Forum de la Mode: l'importance de l'héritage et de l'innovation s'invitent

Auteur :

Emma RUFFENACH

Publié le
31 mai 2023

Quelle est la valeur de la mode ? Comment mesurer ses impacts positifs et négatifs sur la société et l'environnement ? Comment revaloriser la mode d'hier à l'heure de la révolution technologique et digitale ? Autant de sujets que les intervenants de la sixième édition du Forum de la Mode ont abordés ce mercredi 31 mai au Palais de Tokyo à Paris.

C'est dans ce musée dédié à l'effervescente création contemporaine (XVIe arrondissement) que s'est tenu ce rendez-vous annuel dédié aux professionnels de l'industrie de la mode, du luxe et du textile. Une série de conférences qui se sont attachées à définir la valeur de la mode et notamment son poids économique qui paraît être le plus important d'entrée de jeu.

"En France, on estime que l'industrie de la mode et du luxe vaut 150 milliards d'euros en terme de chiffre d'affaires, ce qui représente 2,7% du PIB national pour un secteur qui emploie 700.000 personnes", rappelle Xavier Romatet, le directeur général de l'IFM, qui avec son observatoire peut quantifier la consommation annuelle de textiles et déceler des évolutions structurelles liées à la reconfiguration de la distribution, à la digitalisation et aux mutations du comportement d'achat des consommateurs.

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"La mesure d'un score environnemental ou de la qualité d'un habit n'est pas évidente, pourtant ces valeurs conditionnent nos politiques publiques. Au-delà des métriques, des indicateurs et des KPI, mesurer la valeur de la mode peut également être subjectif et philosophique", ponctue Pascal Morand, le président exécutif de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode. 

L'importance du patrimoine

Si la première table ronde a permis d'échanger sur les prises de parole "encore trop peu inclusives et incluantes des marques sur les réseaux sociaux", selon Saveria Mendella, ou d'évoquer le greenwashing déguisé de certains labels, les intervenants se sont surtout attachés à décrire la valeur immatérielle de la mode.

"Le vêtement prend une valeur symbolique au-delà d'un simple produit de consommation, dès lors que les consommateurs ont conscience de qui ils sont, de ce qu'ils portent et de l'image véhiculée par la marque", souligne Mélody Thomas, journaliste à Marie Claire qui a insisté sur "le côté politique de la mode".

Lors de la deuxième table ronde orientée sur l’importance du patrimoine et de l’héritage historique d'une maison de mode, les intervenants ont salué le plan de 340 millions d'euros pour soutenir les métiers d'art, annoncé la veille, le mardi 30 mai, par la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, et son homologue déléguée au Commerce et à l'Artisanat, Olivia Grégoire.

"L'héritage se réinvente en permanence, comme notre modèle emblématique 'Michael' qui a 78 ans et qui se redessine notamment via des collaborations", ajoute Clémentine Colin Richard, administratrice du label de souliers Paraboot, avant de souligner l'importance de "la passation du patrimoine" opérée dans l'entreprise basée en Isère depuis 115 ans.

Même son de cloche pour Julien Tuffery, le PDG d'Atelier Tuffery, manufacture de jeans cévenole et familiale qui a investi quatre millions d'euros "pour transmettre les savoir-faire et innover en utilisant les nouvelles technologies, comme la 3D, pour repenser les modèles".

Avoir un impact positif

L'innovation au cœur de la mode d'aujourd'hui et de demain. Le troisième échange s'est notamment penché sur les enjeux de revalorisation dans la mode, en évoquant notamment le travail des équipes de valoristes de l'Atelier des Matières, lancé en 2018 par Chanel, pour réemployer des matériaux inutilisés. Pour sa directrice générale, Nativité Rodriguez, "le nouveau paradigme dans le luxe est de continuer à investir en recherche et développement pour faire progresser collectivement la mode tout en continuant de faire rêver avec des belles matières".

"Avoir un impact positif", tel est le leitmotiv partagé par Aude Vergne, directrice développement durable de Chloé, première maison de luxe européenne a avoir obtenu en 2021 la certification B Corp pour ses engagements sociaux, sociétaux et environnementaux. "En mettant en avant les femmes dans notre chaîne de valeur avec notre programme 'Women Forward' et partageant en open source notre outil 'Share profit and loss' pour mesurer l'impact positif, on souhaite inspirer des bonnes pratiques à d'autres marques."

Pour Clarisse Reille, la directrice générale du Defi et de l’IFTH (​Institut français du textile et de l'habillement) qui a clôturé la rencontre, "la mode représente beaucoup plus que des chiffres quantitatifs, c'est de l'émotion, c'est le sentiment d'appartenir à quelque chose de plus grand, c'est la liberté d'expression. La mode c'est également des décisions qui s'ancrent dans le passé et se projettent dans l'avenir."

Comme chaque année, cette série de conférences du Forum de la Mode est soutenue par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et le ministère de la Culture. Si la matinée de débats était accessible aux professionnels de la mode et du textile, une captation vidéo sera disponible au grand public le 26 juin.

La matinée d'échanges est organisée dans le cadre du comité stratégique de filière Mode & Luxe par la Fédération française du prêt-à-porter féminin et la Fédération de la haute couture et de la mode, avec la coopération du Defi, du Comité professionnel de développement cuir chaussure maroquinerie ganterie (CTC) et de Francéclat (comité professionnel de développement économique au service des secteurs de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l’orfèvrerie et des arts de la table).