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25 mars 2019
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E-commerce : après le big data, l'heure est à la personnalisation

Publié le
25 mars 2019

Le big data est vain si mal utilisé. Tel était le discours qui rythmait depuis plusieurs années l'univers de la vente en ligne. Le ciblage toujours plus précis a permis au fil du temps d’atteindre et de séduire des groupes de clients toujours petits, aux attentes toujours plus spécifiques, en recourant aux mégadonnées. Aujourd’hui, l'e-commerce touche du doigt ce qui était, depuis le départ, l'une des finalités du processus : offrir aux clients une expérience entièrement personnalisée.


La personnalisation de l'expérience est devenue l'un des sujets prioritaires du commerce omnicanal - Shutterstock


« En personnalisant les offres proposées sur les différents carrousels de notre site de vente, nous avons augmenté de 14 % notre taux de transformation lors des premiers tests il y a deux ans », a expliqué Caroline Delorme, directrice digitale des Galeries Lafayette. A l'occasion du salon One-to-One Retail E-commerce, qui s'est tenu à Monaco du 19 au 21 mars derniers, la responsable du grand magasin est venue raconter la démarche de personnalisation entamée par son portail lors d'une table-ronde organisée par son prestataire Target2sales. « Nous avons depuis ouvert la personnalisation à l'ensemble de notre trafic. Ce n'est pas que dans un dessein de renforcement des ventes, c'est également une manière de renforcer la connexion entre l'offre et les attentes. »

En analysant l'historique du visiteur, en extrapolant ses possibles goûts et en le rapprochant de visiteurs aux profils similaires, la capacité à suggérer aux clients des produits susceptibles de leur plaire n'a en effet jamais été aussi fine. Cette connaissance accrue permet également aux marques et distributeurs de repenser la temporalité de leurs campagnes de promotions. Créneau sur lequel s'est notamment positionnée la start-up spécialisée dans le ciblage marketing TinyClues. « On a d'un côté 89 % de marketeurs assurant envoyer les bonnes offres au bon moment, mais de l'autre seulement 5 % des clients qui disent recevoir des offres pertinentes au bon moment (étude Forrester, ndlr) », pointe François Laxalt, directeur marketing produit de l'entreprise, qui officie notamment pour Veepee, Kenzo, Rakuten, Courir ou Sarenza. « Ce n'est pas que le ciblage qu'il faut repenser, c'est l'étalonnement de la pression marketing aux différentes étapes de l'expérience d'achat ».

Plus d'émotions, plus de fidélité

Des étapes que la société Cheetah Digital a pris le parti de personnaliser sur le plan émotionnel. L'entreprise, qui compte Lacoste, Michael Kors et Coty parmi ses clients, met l'accent sur l'état d'esprit du client avant, pendant et après l'achat. Pour Magalie Lasfargues, sa responsable marketing EMEA, les distributeurs doivent personnaliser le contact jusqu'à montrer de l'empathie pour susciter l'engagement. Un élément clef, sachant que 75 % des clients se disent prêts à confier leurs données à une marque en qui ils ont confiance, selon Cheetah. « Les marques utilisent depuis très longtemps les émotions pour vendre, explique-t-elle. Mais elles confondent souvent habitude et fidélité : ce n'est pas parce que j'ai l'habitude d'aller dans telle boutique car elle est proche que je lui suis pour autant fidèle. Or, la fidélité, c'est une barrière à l'entrée pour vos concurrents. » Une fidélité dont les programmes éponymes, pointe Magalie Lasfargues, échouent encore trop souvent à offrir une gratification individualisée aux clients.                       


