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29 févr. 2004
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Le bureau de style Peclers Paris change de tête

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29 févr. 2004

Juliette Rapinat-Freudiger , après 20 ans dans le monde de la parfumerie, comment passe-t-on à la direction d’un bureau de style ? C’est une évolution assez naturelle. J’ai fait mes classes dans la grande école de marketing de la cosmétique : l’Oréal. Progressivement, je me suis rapprochée de marques de mode. J’ai travaillé pour Guy Laroche et Cacharel, puis pour Lanvin et Paloma Picasso. J’ai ensuite travaillé 3 ans pour une maison de création de parfums, Firmeniche, puis chez Givenchy et, dernièrement, chez Escada. Je me suis immiscée petit à petit dans l’univers de la mode. Le monde de la cosmétique et de la parfumerie est très proche de celui de la mode. A-t-il été difficile de quitter des grands groupes pour rejoindre une petite équipe ? Au contraire, il y a dans ma nouvelle fonction un challenge humain qui me motive beaucoup. J’aime les petites structures, la proximité avec l’équipe et les clients. Même si Peclers est une multinationale, elle reste une petite société. Le paradoxe entre cette dimension internationale et la taille humaine de l’entreprise est fascinant. Comment avez-vous rencontré Dominique Peclers ? Ma rencontre avec Dominique a déterminé mon accession au poste de Président Directeur Général de chez Peclers. Lorsque je l’ai rencontrée, j’étais alors Directrice Générale chez Escada et elle cherchait un manager capable de reprendre l’entreprise à un moment clef de son évolution. J’avais déjà fréquemment travaillé avec des bureaux de style et collaboré avec des créateurs dans une approche de complémentarité entre le marketing et la direction artistique. Mon parcours dans un monde très proche de la création de mode, me permettait d’offrir à Peclers une compétence très complémentaire. Quelles sont les qualités principales qui vous permettront d'appréhender vos nouvelles fonctions ? Dans notre travail, le conseil tient une place essentielle. Mon atout est de connaître les problématiques des clients. Ils viennent chercher chez nous un savoir-faire, une connaissance, du style, du goût et du look. J’ai utilisé ces compétences pendant des années. En entrant chez Peclers, je passe de l’autre côté du miroir. Qu’appréciez-vous le plus dans ce nouveau poste ? Au cours de ma carrière, j’ai constaté que les personnes attachées au service marketing sont submergés par les problèmes de vente et s'éloignent de plus en plus de la création qui constitue pourtant l’un des aspects les plus intéressants du travail. Pour cette raison, je préfère être à l’extérieur. Vous êtes arrivés chez Peclers au mois de septembre et depuis, vous travaillez conjointement avec Dominique Peclers. La transition s’est-elle faite en douceur ? Afin d’organiser une bonne transition, nous avons passé beaucoup de temps ensemble ainsi qu’avec les équipes internes. Avant mon arrivée, un comité de 3 stylistes prenait en charge la transition en terme de management. Il était temps que quelqu’un prenne les rênes et apporte un axe stratégique au bureau. Le monde change énormément et les bureaux de style doivent se pencher sur leur avenir, leurs possibilités de développement et leur valeur ajoutée. Quelle valeur ajoutée un bureau de style apporte-t-il aux entreprises ? Les bureaux de style possèdent une vraie ambivalence puisqu’ils sont à la frontière entre le conseil et la prospective. Certains de nos clients ont besoin d’être informés sur ce qu’il va falloir faire demain. C’est notre casquette de chercheurs de tendance. Puis, il y a ceux qui ont besoin d’être accompagnés dans une approche de style : on est alors davantage dans le conseil, le marketing et la création. Aujourd’hui, beaucoup d’industries textiles vont se délocaliser en Asie et particulièrement en Chine et en Inde. Nous devons être capables de trouver la bonne équation afin de leur apporter notre savoir-faire et de leur permettre d’être à la fois performants dans les