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27 avr. 2005
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La libéralisation du textile sonnera-t-elle le glas de l'Euromed ?

Publié le
27 avr. 2005


Gildas Minvielle
Responsable de l'Observatoire économique de l'IFM
Depuis le 1er janvier, le textile-habillement vit dans un environnement concurrentiel libéralisé. Il n'existe plus, à ce jour, aucune restriction quantitative aux exportations textiles et vêtements pour les pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Or la Chine a intégré l'OMC à la fin de 2001 : c'est là l'origine de toutes les inquiétudes des industriels du secteur. Décidé à Marrakech en 1995, l'Accord sur les textiles et vêtements (ATV) a prévu de réintégrer progressivement, sur une période de dix ans (en quatre phases successives de 1995 à 2005), les échanges de textiles et vêtements dans le cadre du droit commun du commerce international. Le démantèlement des quotas, s'il n'a pas manqué de susciter bien des craintes en Europe et aux Etats-Unis, a également été source d'appréhension dans les pays de la périphérie de l'Europe, notamment méditerranéens (cela vaut également pour le Mexique ou les Caraïbes vis-à-vis des Etats-Unis).

Depuis le début de l'année, les mauvaises nouvelles affluent. Les informations issues des Douanes françaises révèlent, pour les trois premiers mois de l'année, une progression très forte des importations d'habillement. Les premiers éléments recueillis au Maroc et en Tunisie font état dans le même temps d'un repli sensible des exportations vers l'Europe. Le Maroc et la Tunisie sont en effet nos premiers fournisseurs d'habillement (à eux deux, ils sont à l'origine de 16 % des importations françaises d'habillement en valeur, contre 14 % pour la Chine). La menace est bien réelle pour les pays du Maghreb, celle de voir la Chine accaparer une bonne partie des approvisionnements européens à leur détriment. Ce risque ne serait pas sans conséquences pour les tisseurs français, car le Maroc et la Tunisie sont aussi nos principaux clients (plus de 25 % des exportations françaises de tissus en valeur sont destinées à ces deux pays).



Le projet de création d'une vaste zone de libre-échange Euromed à l'horizon 2010, rassemblant pays producteurs et consommateurs de textiles et vêtements (l'Union européenne et les pays du pourtour méditerranéen, Turquie comprise), alternative à la toute-puissance chinoise, serait-il donc menacé ? Il est certain que les donneurs d'ordre ont profité de l'aubaine qu'a représenté le démantèlement des quotas. Nous assisterons selon toute vraisemblance à une recomposition des approvisionnements au profit de la Chine, au détriment certes des fournisseurs méditerranéens de l'Europe mais également des autres pays d'Asie. Il est néanmoins probable que le taux de croissance des exportations chinoises observé en ce début d'année ne se poursuive pas au même rythme.

Par ailleurs, il ne faut pas se polariser sur les seules importations. Si l'on considère la consommation finale de l'Union européenne, moins de 30 % des vêtements consommés (en valeur) sont importés d'Asie. Ainsi, plus de 70 % de la consommation a été confectionné en Europe (y compris les pays de l'Est) et dans les pays du pourtour méditerranéen, autrement dit dans l'ensemble des pays de la zone Euromed. Tout l'enjeu des prochaines années sera de faire en sorte que ce pourcentage, largement majoritaire aujourd'hui, ne subisse pas une érosion drastique, en liaison notamment avec la concentration de la distribution, qui favorise inévitablement le recours massif au grand import.

La zone Euromed dispose de nombreux atouts. Les pays du pourtour méditerranéen, notamment, bénéficient d'une proximité à la fois culturelle et géographique qui peut constituer une substitution à l'identique des confectionneurs européens d'hier. En outre, la mode joue de plus en plus la carte de la réactivité, ce qui confère à la proximité un atout fondamental pour peu que créativité et innovation (au sein des produits mais également dans l'ensemble de la chaîne de valeur : développement des services, accès facilité aux matières, fluidification des échanges...) se conjuguent et que les confectionneurs de ces régions ne se limitent pas à un simple rôle de sous-traitant.

Sans nul doute, les lendemains risquent d'être difficiles pour le secteur textile-habillement des pays de la zone Euromed. C'est précisément dans un tel contexte qu'une plus grande mobilisation est indispensable car l'Euromed se doit de figurer au centre des enjeux de 2005, d'une part parce que l'interdépendance entre les pays qui le composent y est grande et, d'autre part, parce que c'est la seule alternative crédible au rouleau compresseur chinois.


GILDAS MINVIELLE est responsable de l'Observatoire économique, Institut français de la mode.

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