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10 nov. 2020
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Covid-19: vers une redéfinition radicale des modes de consommation

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10 nov. 2020

Retour à la normalité ou passage définitif au new normal ? C’est à cette question qu’ont tenté de répondre les participants au webinaire organisé par la banque italienne UniCredit en partenariat avec Pitti Immagine dans le cadre du cycle "The age of new visions" (l’ère des nouvelles visions). Cette première conférence, ce mardi, a dressé un bilan sur les changements engendrés par la pandémie pour l’industrie de la mode et du luxe, tant du point de vue des consommateurs que des entreprises, qui ont dû s’adapter rapidement aux bouleversements en cours.
 

La mode entre dans une nouvelle ère de consommation - ph Harry Cunningham on Unsplash



Une étude réalisée en Italie auprès des consommateurs et des entreprises de mode par la société de conseil Nomisma, intitulée "Nouveaux consommateurs et modèles de consommation", a notamment démontré comment digitalisation, durabilité, innovation et gestion de l’incertitude sont devenus les mots clés de cette transformation. "Le Covid-19 a modifié la demande finale entraînant la redéfinition des modalités d’achats, tandis que se sont affirmés de nouveaux style de vie", souligne l’auteur de la recherche Silvia Zucconi.
 
Les habitudes qui ont émergé lors du confinement, comme le passage massif au télétravail, la montée en puissance de valeurs telles que le bien-être et la santé, l’augmentation du temps passé à s’informer sur le web, l’attention croissante au développement durable et à la responsabilité sociale, vont laisser des traces indélébiles. La péninsule a enregistré par exemple un bond de 31% d’achats de mode en ligne en 2020 et la progression devrait être de 24,4% en 2021, tandis qu’1,3 million d’Italiens ont fait du shopping en ligne pour la première fois durant le confinement. Sans oublier les répercussions sur le pouvoir d’achat des consommateurs, qui s’est contracté.

Les plus jeunes disposés à payer plus pour la durabilité


 
Parmi les grandes tendances de la consommation future, il ressort de l’étude l’importance grandissante pour les consommateurs des thèmes autour de la durabilité. Près de 46% des Italiens interrogés déclarent qu’ils feront attention dans les 12 prochains mois à acheter des produits et accessoires de mode, dont la réalisation a respecté l’environnement et le bien-être animal. Les générations les plus jeunes, en particulier, se disent disposées à payer plus pour ce type de produit. Ils s’attendent aussi de la part des marques à une véritable cohérence et transparence par rapport à leur implication dans le développement durable. Ainsi 78% des personnes interrogées souhaitent savoir la provenance des matières premières utilisées dans les articles de mode et 72% veulent connaître le réel impact environnemental lié à leur processus de production.
 
Interrogées par Nomisma, les entreprises italiennes du secteur de la mode et du luxe, qui ont vu leur chiffre d’affaire reculer de 35% sur les neuf premiers mois de 2020 par rapport à 2019, ont perçu pour 36% d’entre elles "un changement radical des exigences de la demande du consommateur final" et senti le besoin d’une "nouvelle organisation logistique" (pour 10%). Pour faire face à ces mutations, 37% d’entre elles ont mis en avant la qualité made in Italy de leur produit et pour 26% leur présence sur le canal digital et sur l’e-commerce.
 
Des arguments pas suffisamment incisifs, selon Roberta Benaglia, CEO de la société d’investissement italienne Style Capital, qui n’a pas manqué de pointer le retard des entreprises italiennes "pénalisées par la digitalisation".  "L’e-commerce valorise davantage le logo ainsi que le produit désirable doublé d’un prix attractif. Avec sa communication axée surtout sur le produit et la qualité, l’entreprise italienne est désavantagée sur ce type de canal", estime-t-elle, reconnaissant néanmoins, que la situation actuelle "a poussé les entreprises à affronter une grande transformation dans leurs processus de production et de vente les entraînant dans un système irréversible, qui a engendré rapidité et flexibilité".
 

Changement de modèle



De fait, selon l’étude Nomisma, les entreprises italiennes sont déjà projetées sur un changement de leur modèle de business. Dans les 12-18 mois, 42% d’entre elles vont accélérer la digitalisation de leurs réseaux de vente, 13% leur digitalisation interne, 26% vont se centrer sur l’innovation du produit et 24% sur la diversification de l’offre et des services. En revanche, elles ne sont que 11% à admettre qu’elles vont proposer des produits durables et que 6% à vouloir s’engager dans un processus de production à moindre impact environnemental. On est loin des attentes des consommateurs en matière de développement durable.
 
"Ce concept de la durabilité est beaucoup plus appliqué aux Etats-Unis. Il y a des changements visibles en Europe, surtout dans le Nord, des pays scandinaves à l’Allemagne, même si ce thème est en train de devenir sensible aussi dans le reste de l’Europe. En revanche, les marchés asiatiques sont moins prêts par rapport à cette quête de durabilité", note Roberta Benaglia.
 
C'est pourtant la Chine, qui tire la reprise des consommations du luxe. Durant la Golden Week, la semaine de vacances du 1er au 7 octobre, les Chinois ont dépensé 200 milliards d’euros en shopping, restaurants et hôtels, soit 5% de plus par rapport à la Golden Week de 2019, tandis que 305 millions de personnes se sont précipitées dans les centres commerciaux et grands magasins. Selon Nomisma, 66% des Chinois considèrent que l’impact du Covid sur les revenus des ménages s’estompera d’ici à trois mois. Des chiffres qui annoncent un retour à la normale dans ce pays, devenu stratégique pour l’industrie, à défaut de confirmer la nouvelle "normalité" du marché du luxe.
 
Plusieurs acteurs de la mode italienne penchent eux aussi pour un retour à la normale sur le long terme avec un commerce qui "restera physique à 70%", selon Claudio Marenzi, PDG de la marque Herno. Dans ce nouveau monde, les magasins physiques, tout comme les salons ou les Fashion Weeks seront encore bien présents en mode réel, conclut Raffaello Napoleone, le patron des salons de Pitti Immagine. Selon lui,"le digital n’existe que parce que le physique existe".
 

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