produits qu’ils exportent en Europe et ceux qu’ils vendront demain sur leur marché local. Notre mission, à l'heure actuelle, est également de chercher de nouvelles catégories de clients. Une grande partie des futures entreprises feront appel aux bureaux de style, ce qu’elles n’auraient pas fait, il y a 10 ans. Elles sont en train de découvrir la magie du mariage entre l’intuition et le marketing. Quelle est votre opinion face aux bouleversements engendrés par la Chine dans le secteur du textile ? Aujourd’hui, le secteur a très peur. Mais il faut aussi regarder et savoir saisir les opportunités. Dans l’histoire industrielle, il y a toujours eu des gagnants et des perdants. Certains ne réussiront pas à s’adapter et d'autres, au contraire, profiteront du nouveau contexte économique pour inventer de nouvelles solutions. Nous avons pu constater ce phénomène avec internet. Il ne faut pas trop redouter la Chine car elle nous offre de formidables opportunités. Avec la baisse des prix, la mode devient très accessible, il va donc falloir affiner le discours de mode. Les consommateurs vont devenir très exigeants sur la qualité et la créativité. Les distributeurs se posent beaucoup de questions à l’heure actuelle et c’est à nous de les aider. Avez-vous des réponses à toutes ces questions ? Non, mais on y réfléchit. Nous sommes capables de poser les bonnes questions et nous y trouverons des reponses. La preuve, nous sommes associés à de grands noms de la distribution en pleine croissance comme la Redoute ou Monoprix. Le succès des city stores est une vraie réussite. De plus en plus les bureaux communiquent. Que pensez-vous de cette nouvelle tendance ? Quand la concurrence augmente, il est important de se distinguer et d’expliquer ce que l’on fait. Ce métier est sorti de l’ombre très récemment. Hier encore, les bureaux de style n’étaient connus que des initiés qui venaient y chercher «la bonne parole». Aujourd’hui, il y a une vraie prise de conscience de l’importance de la création. Des designers tels que Galliano et McQueen qui sont arrivés dans les maisons de mode alors qu’ils n’étaient pas à l’origine de la marque, montrent bien l’importance colossale de la création dans le marketing du produit. C’est probablement pour cette raison que l’on parle plus facilement aujourd’hui des bureaux de style dont la force repose sur les capacités créatives des gens qui y travaillent et leur aptitude à décrypter la mode. Quel est votre objectif ? Faire perdurer le bureau Peclers tel qu’il est ou, au contraire, lui faire prendre un virage ? Nous ne prendrons pas de virage radical. Notre métier reste la mode. Nos méthodes, notre savoir-faire et nos connaissances sont adaptés à ce secteur. Notre grande force est l’importance que nous donnons, en interne, au partage des connaissances. Notre puissance créative est collective et le savoir-faire du bureau n’est pas entre les mains d’une seule personne. C’est capital dans l’entreprise. Allez-vous rester sur le secteur de la mode ou envisagez-vous de vous étendre à d’autres secteurs ? Aujourd’hui, 80% de notre travail porte sur le secteur de la mode. Nos clients sont dans le textile, la distribution, la confection... C’est le cœur de notre métier. Cette connaissance intime de la mode intéresse toutefois bien d’autres secteurs. Nous allons donc nous rapprocher de plus en plus d'eux afin de leur montrer ce que nous pouvons leur apporter. Nous avons déjà des clients issus de la beauté, de la technologie, de la consommation courante et même de l’alimentaire. Il y a des besoins qui s’expriment. Quels sont vos axes de développement ? La France, le Japon, la Chine et les USA sont nos marchés prioritaires en terme de conseil. En ce qui concerne la vente de nos publications, nous pouvons être présents absolument partout. Grâce à elles, nous avons conquis énormément de marchés dont les pays de l’Europe de l’Est qui rejoindront prochainement la communauté européenne et qui sont, de ce fait, en train de se développer sur la filière textile. Propos recueillis par Anne-Sophie Dutat

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