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Charlotte Chesnais : "Il y avait le it bag, maintenant il y a le it bijou"

Publié le
8 mai 2019

Diplômée du Studio Berçot, Charlotte Chesnais (34 ans) fait ses débuts auprès du créateur Vincent Darré, à l’époque à la tête d’Ungaro, avant d’entrer en 2006 chez Balenciaga, où elle travaille avec Nicolas Ghesquière, y développant, entre autres, sa première ligne de bijoux. Après de multiples collaborations, elle fonde en 2015 sa marque de bijoux, remportant dans la foulée le prix Accessoires de Mode de l’ANDAM. Talentueuse et déterminée, la créatrice parvient en quelques années à se faire un nom dans le très compétitif marché du luxe. A l’occasion du Festival de Mode de Hyères, dont elle a présidé le jury du concours des accessoires de mode, elle raconte son parcours à FashionNetwork.com et livre son point de vue sur l’évolution du marché et de la création dans le secteur de la joaillerie.
 

Charlotte Chesnais - ph Dominique Muret


FashionNetwork.com : Entre votre marque de bijoux et les collaborations, où en êtes-vous aujourd’hui ?

Charlotte Chesnais :
J’ai lancé ma marque il y a quatre ans en 2015. Je travaille aussi en consulting pour le prêt-à-porter homme et femme, mais surtout femme pour A.P.C., cela fera trois ans en octobre. Cette collaboration est le fruit d’une rencontre avec le fondateur, Jean Touitou, et sa femme Judith. On s’entend très bien. Je conçois des vêtements pour tous les jours, que je porte, qui ont l’air plutôt chic tout en étant abordables. Je travaille aussi pour Paco Rabanne, depuis que Julien Dossena en a repris la direction artistique. Il m’a demandé de m’occuper des sacs et des bijoux. Nous nous sommes rencontrés chez Balenciaga, lorsque je travaillais pour Nicolas Ghesquière. Je suis souvent sollicitée aussi par les maisons de haute joaillerie.

FNW : Que pensez-vous des griffes qui sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans la haute joaillerie, à l’instar de Gucci, Armani et Prada ?

CC :
Avant il y avait le it bag, maintenant il y a le it bijou. C’est un vrai phénomène. Il y a beaucoup d’argent à gagner. Les maisons l’ont bien compris. Pour elles, c’est une manière d’étendre leur univers. Elles ont toutes, par exemple, des lignes de bijoux fantaisie. Ce produit offre le segment premier prix juste après le parfum. C'est par ce biais souvent que les personnes entrent dans la marque.

FNW : Les griffes empiètent sur votre marché, n'est-ce pas un risque ?

CC :
Oui, c'est une concurrence. D'un autre côté, c’est une manière aussi de démocratiser le bijou. Avec cette tendance, cet accessoire est plus visible et désirable. Il devient indispensable pour finir une silhouette. Et cela nous apporte des clients.
 
FNW : Comment se structure votre offre ?

CC :
J'ai deux lignes. L'une en vermeil et argent, ainsi que de l'argent massif avec une couche d'or 18 carats. Les pièces sont vendues entre 200 et 1 500 euros. Puis j’ai lancé il y a deux ans des bijoux en or et en diamant, dont les prix s'élèvent entre 1 000 et 5 000 euros. Je fais aussi pas mal de projets spéciaux.
 
FNW : Où en est votre entreprise aujourd'hui ?

CC :
Nous sommes quatre personnes avec une stagiaire. La marque est distribuée dans des multimarques pointus, comme The Webster, des bijouteries telle White Bird, les Galeries Lafayette, mais aussi dans des boutiques créateur comme Jogging à Marseille.
 
FNW : Comment définiriez-vous votre style ?

CC :
Mes bijoux sont un équilibre entre deux éléments assez éloignés. Ce sont des pièces intemporelles et classiques avec des lignes inattendues. Il faut que quelque chose se passe, qu'il y ait un truc. Cela peut être une obstruction, un multiple porter, une façon d'enfiler… Par exemple, un bracelet qui prend le pouce, ce n'est pas classique.
 

L'exposition de Charlotte Chesnais à la Villa Noailles pour le Festival de Hyères - ph Dominique Muret


FNW : Comment procédez-vous ?

CC :
Je fais beaucoup de maquettes dans mon atelier à Paris avec les orfèvres. On cherche beaucoup, on expérimente. Mais au final, je réalise peu de bijoux. Je ne crée pas des collections saisonnières. Ce sont des chapitres - nous en sommes au chapitre 8 ou 9 - auxquels j'ajoute des pièces qui parfois se répondent d'un chapitre à l'autre. Par exemple, je viens de sortir une boucle d'oreille en écho à une bague de la première collection. Je ne veux pas faire des pièces à la mode, car après elles ne le sont plus. A moins que ce soit un clin d'œil dans le cadre d'une collaboration.
 
FNW : Qu'est-ce qui vous attire dans cette activité ?

CC :
En fait, je ne fais pas de la joaillerie parce que j'aime les bijoux. Je fais des formes et cela s'applique aux bijoux. Par exemple, pour l'exposition que j'ai conçue à Hyères, j'ai repris certains de mes modèles en format géant. Je ne l’avais jamais expérimenté. A l’arrivée, ces bijoux agrandis sont comme des sculptures.
 
FNW : Vous êtes souvent copiée, c’est la rançon du succès ?

CC :
C’est ce que l’on dit, oui, même si je n’apprécie pas forcément de voir mes créations pillées. Certains de mes modèles en particulier, comme les boucles d’oreille Saturn, le bracelet pouce Bond ou le bracelet Ivy, qui se pose sur la main, ont été beaucoup copiés.
 
FNW : Comment voyez-vous le marché de la joaillerie ?

CC :
C’est un métier très à la mode depuis trois, quatre ans. Dans les années 1990, c’était la mode des décorateurs d’intérieur ! Il y a beaucoup de marques, de gens qui s’improvisent et qui copient. Cela m’agace, mais me fait avancer en même temps. Mais je dois avouer que l’industrie du bijou n’est pas facile tous les jours... On ne peut pas toujours faire tout, toute seule. Il y a des limites. Mon métier, c’est d’être designer, pas chef d’entreprise. Ce sont deux choses bien différentes. Il serait temps pour bien évoluer de me faire accompagner un peu mieux.

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