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Camaïeu, symbole des perdants de la transformation du prêt-à-porter

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28 sept. 2022

Paris, 28 sept 2022 (AFP) - Covid-19, concurrence des ventes en ligne, inquiétudes sur le pouvoir d'achat, essor du marché de la seconde main : l'activité du prêt-à-porter fait face depuis trois ans à une succession de problématiques d'autant plus compliquée à gérer quand les entreprises, comme Camaïeu, sont en difficultés de longue date.


Un point de vente Camaïeu - AFP



L'impact du Covid-19



La liquidation judiciaire de Camaïeu, prononcée mercredi, est la dernière manifestation en date des difficultés du secteur de l'habillement.

Celui-ci n'a pas été aidé par son classement en activité "non essentielle" lors des confinements de l'économie pour lutter contre l'épidémie de Covid-19. Les magasins ont dû garder porte close une bonne partie de 2020 et de 2021, pénalisant les entreprises qui réalisaient l'essentiel de leurs ventes en boutiques.

En outre les consommateurs se sont dans cette période massivement détournés de l'"équipement à la personne": moins de sorties et d'événements festifs, plus de travail à domicile, allocation du budget aux vacances...

Le poids de l'inflation



Pour l'habillement, la sortie de la pandémie ne signifie pas un retour à la situation d'avant Covid-19: les ventes restent en 2022 près de 10% inférieures à leur niveau de 2019, explique à l'AFP Gildas Minvielle, directeur de l'observatoire économique de l'Institut Français de la Mode (IFM).

En cause: l'inflation. "Les distributeurs ont été contraints d'augmenter les prix, ce qui est toujours mauvais pour la consommation", poursuit-il. "Il y a l'augmentation du coût de l'énergie, des loyers et salaires", mais aussi "le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) souscrits pendant la crise du Covid-19, ce qui réduit encore la rentabilité des commerces, abonde Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, fédération du commerce spécialisé.

Et les consommateurs, qui subissent la hausse des prix du carburant, du chauffage ou de l'alimentation, ont tendance à ne pas dépenser beaucoup pour l'habillement: plutôt quelques jours de vacances ou un chariot de courses rempli qu'une virée en boutiques.

Boutiques versus ventes en ligne



Cela fait longtemps que les Français font moins les boutiques. Il manque encore cette année 15% des clients en magasins par rapport à 2019, selon Emmanuel Le Roch. La dépense moyenne lors d'une visite en boutique a grossi, mais n'a pas non plus rattrapé le niveau de 2019.

De fait, la fréquentation "baissait de l'ordre de 2 ou 3% par an depuis une dizaine d'années" avant Covid-19, les clients pouvant "mieux préparer leurs achats ou consommer directement en ligne".

Là encore, les enseignes qui, comme Camaïeu, ne se sont pas suffisamment adaptées à l'"omnicanalité", c'est-à-dire la capacité à combiner ventes en ligne et en boutiques, sont particulièrement pénalisées.

Selon une étude publiée par l'IFM et le panéliste Kantar en mai, un cinquième des ventes de vêtements en 2021 ont eu lieu en ligne, contre seulement 6% en 2009. Cette étude chiffrait à 2,3 milliards d'articles de mode achetés sur l'année 2019, soit environ 46 unités par an et par personne.

Le milieu de gamme en souffrance



Autre tendance lourde, le milieu de gamme a de plus en plus de difficulté à exister. "Dans la mode, il faut des aspérités, être plus attractif que la concurrence", ce que les enseignes de cette catégorie ont plus de mal à faire, estime Gildas Minvielle.

Cette tendance de consommation, également en vigueur dans l'alimentaire avec d'un côté une offre "discount" et de l'autre une offre plus haut-de-gamme, profite notamment aux "outlets" ou magasins de déstockage. Et, en ligne, à des acteurs de l'"ultra fast fashion", comme Shein, ciblant notamment les plus jeunes.

À noter toutefois: toutes les enseignes historiques ne sont pas en difficultés.

Montée en puissance de la seconde main



La seconde main est également en très forte croissance. Facilitée par des acteurs en ligne comme Vinted ou Le Bon Coin, elle doit son essor à des prix plus attractifs que le neuf, mais aussi à la prise de conscience progressive par les consommateurs de l'important poids écologique et sociétal de l'industrie textile, régulièrement stigmatisée par des associations de défense de la planète.

En réaction, de plus en plus d'enseignes vendent des vêtements d'occasion en plus de leur offre habituelle de neuf. Certaines marques ont aussi adopté d'autres modèles économiques pour être plus vertueuses, avec notamment une production réalisée à la demande.

Par Corentin DAUTREPPE

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