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13 oct. 2022
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Julien Pollet (Promod): "Nous sommes passés à une logique centrée sur le produire moins mais mieux"

Publié le
13 oct. 2022

Nouveau logo construit à partir de son initiale et d'un cœur, campagne de communication centrée sur les femmes et l'engagement: Promod et ses 418 magasins reprennent la parole cet automne pour dévoiler une identité visuelle remaniée, devant traduire les changements qu'elle a opérés ces dernières années. L'occasion d'exposer et comprendre la stratégie de Julien Pollet, membre de la famille fondatrice et président depuis quatre ans de cette enseigne féminine née dans le nord de la France en 1975, pour qui la défaillance de Camaïeu a été vécue comme une déflagration. Sur ce segment milieu de gamme chahuté, Promod, qui pèse 342 millions d'euros de chiffre d'affaires, entend continuer d'exister en adaptant régulièrement son offre, en maintenant ses prix et en poursuivant ses efforts pour limiter son empreinte sur la planète. Entretien.


Julien Pollet a pris la présidence de Promod en 2018 - DR

 
FashionNetwork.com: Pourquoi avoir décidé de faire évoluer l'identité visuelle de Promod?

Julien Pollet: Cette campagne et ce changement de logo ont pour but de faire connaître tout le travail entrepris pour transformer l'entreprise. Nous avons accompli une première phase, et il est temps de le faire savoir. Face à un marché très disputé, notre objectif a été de passer d'un business model de masse, avec toujours plus de produits, fabriqués toujours plus loin, et vendus toujours moins chers -qui a été gagnant jusque dans les années 2000- mais ne fait plus recette, à une logique de précision centrée sur le 'produire moins mais mieux'. J'appelle cela le 'retail responsable et sur mesure'.

FNW: Quels sont ses principes?

JP: Pour inscrire Promod dans la durée, nous sommes repartis de notre savoir-faire, qui est de mettre au point dans notre studio de création des produits casual, colorés et imprimés, au style et au prix accessibles. Nous nous efforçons de coller au mieux aux attentes des clientes en produisant l'exacte quantité de produits nécessaires, mais aussi en limitant fortement les promotions. Il fallait que notre travail sur le produit soit concluant avant de faire valoir qui on est: l'objet de cette campagne 'pro-femmes' est de réinscrire Promod en tant que marque auprès du plus grand nombre, et non pas seulement comme une enseigne distributrice.


Nouveau logo et nouvelle typo pour Promod - DR


FNW: Quelles nouvelles clientes ciblez-vous?

JP: Promod a eu tendance à vieillir avec sa clientèle, donc nous visons notamment de plus jeunes consommatrices, mais il ne s'agit pas de faire du jeunisme; nous souhaitons avant tout garder nos fidèles clientes, et réactiver le souvenir d'anciennes clientes en leur disant 'Revenez essayer des produits Promod! Il y a du nouveau, une offre plus audacieuse et plus responsable'.

FNW: Se doter d'un logo graphique reconnaissable, comme les maisons haut de gamme, signifie-t-il que vous souhaitez véhiculer une image plus premium?

JP: Premium, non. Nous ne changeons pas de positionnement. Je dirais que nous souhaitons nous affirmer davantage. Vous le savez sans doute, la tradition du retail dans le Nord, c'est de vivre caché… Nous avons longtemps pensé que le magasin était le meilleur moyen de communication de la marque. Aujourd'hui, il faut actionner d'autres leviers, les temps changent et nous voulons nous faire entendre. Et Promod est maintenant écrit en capitales, la typo est plus affirmée.

Un travail sur les prix



FNW: Sur le plan de l'offre, qu'avez-vous précisément retravaillé?

JP: La gamme d'essentiels, qui ont une durée de vie plus longue, a été repensée, en gardant une touche mode et en protégeant les prix d'appel. Nous avons fait l'effort de rogner sur les marges. Nous avons aussi étiré le 'stretch prix': dans la collection principale, certains prix de produits plus travaillés, à plus forte valeur ajoutée, ont été relevés. Auparavant, nos robes étaient étiquetées au maximum à 70 euros; aujourd'hui, certaines sont vendues à 90 euros, et cela fonctionne.  

Et, puisque nous voulons nous adresser à un plus grand nombre de femmes, notre gamme de tailles va s'agrandir pour la saison printemps-été 2023, pour proposer du 46 et du 48. D'abord sur le web et, au fur et à mesure, en magasins. C'est une demande que l'on nous fait très régulièrement sur les réseaux sociaux et en magasins auprès de nos conseillères.

Enfin, Promod Couture a été lancé il y a un an: ce sont des coupons de tissus venant de stocks dormants ou de fins de série que nous proposons à la vente sur notre e-shop, ainsi que des patrons de nos produits phares. Une communauté de couturières, qui a reconnu la qualité de nos matières, s'est mobilisée autour de ce projet, réunie sur une page Instagram dédiée.


Un patron de robe signé Promod Couture - DR


FNW: Où en êtes-vous sur le chemin d'une mode moins néfaste pour la planète?

JP:
Il y a deux ans, le programme 'Promod for good' a été lancé: nous avons débuté avec 10% de produits plus durables dans la collection (c’est-à-dire contenant au moins 15% de matières plus responsables), et en 2022, nous atteignons 48% de l'offre (dont 95% des produits essentiels permanents). L'objectif des 100% pour 2025 est toujours d'actualité, et nous souhaitons aussi monter notre exigence à 20 ou 25% de matières plus responsables pour labelliser un article.

