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22 janv. 2023
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L’art du storytelling avec Casablanca, Bode et Marine Serre

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22 janv. 2023

Après le concert livré par Louis Vuitton avec la star Rosalía ou celui du groupe féminin japonais 1966 Quartet, qui a interprété des tubes des Beatles pour Kenzo vendredi soir, les couturiers ont accéléré le mouvement ce week-end sur les podiums parisiens. La Semaine masculine a été l’occasion pour plusieurs maisons de renforcer, en effet, leur storytelling en sortant les grands moyens. De l’appel à la paix de Casablanca, à la mise en scène théâtrale de Bode, jusqu'au défilé-rave party démocratique de Marine Serre.

Casablanca : discours de paix et jet-set




Casablanca, automne/hiver 2023/24 - © ImaxTree

 
Pour présenter sa collection automne-hiver 2023/24, la griffe parisienne Casablanca s’est installée samedi dans un pavillon du parc des Expositions de la Porte de Versailles. Dès l’entrée, on peut lire sur une grande pancarte-enseigne "For the peace" (pour la paix) écrit en grosses lettres sur fond d’arc-en-ciel. A l’intérieur, la marque a fait atterrir sur l'énorme scène à damier coloré un avion de chasse grandeur nature.
 
Balenciaga avait choisi pour décor, en octobre dernier, un immense terrain de boue pour dénoncer la guerre et le sort des réfugiés. Casablanca opte plutôt pour les salons feutrés de ce qui semble être une grande organisation internationale avec, dressés en toile de fond, les drapeaux des Nations Unies. Comme s’il devait intervenir en séance plénière, le designer Charaf Tajer se présente en veston sur le podium, où a été installé un pupitre avec micros, pour tenir un discours en faveur de la paix et de la jeunesse.

"L'année dernière, mon amie Maya m'a raconté une histoire incroyable sur des jeunes en Syrie prêts à tout risquer pour éprouver de la joie. Ils faisaient quelque chose que vous et moi trouverions ordinaire: faire la fête. Pour eux faire la fête était un acte de courage et de résistance", rapporte-t-il, en nous invitant à "ne pas considérer les réfugiés comme des numéros, mais comme des êtres humains, comme des égaux, sans hiérarchie, ni discrimination".
 
"Aujourd'hui, nous avons un choix simple. Accepter la tragédie ou utiliser notre plateforme pour diffuser un message important. Je ne dis pas que la mode est la solution, mais nous devons utiliser nos voix pour crier fort et faire tout ce que nous pouvons pour créer un monde meilleur", lance le styliste franco-marocain. "C'est le but de cette collection. Une pièce de théâtre inspirée par le courage, reflétant la douleur et la beauté dont j'ai été témoin dans une zone de guerre. Je me tiens debout devant vous et si j'en parle, alors peut-être que vous en parlerez aussi. Et peut-être, si vous êtes touchés par ce que vous verrez, ensemble, nous pourrons insuffler le changement pour la paix", conclut-il.
 

Casablanca, automne/hiver 2023/24 - © ImaxTree


Avec une bonne heure de retard, le show démarre, dévoilant une collection luxueuse pour adeptes de la jetset, qui détonne un brin avec le discours que l’on vient d’entendre. Pas sûr, en effet, que la jeunesse dorée visée par la marque se soucie des réfugiés. Chez Casablanca, les hommes sont vêtus de costumes chic, avec blazer ou veste à deux boutons, gants blancs à la main, empoignant leur élégant sac de voyage. Ils adoptent parfois l’uniforme d’apparat, d’un blanc immaculé, avec la veste à col d’officier, la poitrine bardée de médailles.
 
Les couleurs primaires du damier qui recouvre la scène se retrouvent en carreaux brillants ou bandes colorées sur différentes pièces. Les confortables manteaux en cachemire reprennent en mode graphique le logo en forme de cœur de la marque, L’homme Casablanca fréquente bien sûr les stations de sports d’hiver les plus huppées, en survêt peluche, combinaison de ski ultra blanche, bottes de neige, cagoule ou chapeau fourré et longue écharpe tricotée. En dehors des pistes, il soigne son style avec des ensembles en denim ornés de broderies, des chemises en soie peinte, des tricots ajourés. Pour le soir, il sort le grand jeu avec costume en brocart et cape majestueuse bordée de pierres scintillantes multicolores,
 

Bode : week-end familial a Cape Code



Pour son deuxième défilé à Paris, (le premier s’étant tenu avant la pandémie en 2019), Emily Adams Bode a marqué un grand coup, samedi, en réquisitionnant rien de moins que le théâtre du Châtelet. Elle a installé sur la scène un décor digne des plus grandes pièces qui s’y jouent, le tout en faisant salle comble ! Le défilé était aussi pour la jeune femme, qui a lancé sa marque de menswear en 2016, l’occasion de célébrer en grand le lancement de sa ligne féminine inspirée par sa famille maternelle.
 

