prendre en compte" a indiqué la ministre, qui espère rallier Bruxelles à ses propositions. "Quand la France avance, elle a quand même une capacité d’influence très forte, un rôle de stimulation (…). Si les efforts demandés au Bangladesh ne sont pas respectés, les donneurs d’ordre n’ont aucun intérêt à continuer à travailler avec le pays."

Nicole Bricq

"Je pense que l’Etat français est dans une logique de réunion des partenaires relève Sophia Lakhdar de l’ONG Sherpa. Nous sommes dans une logique voulant qu’il y ait des entreprises françaises qui continuent à exporter partout dans le monde, et en même temps essayer de les rendre vertueuses. Or, parfois, ces objectifs sont opposés. Le risque réputationnel pour les entreprises est tel que les marques sont contraintes de se mobiliser."

"Il faut s’attaquer à ce que l'on peut résoudre, résume Nicole Bricq, qui souligne que plusieurs pays développés refusent de signer certaines conventions sociales et environnementales. Je ne peux résoudre tous les problèmes de la mondialisation, mais peut-être œuvrer à ce que la chose commerciale ne fonctionne pas en autiste. Il faut donc que certains donnent l’exemple, et la France peut le faire."

"On ne peut pas prendre des mesures à l’emporte-pièce touchant le monde entier, prévient de son côté Jean-Marc Génis. Selon les pays, les problèmes ne sont pas les mêmes. Tous les moyens coercitifs qu’on aura pour améliorer la RSE (responsabilité sociale et environnementale) seront bons à prendre. Et je m’apprête à faire part de cela aux entreprises de France, et à lancer des pistes de réflexion."

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