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Dévasté par la guerre, le textile syrien lutte pour sa survie

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3 févr. 2016

Dans une salle d'exposition de Beyrouth, l'entrepreneuse Reem Abou Dahab exhibe les nuisettes de dentelle rose et blanche de son atelier en Syrie, espérant attirer une clientèle qui se fait rare depuis le début de la guerre.


Des vêtements fabriqués à partir de textile syrien, exposés à Beyrouth, le 20 janvier 2016 - AFP


Le textile syrien était une industrie phare de l'économie nationale et s'exportait massivement vers le Moyen-Orient et l'Europe. Mais ce secteur, tout comme l'économie syrienne, a été dévasté par la guerre qui dure depuis près de cinq ans.

Les usines ont été détruites, les employés déplacés, les ventes paralysées par les sanctions internationales et la main-d'oeuvre réduite par l'immigration massive en Europe.

« Les commerçants venaient du monde entier mais, effrayés par la guerre, ils ne viennent plus en Syrie », constate, amère, Reem Abou Dahab, entourée d'étoffes aux couleurs chaudes.

La famille Abou Dahab était fière de son usine spécialisée dans la fabrication de chemises de nuit à Harasta, ville de la province de Damas ravagée par les combats entre régime et rebelles. Mais dès le début du conflit en 2011, « la manufacture a été complètement détruite », raconte Reem Abou Dahab. « Nous travaillons désormais à partir d'un petit atelier de la capitale », poursuit cette femme aux yeux clairs, portant un manteau de fourrure.

« On avait 100 employés, aujourd'hui une trentaine sont à notre service », regrette Reem Abou Dahab, qui participe avec une centaine de fabricants syriens à un salon du textile dans la capitale libanaise.

Mouhanad Daadouch, qui possède la plus grande usine de lingerie et pyjamas du pays à Damas et emploie encore 450 personnes, se targue d'avoir trouvé le moyen de protéger ses employés tout en maintenant la production.

« J'avais 72 ouvriers qui dormaient à l'usine » quand les violences s'intensifiaient, explique-t-il dans son stand entouré d'une panoplie de soutiens-gorge et de pyjamas en coton. « Ils travaillaient de 6h jusqu'à 23h ». Il assure préserver la qualité de ses produits. « Faits main, bien sûr », précise-t-il avec un sourire.

Usines détruites

Avant la guerre, le textile représentait 63 % du secteur industriel, environ 20 % de la main-d'oeuvre et près de 12 % du PIB, tandis que les exportations se chiffraient à près de 3,3 milliards de dollars par an, selon le Forum économique syrien. Les exportations du secteur textile privé ont chuté de 50 % en 2014.

« 70 % des usines textiles en Syrie ont été détruites », assure Feras Taki Eddin, président de l'Association des exportateurs textiles, se tenant à côté d'un mannequin habillé de collants et dessous noirs.

Ce sont les usines d'Alep, l'ex-capitale économique divisée entre les deux camps, qui ont le plus souffert. « Des machines ont été détruites, d'autres volées et emmenées en Turquie. J'avais 220 machines, je n'en ai plus que dix », se désole Alaa Aldeen Maki, propriétaire de Dream Girl Lingerie basée à Alep. « La plupart de mes employés ont émigré, certains pour ne pas rejoindre l'armée », ajoute-t-il.

Attirés par l'excellente réputation du textile syrien, près de 500 marchands, du Moyen-Orient pour la plupart, se sont rendus à l'exposition de Beyrouth, à l'image de Fadi Baha, venu d'Egypte. « J'en achète car la qualité est supérieure au textile chinois ou turc et le prix reste presque compétitif », assure ce commerçant.

Mais avec la guerre, les fabricants syriens voient les tout-puissants concurrents chinois et turcs rafler leur marché. Les clients européens font défaut, notamment en raison des sanctions. Daadouch Lingerie écoulait 70 % de ses produits en Europe avant le conflit et seulement 10 % depuis, selon son propriétaire.

Feras Taki Eddin estime au contraire que l'Europe devrait encourager le commerce avec la Syrie pour éviter qu'une main-d'oeuvre désespérée ne cherche refuge à l'étranger. Pour lui comme pour de nombreux manufacturiers, il faut rester opérationnel afin de sauver cet ancien fleuron de l'économie. « Il est important de montrer que notre industrie est toujours vivante. »

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