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15 févr. 2023
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Kering jette les bases de la relance de Gucci après un 2022 décevant

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15 févr. 2023

Longtemps championne de la galaxie Kering, Gucci clôt 2022 sur un bilan décevant avec une dérisoire progression de son chiffre d'affaires de 1% en comparable (+8% en données publiées), à 10,5 milliards d’euros. Son résultat opérationnel est lui constant. Considérée comme la principale source de profits du groupe de luxe français, la maison italienne veut tourner la page et travaille à sa relance misant sur le rééquilibrage entre produits mode et intemporels, une refonte de ses boutiques et une élévation de la marque, tandis qu’elle a revu son mode de fonctionnement, en attendant l’arrivée de son nouveau directeur artistique Sabato de Sarno.
 

La griffe veut capitaliser sur son héritage en revisitant ses icones tel le modèle Bamboo - vault.gucci.com


Le départ de son emblématique designer Alessandro Michele en novembre n’a pas permis à Gucci d’enrayer sa chute en fin d’année, avec des ventes qui se sont effondrées de 14% en comparable par rapport à la même période un an plus tôt, et un recul de 15% dans son seul réseau de boutiques en propre. Certes, la base de comparaison avec l’année précédente était très élevée et la forte exposition de Gucci en Chine, où les ventes ont été fortement impactées par la flambée de cas de Covid en fin d’année, expliquent en partie ces résultats. Mais comme l’ont déclaré les dirigeants de Kering, ces performances "ne sont pas à la hauteur des attentes et du potentiel de la marque".

Kering attend beaucoup de Sabato de Sarno, un designer inconnu du grand public, qui a travaillé jusqu’ici dans les coulisses des plus grandes maisons (Prada, Dolce & Gabbana et Valentino, où il supervisait jusqu'à peu les collections homme et femme). François-Henri Pinault a toutefois tenu à souligner que le designer italien n'est pas "un second choix. Gucci excite tous les meilleurs créateurs du monde et nous avons forcément été extrêmement sollicités". Et le PDG du géant du luxe de détailler le process de sélection des créatifs au sein du groupe. "Pour sélectionner le candidat, nous avons une équipe de personnes de Kering et de personnes de Gucci. Nous faisons d’abord un profil créatif de la maison, une définition des codes de la maison. C’est avec ces éléments que nous définissons le profil créatif du designer recherché. C’est la première étape", a-t-il précisé.

"Quand nous sélectionnons les candidats, nous leur demandons de réaliser deux projets. Un premier pour exprimer leur univers créatif. Et un deuxième, très important pour nous, où nous leur donnons des éléments d’archives de la maison avec l'idée de voir comment ils interprètent avec leur créativité cet héritage. Sabato a fait l'unanimité avec sa vision de la modernité mais aussi la façon dont il interprète l’héritage de Gucci. C’est quelqu’un qui a quinze ans d’expérience sur la femme, l’homme et l’accessoire. Et dans sa façon de procéder, il est très à l’aise avec un travail en équipe. Nous avons une organisation qui a été transformée l’an passée, à laquelle le directeur artistique doit s’adapter et pas l’inverse".


Francois-Henri Pinault, CEO de Kering - DR



Sabato de Sarno ne sera donc pas le seul et unique vecteur de la relance, contrairement à ce qui avait été fait avec Alessandro Michele, dont la vision flamboyante et éclectique incarnait à elle seule l’univers de la marque avec une très forte orientation mode. Avec le nouveau designer, Gucci veut privilégier "une approche d’équipe", souligne le PDG de Kering , lors de la traditionnelle conférence avec les analystes.

De fait, l’arrivée du styliste napolitain, qui a été choisi "pour sa grande capacité à porter de la modernité en capitalisant sur le patrimoine de Gucci", n’implique pas de changements dans l’organisation, qui a été revue l’an dernier autour de trois piliers: la stratégie produit avec l’arrivée de Maria Cristina Lomanto en tant que directrice générale de la marque, la communication et stratégie de marque avec la nomination de Susan Chokachi, directrice de la marque et de la clientèle (les deux ayant aussi la caquette de vice-présidentes exécutives de Gucci) et le studio, centré autour de deux axes, à savoir les produits mode et les intemporels.

