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28 févr. 2020
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Le Conseil national des centres commerciaux s'attaque à la Loi Elan

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28 févr. 2020

Le Conseil national des centres commerciaux lance au niveau français et européen un recours contre la Loi Elan, qu'il estime anticonstitutionnelle et anti-communautaire. Notamment destiné à bloquer l'installation de commerces dans des zones où cela n'est pas nécessaire, le texte sert depuis à justifier le blocage des rénovations/extensions de centres existants. Jetant le risque d'une obsolescence rapide d'un parc national affichant 30 ans de moyenne d'âge. Une première décision européenne est attendue le 4 mars.


Au centre, Gontran Thuring et Jacques Ehrmann - MG/FNW


"En arriver là est d'autant plus dommage que nous étions au départ d'accord avec l'idée de protéger nos territoires", explique le président du CNCC, Jacques Ehrmann. "Nous avons appelé à ne pas mettre les rénovations/extensions dans le même sac que les créations ex-nihilo. Mais nous n'avons pas été entendus. Et on se retrouve avec ce machin qu'est la Loi Elan qui, selon nous, contrevient à la liberté d'installation qui prévaut dans la communauté européenne, puisqu'on est passé d'une mesure d'exception à une mesure générale. Nous allons faire donc dire à la justice que la Loi Elan a dépassé les bornes de la légalité."

Sur le front européen, le CNCC a lancé un "recours en manquement" auprès de la Commission européenne, amenée à instruire le dossier, et à réclamer éventuellement à la France d'amender ses textes. Un passage par la Cour européenne de justice n'étant à terme pas exclu pour trancher en dernier recours. Sur le front tricolore, le CNCC s'attaque aux décrets, arrêtés et circulaires de la Loi Elan auprès du Conseil constitutionnel. Une première réponse de la haute autorité tricolore devrait être connue dès le 4 mars.

Pour le CNCC, qui fédère 400 entreprises et 800 sites commerciaux, le blocage des rénovations/extensions a notamment trouvé son incarnation avec le dossier de la Gare du Nord, sur lequel la Mairie de Paris a finalement retourné sa veste. "Alors qu'il est question de 18 000 mètres carrés, soit rien par rapport à la surface du commerce parisien, et dans la gare la plus fréquentée d'Europe", déplore le délégué général du CNCC, Gontran Thuring. Pour Jacques Erhman, le cas illustre aussi une rupture dans la perception du commerce : "Il n'y a qu'à Paris-même qu'il y a ce regard élitiste soupçonneux envers les centres commerciaux, là où ils sont perçus comme des éléments structurants des territoires, en régions."

"Nous continuons à trouver que nous sommes mal connus et mal compris"



Cette grogne des professionnels français du secteur à l'égard des pouvoirs publics s'inscrit dans un cadre plus vaste. "Nous continuons à trouver que nous sommes mal connus et compris", explique Jacques Ehrmann. "La bonne nouvelle est que nous avons enfin une secrétaire d'État au commerce, avec Agnes Pannier-Runacher, et qui en plus reçoit les représentants du commerce. Ce qui a l'air normal, mais que ses prédécesseurs ne faisaient pas. Ce qui fait que nous avons pu expliquer nos demandes quant à l'équité fiscale face aux acteurs de la vente en ligne."

Le CNCC a de longue date appelé à rééquilibrer la fiscalité entre les commerces online et offline, soit en faisant moins payer le physique, soit en taxant davantage l'e-commerce. Soit par une taxation des livraisons, le démantèlement des taxes à la production, ou surtout l'application aux entrepôts d'une taxe foncière équivalente à celle des commerces. "Assimiler l'entrepôt à un magasin ne serait pas choquant", pour le dirigeant. "Attention : nous ne sommes pas contre l'e-commerce. Mais nous voulons être à armes égales face à un secteur qui paye moins d'impôts et dont nombre d'acteurs ne paient même pas la TVA. La Taxe Gafa était l'un des moyens d'y parvenir, mais sans doute le plus compliqué."

Un aspect logistique autour duquel les centres commerciaux tricolores estiment devoir être davantage pris en compte. Pensés spécifiquement pour accueillir de nombreuses livraisons et stocker des biens, les malls tricolores se voient en effet comme la solution par excellence aux problématiques de logistique urbaine. "Le dernier kilomètre est extrêmement couteux, et nous ne sommes encore qu'à la prise de conscience de son impact écologique", pour Jacques Ehrmann, pour qui les centres sont, par nature, des centres logistiques avancés. D'autant que, rappelle Gontran Thuring, "80 % de la population compte un centre commercial à moins de 15 minutes de trajet de son domicile ou de son travail."

Le sujet est d'autant plus sensible que, sur le front de l'écologie, l'État impose aux centres commerciaux d'installer 5 % de bornes de recharges électriques d'ici 2025. Un investissement que le CCNC juge coercitif et prématuré. Relevant au passage que la part des véhicules électriques atteint péniblement les 1 % dans les régions les mieux équipées. Une affaire à potentiellement un milliard d'euros qui vient s'ajouter au sentiment de manque d'écoute des centres commerciaux par les pouvoirs publics.

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