Bode, automne/hiver 2023/24 - DR

 
Depuis toujours passionnée par les étoffes anciennes – linge de maison, vieux coutils, nappes en dentelle, tapisserie, édredons-, qu’elle collectionne et réutilise dans ses créations pour faire des pièces uniques ayant "une histoire et un caractère émotionnel", la styliste de New York, passée par Ralph Lauren et Marc Jacobs, s’appuie de plus en plus sur les histoires personnelles de sa famille ou sur le passé familial d’autres proches pour construire ses collections.
 
Samedi soir, elle a fait monter sur les planches son oncle maternel pour présenter "ce défilé, qui concerne la famille, les sœurs, la mère d’Emily". Non sans émotion, l’homme
a rendu hommage à sa femme, Nancy, décédée en octobre dernier, ainsi qu’à Janet, la sœur de celle-ci et la mère de la styliste. Emily Bode a reproduit sur scène une résidence située dans le village côtier de Woods Hole, à Cape Code, où sa mère a vécu et travaillé dans les années 1970. Par les fenêtres éclairées de la typique maisonnette en bois du Massachusetts, on distingue la salle à manger avec des portraits accrochés au mur, et le vestibule, où pendent au mur quelques vestes et un chapeau, tandis que sur le perron sont posées les écuelles pour le chien, près de quelques pots de terre renversés et du tuyau d’arrosage.

Les mannequins sortent de la maison pour traverser la cour vers la cabane à outils et sortir par le jardin. Tout est typiquement rural-américain, y compris et surtout la garde-robe, avec ces vestes en cuir frangées de cow-boy, ces confortables costumes en velours, ses vestes robe de chambre et ces pull-overs jacquards à motifs ethniques. Certaines vestes et pantalons sont brodés de fleurs, tandis que des passementeries précieuses décorent plusieurs habits et que des tissus anciens composent des manteaux patchworks, l’un des classiques de la marque.
 
Pour la femme, la créatrice originaire d’Atlanta, imagine un dressing beaucoup plus chic et glamour avec des robes longues et des tenues scintillantes au charme suranné du passé. De nombreux modèles élégantissimes se réfèrent en particulier aux folles années 1920. Ne manque même pas à la collection la robe sapin de Noël en tulle vert ! Tout est exécuté avec précision et raffinement. Des vêtements de grande prestance, qui ont toute leur place sur la scène d’un théâtre.

Marine Serre : rave party à La Villette




Marine Serre, automne-hiver 2023/24 - © ImaxTree


Marine Serre a convié pour sa part ses invités à la Grande Halle de la Villette, permettant notamment à 1.000 personnes au sein de sa communauté d’assister au défilé, même si ces dernières, agglutinées et coincées debout derrière des barrières, avaient bien du mal à voir quoi que ce soit. Seuls les acheteurs, VIP et journalistes étaient assis au centre de la scène, au pied de trois grandes tours, en forme de cages métalliques emplies de vêtements usés et jetés au rebut.
 
Fumigènes, lumières rouges, spots stroboscopiques, musiques tonitruantes...La créatrice française a imaginé une rave party animée par une faune nocturne au visage parfois entièrement masqué par d’inquiétants passe-montagnes ou cagoules tricotées en laine ébouriffée totalement couvrantes se prolongeant en une interminable queue de cheval.
 
La collection fait la part belle, comme d’habitude, aux vêtements fabriqués à partir de matières recyclées. Les nappes ou taies d’oreiller en coton blanc se muent en robes ou élégants tailleurs, affublés de messages et illustrations récupérées ici et là. Vestes, jupes et pantalons sont construits à partir de différents bouts de denim délavés et usés. Le tissu moiré, ainsi que les combinaisons moulantes à imprimé demi-lune, grands classiques de la marque, continuent d’être exploités dans cette collection.
 
A noter, ces superbes modèles pour motard en cuir blanc et noir: une robe bustier, un pantalon aux genoux surprotégés et un blouson porté avec un simple body et une paire de collants à la Catwoman. Une série de looks à base de vinyle ou faux cuir noir associé à des éléments en laine bouclée, façon longs poils, d’un orange vif, se fait particulièrement remarquer.
 

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