Nous faisons aussi davantage appel au proche import, qui représente 35% de notre approvisionnement. Produire plus près nous offre plus de flexibilité et un pilotage plus juste, même si nous n'allons pas abandonner la Chine demain, très forte sur le flou, ou l'Inde pour les broderies. Quelques modèles sont aussi produits à la demande, comme notre manteau iconique 'Gisèle'.

Partenariat avec Rediv



FNW: Comment fonctionne votre site internet de seconde main entre clientes?

JP:
Nous avons stoppé cette initiative, qui n'offrait pas le niveau de service suffisant et qui était donc décevant pour les clientes. Il faut dire aussi que Vinted est d'une telle puissance sur le marché de la mode d'occasion…

C'est maintenant sur la collecte que nous nous concentrons, avec une offre de reprise d'articles (de toutes marques) que la cliente peut envoyer gratuitement à notre partenaire Rediv (ex-Patatam). Elle reçoit ensuite un bon d'achat Promod, ou peut choisir de faire planter un arbre. Depuis un an, nous avons contribué à récolter 40.000 articles, dont 32.000 ont pu être revendus dans le réseau des partenaires de Rediv (hypermarchés notamment). Et depuis peu dans deux magasins outlets Promod Stock. On réfléchira par la suite à installer des corners de seconde main dans certains magasins du réseau, ou pourquoi pas lancer un concept boutique uniquement dédié aux vêtements d'occasion.

FNW: La nouvelle identité se traduit-elle en boutiques?

JP: Une nouvelle version de notre concept magasin a été développée, elle est appliquée à trente magasins du réseau pour l'instant, et sera implantée au centre commercial du Forum des Halles à Paris début 2023. Sans être original, cet aménagement est plus lumineux, blanc et très modulaire, puisque son but est de laisser toute la place à nos produits très visuels et colorés. Nous avons aussi réduit les espaces de caisses pour donner plus de place aux cabines d'essayage.

FNW: Des ouvertures sont-elles à prévoir?

JP: 380 points de vente en France, c'est le bon maillage et nous n'allons pas le développer. Il y a simplement quelques ouvertures et fermetures quand l'attractivité des rues ou lieux de shopping évolue, ou que de nouveaux centres sont inaugurés.


Promod propose des rendez-vous de coaching mode en magasin - DR


FNW: A l'export, vous avez sérieusement réduit la voilure depuis quelques années (fermeture de l'Allemagne notamment). Avec le recul, est-ce la bonne solution pour aller de l'avant?

JP: Nous avons débuté un recentrage sur les pays francophones avant la crise, pour mieux concentrer nos investissements sur un périmètre plus court, constitué de notre marché d'origine et de trois pays limitrophes (Belgique, Suisse et Luxembourg totalisent une quarantaine de magasins, ndlr). Cela a été une bonne option, notamment pour traverser la pandémie de façon moins douloureuse. Nous avons aussi pu effectuer des rénovations et rafraîchissements de magasins, à raison d'une cinquantaine par an, ce qui n'avait pas forcément été le cas les années précédentes.

Premier au retour à l'équilibre depuis 2014



FNW: Quel chiffre d'affaires annuel génère l'enseigne, et que visez-vous pour l'année en cours?

JP: Sur son exercice 2021 (de mars 2021 à février 2022), l'entreprise a réalisé 342 millions d'euros de ventes et a retrouvé l'équilibre, qu'elle n'avait pas atteint depuis 2014. Pour l'exercice en cours, il est encore difficile de prévoir son issue. Pour l'instant, au premier semestre, les ventes sont en retrait de 14% par rapport à nos objectifs, même s'il s'agit d'une progression de 14% par rapport à 2021 (-6% comparé à 2019). Juin et juillet, qui sont des mois historiquement forts, n'ont pas été très dynamiques, et le mois d'août a été mauvais. On redémarre mieux depuis la rentrée, l'année va donc se jouer sur cette saison hivernale.


L'intérieur actualisé d'un magasin de l'enseigne - Promod


FNW: La hausse du coût de l'énergie vous affecte-t-elle?

JP: Le coût de l'énergie a été multiplié par quatre pour Promod. Cela rend l'équation encore plus difficile à résoudre, mais ce poste de dépenses n'est pas aussi important que dans d'autres secteurs. C'est aussi un challenge pour réaliser des économies d'énergie, et nous pouvons aller au-delà des 10 % à 15% de réduction de consommation.

Pour l'enseigne, le coût des matières premières a aussi bondi, de l'ordre de 12 % à 14%. Nous n'en répercutons qu'une partie sur les prix de vente au consommateur, qui ont en moyenne augmenté de 6%, tout en protégeant les prix d'appel, je le rappelle.

FNW: On ne peut terminer cet échange sans parler de Camaïeu, enseigne féminine du Nord qui vient de baisser le rideau. Comment avez-vous vécu cette actualité?

JP: La liquidation de Camaïeu a fait l'effet d'une grosse déflagration. Promod a grandi avec et au côté de l'enseigne depuis quarante ans. J'ai témoigné ma solidarité à tout le personnel, et des équipes Promod ont contacté des salariés Camaïeu pour des postes à pourvoir. Ce n'est jamais bon signe quand, sur un marché, un gros acteur tombe, et cela prouve que, dans l'habillement, des transformations sont nécessaires et doivent être concrétisées par les entreprises.

Mais cela demande du temps et de la ressource. Chez Promod, nous sommes indépendants et bénéficions d'une stabilité qui nous permet d'engager ces transformations. Cette campagne nous aide à diffuser le message: on reste positifs et on y croit!

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