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27 janv. 2021
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De Milan à Paris, la danse investit les podiums virtuels

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27 janv. 2021

Pour cette deuxième tournée de Fashion Weeks virtuelles, les maisons ont repensé leur approche digitale. Dans l’impossibilité de se déplacer et privés de public en raison de la pandémie du Covid-19, les designers ont dû renoncer à leurs shows habituels, se contentant une fois de plus de présentations en ligne. Mais ces vidéos différaient totalement de celles dévoilées en juillet dernier, lorsque les Semaines de la mode masculines avaient basculé pour la première fois sur le Web. Elles ont mis cette fois l’accent sur le mouvement, de préférence en plein air.


Une mode en apesanteur - Issey Miyake

 
Ce n’est pas la première fois que mode et langage corporel se rapprochent. On a déjà vu à plusieurs reprises des danseurs sur les podiums. La marque Marithé + François Girbaud a été l'une des pionnières en la matière, recrutant aussi bien les vogueurs de Malcolm McLaren que l'étoile Sylvie Guillem, les danseurs de William Forsythe ou encore le Cirque du Soleil.

Issey Miyake, nous a habitués aussi ces dernières saisons à des shows dansés inventifs et hauts en couleur, réalisés avec la complicité du chorégraphe américain Daniel Ezralow, pour célébrer la légèreté et versatilité de sa ligne Homme Plissé. La maison japonaise mais encore cette fois l'accent sur le mouvement, mais de manière plus sobre, les corps bougeant au rythme des machines textiles fabriquant le célèbre tissu plissé.

Un langage déjà utilisé par la mode donc, mais pas dans de telles proportions. La gestualité du corps semble s’imposer avec force aujourd’hui comme l’expression la plus directe et facile pour donner vie au vêtement. Jamais comme en cette saison, en effet, les maisons n’avaient utilisé autant la danse pour nous parler de leur collection automne/hiver 2021-22.
 
Exit les vidéo-clips de la saison dernière aux allures de teasers. Idem pour les courts-métrages fumeux ou pseudo-futuristes, où l’on ne distinguait aucun vêtement. Certes, par rapport à juillet dernier, les marques ont eu cette fois davantage de temps pour préparer leur collection et pour réaliser leur film. Beaucoup ont mis en place ces derniers mois aussi des showrooms digitaux, en s’adaptant à une nouvelle forme de vente essentiellement virtuelle. D’où l’importance prise par l’image.
 
Quitte à investir dans un film, autant qu’il soit clair et utilisable pour les multiples canaux de communication de la marque. Hormis quelques vidéos centrées autour d’une atmosphère plus que sur un produit, avec des images floues ou des brumes poétiques, la plupart des maisons ont dévoilé en ce mois de janvier des collections assez complètes à travers des vidéos plus courtes (n’excédant pas les cinq minutes en moyenne), plus pertinentes et efficaces. Parmi les procédés utilisés, le défilé classique (sur un podium ou dans des décors particuliers, réels ou virtuels), une mise en scène spéciale ou un récit filmé.
 

Les danseurs de la Scala au service de la marque turque - Serdar

 
De nombreux films, en particulier, ont fait appel à la danse. A Milan, par exemple, le styliste turc Uzuntas Serdar a emmené quelques danseurs de la Scala dans un vieux bal populaire local. Ces derniers ont créé leur propre chorégraphie et dansé dans les modèles sport couture du designer. Toujours dans le cadre de la Fashion Week milanaise, le créateur Dima Leu a filmé une troupe d’anciens danseurs folkloriques moldaves entraînant les mannequins dans une ronde folle sur une musique déjantée. Effet garanti !

A Paris, Louis-Gabriel Nouchi a dévoilé sa collection à travers une performance de danse au Palais de Tokyo, chorégraphiée à travers un jeu de miroirs par Sohrab Chitan sur une musique de Sara Zinger, mettant là encore en évidence le confort et la souplesse des vêtements. Dans un registre opposé, centré sur la street culture, le label parisien Etudes a filmé pour sa part une galerie de jeunes improvisant chacun une session effrénée de danse électronique dans différents lieux de la capitale, du quartier des Halles à la station du RER Châtelet.
 
Chez Louis Vuitton, Virgil Abloh brouille les cartes entre défilé et performance. Alors que le poète et rappeur Saul Williams traverse le film de la collection en récitant un texte engagé, se succèdent des séquences de poésie, de danse, de défilé et même de patinage ! Quoi de mieux que le mouvement et le geste sportif pour mettre en avant des vêtements de plus en plus confortables et faciles à vivre? Le confinement est passé par là et la tendance de l'hiver prochain surfe résolument sur le loungewear et les pièces d'intérieur décontractées et douillettes, avec la maille en vedette. Les costumes, notamment, sont retravaillés dans leur poids et l'élasticité. 
 
La danse permet  aussi non seulement de dynamiser une présentation, mais elle insuffle cette énergie et poésie, autrement bien difficile à transmettre à partir d’un simple défilé filmé. Surtout, elle sert aux créateurs à transcender ce moment de vie cloîtrée et confinée, que le Covid-19 nous a imposé. Grâce à ses vidéos, les vêtements (et surtout ceux qui les endossent) prennent l’air. Même si cela reste une métaphore, ils peuvent s’envoler et retrouver enfin leur liberté de mouvement, de voyage, d’échange… 


L'un des danseurs intervenant dans la vidéo de la griffe - Louis Vuitton

 
Comme l’a raconté Raf Simons, durant la conversation qui a suivi le show de Prada, au moment du tournage les mannequins vêtus de leurs caleçons longs -emblème de la collection pour l’hiver prochain- se sont laissés aller d’eux-mêmes à esquisser des pas de danse l’espace de quelques secondes. Des moments comme suspendus, que les deux cocréateurs Raf Simons et Miuccia Prada ont voulu garder dans la vidéo du défilé.
 
Ces mouvements de danse improvisés en plein défilé sont comme une bouffée d’air frais, qui donne une soudaine énergie à la collection. Même dynamique dans la vidéo déjantée du japonais Mihara Yasuhiro, où deux garçons s’agitent tout d’un coup en accéléré sur une musique rock.
 
Cette sensation de mouvement se respire à plein aussi dans le réjouissant court métrage d’Isabel Marant, où l’on suit une bande de joyeux étudiants courant, sautant, virevoltant entre les bancs des vestiaires et dans le gymnase, qu’ils parcourent à grandes enjambées en se déhanchant avec malice. Mouvement et grand air caractérisent aussi le court-métrage de White Mountaineering à travers le ballet d’un groupe de skieurs en snowboard sur une pente enneigée.
 
Ziggy Chen fait marcher ses mannequins sur place, via un tapis roulant, face aux caméras. On monte et descend des escaliers chez Juun.J et Hermès, où les lignes géométriques de l’architecture se succèdent et superposent dessinant une chorégraphie élégante, tandis que les corps s’enlacent et s’enroulent dans de longs pans de tissus chez Pigalle.

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