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19 juil. 2021
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L'optique mise sur l'écoresponsabilité

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19 juil. 2021

En 2021, impossible pour les marques d’optique et de mode de faire l’impasse sur leur impact environnemental, devenu un enjeu fondamental. "La conscience environnementale n’est pas encore très répandue dans l’industrie de l’optique-lunetterie. Mais la mobilisation s’annonce car ce ne sont plus les entreprises qui ont la main, mais les clients, notamment les plus engagés qui prescrivent et décident, explique Dominique Cuvillier, expert et consultant mode pour le Silmo, également auteur du Guide des lunettes écolos La vue en vert, paru aux éditions Trendmark publishing.


Lunettes Woody en liège et matériaux biosourcés par Möken Organic Eyewear. - DR

 
Et sur le marché de l’optique, il y a encore beaucoup à faire. Ainsi, dans la plupart des pays du monde (Europe, Japon, Russie, Chine, Etats-Unis), 45% des porteurs d’équipements optiques choisissent des lunettes en plastique, acétate principalement. Quand, en moyenne, 40% optent pour le métal. Et entre 10 et 15% portent des combinés plastique et métal. Côté solaires, le plastique domine largement à 65% contre une moyenne de 25% pour le métal et autour de 7% pour les combinés. (Source: étude GFK OMO Optical Monitor Wave 10 Silmo/Mido 2019)

"Nous sommes et serons toujours plus nombreux à devoir porter des lunettes; sans compter l’augmentation de la consommation de lunettes en Asie ou la préférence croissante pour les lunettes de marques de luxe en Europe et en Amérique du Nord. Le marché mondial de l’optique a de quoi être stimulé", souligne Dominique Cuvillier.

D’ailleurs, celui-ci a conclu l’année 2019 avec une croissance de ses ventes d’1,4% en France, pour atteindre un chiffre d’affaires de 6,6 milliards d’euros. Tel est le constat établi par l’institut GfK, présenté à l’occasion d’un réunion du club inter-optique, qui précise que 26% est généré par les montures (1,8 milliard d’euros, +1,3%) et 7% par le solaire (461 millions d’euros, -1,3%, à cause de la concurrence des autres enseignes, de mode ou de sport).


Friendly Frenchy développe une matière unique à partir de coquillages, moules, huîtres et Saint Jacques recyclés. - DR

 
Concrètement, dans le retail, on assiste désormais à un foisonnement d’innovations green. D’abord venues de petites marques précurseurs, ces dernières sont aujourd’hui rejointes par les nombreux acteurs du secteur optique qui veulent eux aussi se positionner sur ce créneau.

Force créatrice française



"La France dispose encore d’une force créatrice historique, mais aussi de nouveaux entrepreneurs inventifs qui renouvellent la filière hexagonale à l’image de Rezin, Waiting for the Sun, Friendly Frenchy, OpSB, 7Plis, Shelter, Möken… ", confie Dominique Cuvillier.
 
Parmi les pionniers, la marque Waiting for the Sun, lancée par Antoine Mocquard et Julien Tual en 2009, a initié la mode des montures en bois avec sa collection Bois², issue d’un brevet, fabriquée à partir d'un bioplastique nouvelle génération, 100% bio-dégradable et recyclable qui offre les mêmes propriétés mécaniques qu’un acétate traditionnel mais qui est totalement dépourvu de pétrole.

Depuis, l’engouement ne cesse de croître. En 2015 sortent les premiers modèles en bois, liège ou pierre de Möken Organic Eyewear. Lancée par Pierre Le Gall, ingénieur, et Clément Lambert, designer, amis et experts en lunettes passés par les départements eyewear chez Rip Curl, Nike et Quiksilver, ils souhaitent pousser l’écoresponsabilité avec des créations toujours plus novatrices.

"Sortir un produit en adéquation avec les normes industrielles prend beaucoup de temps, explique Pierre Le Gall. Aujourd’hui, la course s’est accélérée, le secteur est devenu très concurrentiel. Il faut avoir les finances et aller vite. Si les gros groupes disposent de process, les petits créateurs comme nous misons sur notre fraîcheur d’esprit."

Möken, déjà présent dans plus de 400 points de vente, vient d’ouvrir une boutique à Hossegor et propose des modèles à partir de matériaux biodégradables ou bio-sourcés (à 90% à partir de plantes de ricin).


Mazzucchelli a développé de l'acétate recyclé composé à 40% des déchets d’acétate de cellulose des industriels. - DR

 
Autre matière phare, le fameux acétate M49 de l’italien Mazzucchelli, développé en 2013, est composé avec un plastifiant non plus issu de la pétrochimie mais d’origine naturelle et est coloré avec des encres végétales.

Déjà adopté par nombre de marques, dont Gucci dès les débuts, celui-ci a révolutionné le marché. Pour aller plus loin, Mazzucchelli a lancé l’acétate recyclé en 2020. Baptisé BeCycle, celui-ci est composé à 40% des déchets d’acétate de cellulose des industriels et à 60% de matières biologiques. Déjà, Thélios, spécialiste en lunetterie du leader mondial du luxe LVMH, a manifesté son intérêt auprès de la firme avec l’annonce de la sortie de premières collections écoresponsables attendues pour 2022 chez Chopard ou Armani.

"Le développement durable est devenu un impératif. Nous avons choisi de faire équipe avec les meilleurs acteurs dans leur domaine afin de travailler conjointement sur le développement de nouveaux matériaux durables, qui, nous l'espérons, entraîneront le changement dans notre industrie",  confie Carlo Roni, directeur R&D de Thélios.

L'enjeu du recyclage



De fait, l’autre grand défi qui passionne la lunetterie vient du concept de recyclage de déchets et de la circularité de production.

Ainsi, en 2018, Sandrine Guyot et Laurent Pezé lancent la marque Friendly Frenchy, dont la particularité est une monture qui combine de l'huile de ricin à des coquilles d'huîtres, de moules ou de Saint-Jacques collectées sur nos côtes, lavées et broyées avant d'être recyclées. Une recette secrète qui a nécessité deux ans de recherche.


François Van Den Abeele a développé Sea2See qui recycle le plastique marin en montures de lunettes. - DR


Quant à François Van Den Abeele, entrepreneur belge installé à Barcelone, il décide de collecter le plastique marin et de le transformer en granules. La matière est ensuite travaillée en injecté. Pour chaque monture, le polissage se fait à la main. Un matériau certifié "Cradle to Cradle", la norme scientifique la plus avancée au monde pour la conception et la fabrication de produits destinés à l’économie circulaire. Sa marque Sea2See séduit déjà de grands noms dont l’enseigne Optic 2000 avec un premier partenariat en 2020 et de nouveau cet été en proposant une gamme de solaires et d’optique.

"Aujourd’hui, l’enjeu réside également sur la fin de vie, conclut Pierre Le Gall, cofondateur de Möken. Le recyclage reste compliqué avec certains matériaux à cause de la peinture. Bien sûr il y a des collectes et beaucoup de montures sont réutilisées mais tout reste à inventer... Pourquoi pas une consigne !"

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