"Le fait d’avoir un directeur créatif ne nous empêche pas d’avoir des talents très forts dans chaque catégorie, soit le prêt-à-porter féminin, la mode homme et les accessoires. Nous voulons vraiment avoir une équipe très solide et Sabato de Sarno dans le rôle du chef d’orchestre. On ne peut pas avoir qu’une seule tête. Ce serait d'ailleurs fou de faire cela avec la taille actuelle de Gucci", explique François-Henri Pinault. "Il est important de maintenir la consistance de l’expression de la marque en suivant sa vision créative, tout en s’assurant qu’elle soit alimentée par la juste stratégie produits et une communication et image cohérentes".


Les chiffres de Gucci en 2022 - Kering


Et de rappeler que le nouveau directeur artistique, qui doit arriver au deuxième trimestre, signera sa première collection en septembre 2023, les produits arrivant en magasin début 2024. La griffe prévoit donc d’ici là de poursuivre ses investissements et activités avec une série d’événements et campagnes tout au long de l’année, à commencer par la prochaine collection dessinée par le studio, qui sera dévoilée lors d’un vrai show le 22 février prochain, puis avec un défilé croisière en mai à Séoul. "Il n’y aura pas de big bang en termes de changement de produit. Ce n’est pas une rupture, mais une transition en douceur. Mais Sabato va dès son arrivée infuser sa nouvelle direction artistique, notamment via des capsules. Et son travail aura des effets dès le deuxième semestre", poursuit le dirigeant.

Le groupe a déjà initié la transformation de Gucci l’an dernier avec d’importants investissements qui se reflètent, selon la société, dans la moindre profitabilité de la maison italienne, dont le résultat opérationnel courant n’a pratiquement pas progressé en 2022, à 3,7 milliards d’euros, avec une marge reculant de 2,6 points en 2022, à 35,6% contre 38,2% un an plus tôt. La stratégie amorcée l’an dernier met l’accent sur des catégories au potentiel inexprimé, tel que le menswear et la bagagerie, avec notamment l’ouverture d’une première boutique dédiée à Paris. 

Les Gucci "Salons", pour séduire une clientèle encore plus fortunée



L’idée est de poursuivre et accélérer le repositionnement de Gucci dans un segment plus élevé et ce dans toutes les catégories de produits. A ce titre, la marque engage un important travail sur l'image, notamment avec une imposante exposition baptisée Gucci Cosmos prévue d'avril à juin à Shanghai, retraçant l'histoire de la marque et véhiculant cette notion d'héritage, importante pour séduire une clientèle fortunée. Cette exposition sera ensuite déclinée dans d'autres lieux clés pour la marque.

Sur le plan commercial, Gucci entend nettement renforcer sa désirabilité auprès de cette cible ultrariche. Elle lance un concept baptisé Gucci Salon, qui permettra d'accueillir ses clients VIP. "C'est une initiative pour aller recruter une clientèle extrêmement haut de gamme, que nous n'avons pas chez Gucci, mais qui a extrêmement grandi ces dernières années dans le monde", avance François-Henri Pinault. Le concept pourra être installé dans certains magasins, ou via des événements ponctuels. "Nous aurons un emplacement dédié qui va ouvrir en avril sur Melrose Avenue à Los Angeles, explique le PDG. Ensuite dans les grands flagships, nous allons dédier des étages complets. Dans les magasins moins importants, ce seront des espaces Gucci Salon. C'est un concept que nous allons déployer dès cette année dans toutes les régions du monde". Le dirigeant glisse que ce développement pourrait concerner une dizaine de projets en 2023, notamment dans ses boutiques les plus importantes, comme celles de Londres et Milan qui rouvriront cette année, mais aussi Shanghai, Tokyo ou Séoul. Dans ces espaces, Gucci va ainsi proposer à ces clients des produits, spécialement développé ces deux dernières années, dont les prix dépasseront les 40.000 euros et iront jusqu'à 3 millions d'euros, pour des pièces de haute-joaillerie. Ces produits intégreront six catégories très haut de gamme, dans la haute joaillerie, l’habillement, les accessoires, l’ameublement, les objets pour cadeau, etc.   

Concernant l’offre, Gucci souhaite s’orienter vers un solide équilibre toujours plus ajusté entre un positionnement mode reconnu et les produits liés à son histoire et son héritage. "Ce n’est pas l’un ou l’autre, mais les deux ensembles. C’est là où Sabato de Sarno aura un rôle clé à jouer en apportant à Gucci non seulement sa vision créative, mais sa capacité à englober le patrimoine de Gucci pour propulser la marque dans la modernité dont elle a besoin", conclut François-Henri Pinault.

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