Le salonOne-to-One Retail E-commerce attire chaque année 2 000 professionnels. - MG/FNW


« Il ne faut plus parler de programme de fidélité, mais de stratégie de fidélité, dont le programme n'est que la partie émergée », relève Antoine Parizot de la société Splio, qui accompagne Sephora, le Slip Français, Longchamp et Caudalie dans la fidélisation des clients. Une fidélisation dont le mobile devient la pierre angulaire : « On oublie sa carte fidélité, mais on n'oublie jamais son mobile », explique le prestataire pour qui les programmes ont été trop longtemps réservés aux gros acheteurs ou ne prenaient pas en compte leur réalité, proposant des réductions en magasin à des clients vivant parfois loin des boutiques. Ce à quoi peut aujourd'hui remédier la géolocalisation, qui apparaît comme une autre opportunité de contact personnalisé. « Il faut être inclusif, car les clients veulent être reconnus », pour Antoine Parizot.

Une reconnaissance qui ne se limite pas aux boutiques en ligne, de nouveaux outils se multipliant pour poursuivre l'expérience personnalisée d'achat en magasin. L'entreprise Onestock, qui s'est spécialisée dans le ship-from-store (relire notre dossier "Ship-from-store : le nouveau défi omnicanal des enseignes"), a lancé il y a un an outre-Manche le "personal styling service". Adopté par Phase Eight et Jigsaw, ce dernier permet de prendre rendez-vous pour un essayage personnalisé en boutique, après avoir renseigné des informations sur ses goûts et attentes. « C'est d'abord bénéfique pour le client, qui trouve un service personnel, et on remarque surtout que cela occasionne pour l'enseigne un panier moyen trois fois supérieur à la normale », explique Romulus Grigoras, le dirigeant de Onestock.

Personnalisation et discours de marque

En attendant qu'elle transforme les boutiques, la personnalisation pousse déjà les sites à s'adapter à son potentiel. « Nous avons créé dans le processus de développement de notre portail de nouveaux emplacements pour pouvoir afficher des offres et suggestions personnalisées », indique pour l'enseigne Yves Rocher sa responsable marketing digitale, Cécile Brin. Qui précise que la personnalisation des offres a, selon les différents points de contact, augmenté de 2,5 % à 10 % les résultats obtenus. « L'objectif est désormais de devenir progressivement plus cohérent et d'aller plus loin dans la personnalisation et ce quel que soit le parcours d'achat. » Une quête de cohérence qui se traduit jusque dans la personnalisation du rubriquage du portail, en se basant sur le profil de l'acheteur.


Le "retailevangelist' Sterling Hawkins. - One-to-One Retail E-commerce


« La personnalisation, c'est l'avenir du commerce ! Ca se passe maintenant, et ceux qui ne s'y mettent pas vont très vite avoir de gros problèmes », prévient Marc Lolivier, délégué général de la Fevad (fédération de la vente en ligne). « C'est une nouvelle façon de commercer, la fin de la sursollicitation. Cela va faire évoluer les attentes. L'alliance entre big data et intelligence artificielle permet enfin d'échapper au 'one-to-many' pour vraiment entrer dans l'ère du "one-to-one". Et cela va toucher toutes les formes de commerce. Même la logistique va s'en trouver changée, avec par exemple la généralisation de créneaux de livraison à la demande, ce que certains sites jugeaient encore récemment presque impossible à organiser ».

Au milieu des nombreux défis que doit relever le secteur, l'invité vedette de cette édition de One-to-One Retail E-commerce, le "retailevangelist" Sterling Hawkins a sans surprise évoqué la personnalisation de l'offre commerciale. Dans son énergique présentation, dont le principal message est un appel à garder l'esprit ouvert aux technologies, le consultant de luxe des enseignes américaines a au passage résumé le paradoxe que pose désormais la personnalisation, qui va devoir coexister avec les 'univers de marques'. « Vous voulez d'un côté ne pas aliéner certains de vos consommateurs, qui ne correspondent pas à votre cible première, mais de l'autre vous voulez aussi avoir un discours à tenir », a-t-il ainsi pointé. En filigrane, la personnalisation pose en outre la question du risque d'une standardisation, qui verrait à terme chaque client ne plus se voir proposer que des produits similaires. Au risque de le lasser. 

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