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29 mars 2022
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La mode, première victime des destructions d'emplois liées à l'e-commerce ?

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29 mars 2022

L'association de protection des droits humains et de l'environnement Les Amis de la Terre publie une étude chiffrant à 114.000 le nombre d'emplois détruits par la montée en puissance de la vente en ligne entre 2009 et 2019. Surtout, le chiffrage place le retail d'habillement, chaussures et sport en tête des secteurs les plus touchés.


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L'étude repose sur deux sources fournies par l'instance statistique de l'Union européenne, Eurostat. Il s'agit tout d'abord des statistiques structurelles des entreprises (SSE) collectées par les instituts nationaux de statistiques (INS) dans les sept pays observés: France, Allemagne, Finlande, Espagne, Italie, Pays Bas et Portugal. Les autres chiffres invoqués sont les données collectées annuellement par les INS concernant l'usage des nouvelles technologies par les particuliers, notamment concernant leurs achats par secteur. Données qui permettraient, indiquent les Amis de la Terre, d'évaluer l'impact de la vente en ligne sur l'emploi.

Des recherches qui viennent s'adosser à l'étude du cabinet Kavala Capital, publiée en septembre 2020, et qui chiffrait à 82.000 le nombre d'emplois nets détruits dans le retail par la vente en ligne entre 2009 et 2018. Hors créations de postes, ce serait ainsi 114.000 emplois qui auraient disparu sur la période. Chiffre que Les Amis de la Terre viennent compléter avec une estimation de 8.400 postes supplémentaires détruits en 2019, ce qui porterait à 122.400 postes les destructions observées entre 2009 et 2019.

Par secteur, le domaine de l'habillement, chaussures et équipement de sport serait la principale victime de ces destructions d'emplois liés à l'e-commerce. Le retail aurait dans cette catégorie perdu 4.800 postes nets (intégrant les créations, ndlr) en 2019. De fait, le secteur pèserait à lui seul 5.413 des 8.425 emplois perdus sur la période.

Des chiffres à mettre en perspective avec le fait que l'habillement est historiquement un parent fort de la vente en ligne en France. Entre 2019 et 2021, les ventes en ligne de mode ont progressé de 22%, selon la Fevad. L'Institut Français de la Mode estime qu'Internet capte désormais près d'un quart des ventes du secteur.

Par type de structure, les destructions d'emplois toucheraient en particulier les petits détaillants (de 0 à 19 salariés), avec à eux-seuls 7.600 emplois perdus en 2019, chiffre cependant inférieur à la moyenne annuelle observée entre 2009 et 2018. A l'inverse, les moyennes entreprises (20 à 249 salariés) affichent en 2019 un niveau de destruction annuelle supérieur à celui de la décennie précédente, avec 1.020 emplois perdus. Quant aux grandes entreprises, elles afficheraient en 2019 un solde de création d'emplois par l'intermédiaire du e-commerce neuf fois inférieur à celui des années précédentes.

"Il est alors à craindre que si la tendance esquissée ici se confirme, les salariés des grandes entreprises soient les prochains impactés par la digitalisation du commerce", indique Les Amis de la Terre. "Cette tendance semble déjà perceptible et laisse présager un avenir incertain (si ce n’est catastrophique) pour les salariés de la vente physique. Depuis 2020, Conforama, Naf Naf, André, la Halle, Célio, Devianne, Orchestra, Camaieu, Gap, Printemps... ont déjà fermé massivement des magasins, laissant des milliers de salariés de côté. H&M et Inditex (Zara) sont, eux aussi, en train d’en fermer des centaines d’autres afin de digitaliser leur activité et faire face aux grands acteurs de la vente en ligne".

1,2 million d'emplois indirects oubliés, selon la Fevad



Contacté par FashionNetwork.com, la Fédération de la vente en ligne (Fevad) remet en cause les conclusions des Amis de la Terre, et y oppose les résultats d'autres études. Notamment celle de l'INSEE estimant que le retail a dopé de 4% son nombre d'emplois depuis 2010, "en ligne avec l'augmentation moyenne de l'emploi en France. Ou encore les chiffres du cabinet Oliver Wyman et de l'Université Saint Gall, qui estiment que 1,3 million d'emplois ont été crées dans le commerce entre 2008 et 2018, dont 300.000 environ via l'e-commerce. Chiffres auxquels s'ajoutent "1,2 millions d'emplois indirects supplémentaires pour la gestion de la logistique et des livraisons" pointe la Fevad. Chiffres "qui ne sont pas pris en compte dans l’étude" des Amis de la Terre, pointe l'instance représentative.


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La fédération évoque par ailleurs que, contrairement à une idée reçue, la vente en ligne n'est pas l'affaire des grandes villes. "45% des e-commerçants de TPME sont implantés dans des communes de moins de 10.000 habitants, et même 25% dans des communes de moins de 5.000 habitants", pointe l'instance, qui estime que l'e-commerce contribue donc à créer des emplois sur tout le territoire. "Aujourd’hui, 74,7% des cyber-acheteurs attendent de leurs commerces de proximité un service de livraison. Ils ne souhaitent pas leur disparition", souligne la Fevad, qui pointe sur ce point le retard tricolore: "Seulement 30% des TPE disposent d’un site de commerce en France contre 75% en Allemagne. Donc, il s’agit d’un véritable potentiel d’emploi dans la création des sites, pour l’envoi des commandes".
 
Les ventes en ligne ont progressé de 15,1% en 2021, portant le secteur à 129 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Une hausse qui vient conforter l'accélération de 8,5% déjà observée en 2020, mais qui cachait une explosion de 30% sur les seules ventes de biens, là où chutaient de 10% les ventes de services (-47% pour le voyage-tourisme).

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