Publié le
28 avr. 2023
Temps de lecture
5 minutes
Télécharger
Télécharger l'article
Imprimer
Taille du texte

Guillaume Gibault (Le Slip Français): "Les Ateliers du Slip s’inscrivent dans notre quête de relais de croissance"

Publié le
28 avr. 2023

Mi-mars, Le Slip Français levait 3,58 millions d’euros pour développer son réseau de 80 ateliers partenaires, Les Ateliers du Slip, qui doit accompagner les marques tiers dans leurs projets de relocalisation. Un projet qui intervient à l’heure où la marque Le Slip Français, dont la croissance s’est stabilisée, s’est mise en quête de rentabilité. Se pose par ailleurs la question de la dépendance des ateliers partenaires aux commandes du Slip Français, désormais fort d’une centaine de collaborateurs. Des points sur lesquels le dirigeant Guillaume Gibault a répondu à FashionNetwork.com à l’occasion du salon Made in France Première Vision le 29 mars dernier.


Léa Marie, directrice production-relocalisation des Ateliers du Slip, et Gauillaume Gibault, directeur général du Slip Français - MG/FNW



FashionNetwork: Comment est née l’ambition de devenir un intermédiaire entre marques et ateliers ?

Guillaume Gibault: Le Slip Français a aujourd’hui 12 ans. Historiquement, nous avons toujours répondu à des demandes ponctuelles de nos partenaires, banquiers ou fédérations sportives, qui nous demandaient des produits textiles personnalisés mais Made in France. C’était très à la marge. Mais depuis la crise sanitaire, durant laquelle nous nous sommes très mobilisés via Façon de Faire. Le Slip Français, et moi-même, avons pris une position différente dans la filière, en montrant que l’on était capable de fédérer et d’amener une valeur ajoutée stratégique. Quand nous produisions les masques, il nous paraissait évident que ce que nous étions en train de construire allait dépasser les masques. La question est de savoir comment on peut accompagner efficacement les donneurs d’ordres textile dans leurs demandes de relocalisation.

FNW: Les Ateliers du Slip agissent comme un facilitateur, donc ?

GG: Aujourd’hui, que vous soyez fabricant de vêtements de travail, marque de mode, maison de luxe ou fournisseur d’accessoires, vous avez du textile dans vos productions. Avec l’inflation, les taux de change, les problèmes de transport, les normes environnementales et la Loi Agec, ces entreprises se disent forcément qu’elles doivent relocaliser au moins 5-10% de leur approvisionnement. Or, quand ces structures veulent faire du Made in France, elles sont perdues, ne savent pas par où commencer. Et cela les amène souvent à nous écrire pour savoir à qui aller s’adresser. C’est de cela que sont partis Les Ateliers du Slip.

FNW: Les Ateliers du Slip sont-ils destinés à être un relais de croissance pour Le Slip Français ?

GG: Dans les faits, nous traitions déjà des demandes entrantes de plus en plus grosses, par exemple pour Celio, Damart, la grande distribution ou le vêtement de travail. A force de le faire comme une activité complémentaire, on a voulu en faire une vraie activité à part entière. L’acte de naissance officiel des Ateliers était l'organisation de l’Usine du Futur, mais cela a vraiment démarré vers mars 2022. Et, oui, c’est devenu un vecteur de revenus pour Le Slip Français. 

FNW: A l’heure où les Ateliers se déploient, comment se porte votre marque ?

GG: Nous avons en 2022 une croissance “flat”, stabilisée autour de 21 millions d’euros. Nous avons été une start-up, qui a beaucoup investi. Et, heureusement, juste avant le Covid, nous avons basculé sur une stratégie de rentabilité, et pour montrer qu’il est possible d’avoir une stratégie d’échelle Made in France. Nous avons ensuite accepté de faire moins de croissance dans ce contexte compliqué, avec des budgets marketing presque divisés par quatre. Les Ateliers du Slip s’inscrivent dans notre quête de relais de croissance organique. Nous avons pris les licences XV de France et Paris 2024. Nous sommes maintenant une PME, et on arrête de dépenser en disant “on verra après”.

FNW: Quels sont les objectifs fixés pour Les Ateliers du Slip ?

GG: Nous nous sommes donné un objectif de deux millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023 pour cette activité. Et fin mars nous étions déjà presque à un million d’euros. Il y a donc une bonne réponse des donneurs d’ordres. Il y a donc bien une envie stratégique de relocaliser, par conviction ou par sécurisation des sourcings.

Pour un donneur d’ordres en quête de production française, passer par un intermédiaire fait gagner beaucoup de temps. L’an passé, nous avons vu des marques décider de le faire seules de leur côté. Un an plus tard, ils décident de déléguer pour gagner en temps et efficacité.

FNW: Les Ateliers du Slip sont-ils aussi un moyen de réduire la dépendance de vos ateliers partenaires aux commandes du Slip Français ?

GG: Nous avons sur ce point refait un point avec nos ateliers. Le Slip Français ne pèse jamais plus de 20-25% de leur activité. Mais c’est effectivement beaucoup, et nous faisons donc attention à répartir la charge entre eux, sur les 500.000 vêtements que nous produisons par an. Mais ces ateliers se sentent parfois sécurisés de travailler avec Le Slip plutôt qu’avec certains acteurs de la grande distribution, car certains ont de mauvais historiques avec eux. Quand une grande entreprise a déjà lâché un fournisseur, ce dernier n’a pas forcément envie de retravailler avec eux. Nous, nous veillons à établir une relation de confiance. 


Les Ateliers du Slip



FNW: Les réseaux d'ateliers textiles français, publics et privés, se multiplient. Comment voyez-vous la cohabitation de ces différentes initiatives, dans le futur ?

GG: Je pense qu’il faut que chacun de ces réseaux trouve son terrain de jeu et sa typologie de clients. Comme La Source Française, par exemple, qui ne se limite pas au textile. Façon de Faire a quant à lui un fort ancrage auprès des petits ateliers pour des productions courtes et agiles. Je pense que cela peut faire toute la différence. Nous, ce qu’on sait bien faire, c’est capter l’air du temps, et aller là où il y a de la valorisation à créer, en activité comme en image.
C’était trop compliqué d’avoir ceci en parallèle d’un réseau associatif hérité du Covid (Façon de Faire, ndlr): nous avons eu pendant deux ans et demi une action bénévole. Et nous en avons fait une activité à part chez nous.

FNW: La filière en appelle aux grandes enseignes pour massifier la relocalisation textile. Les grands groupes sont-ils la clé de la relocalisation ?

GG: Oui, nous sommes face à beaucoup de grandes enseignes qui se posent toutes la même question. Leur décision est stratégique, elle est déjà prise. Reste à savoir si c’est 4, 8 ou 10% des commandes qu’elles veulent ramener en France. Mais la grande question, c’est le “comment”. Comment intégrer le Made in France dans mon sourcing, comment je valorise ce bilan carbone ou l’emploi local. Une question pédagogique qu’il faut avoir auprès des clients mais aussi en interne. Et il faut que les réseaux d’ateliers aient de quoi permettre la concrétisation de ces projets de relocalisation.

Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 FashionNetwork.com