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24 nov. 2004
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Le luxe à l'assaut de la Chine

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24 nov. 2004

Privée de luxe depuis des décennies, la Chine se réveille. La banque d'investissement Goldman Sachs estime que le marché du luxe y a atteint 2 milliards de dollars et prévoit que, dans une dizaine d'années, il sera le second marché du luxe du monde. Bien que certaines marques prestigieuses y soient implantées depuis plus de 10 ans, le grand boom ne s'est fait que récemment. Les pionniers, comme Louis Vuitton, en Chine depuis 1992 et possédant aujourd'hui 9 boutiques dans tout le pays, profitent d'une assise confortable car ils ont su transmettre en douceur l'image et les valeurs de leur griffe. La plupart de ces marques ont utilisé leurs boutiques, souvent peu rentables, comme une vitrine afin d'habituer les Chinois à leur présence et à leurs produits. Après de nombreuses années de privation, les consommateurs chinois ont besoin d'être éduqués au luxe. Ils doivent se familiariser peu à peu avec l’esprit des différentes marques pour parvenir à créer leur propre style sans idée reçue ni mauvais goût ou volonté de montrer ostensiblement ses richesses. Depuis quelques années, les attitudes sociales par rapport à l'argent ont changé. Encore récemment, les manifestations de richesse choquaient, alors qu’aujourd’hui, les Chinois sont fiers d’afficher leur réussite sociale. Un marché encore émergent Il y a 5 ans, les maisons de luxe présentes en Chine n’étaient qu’une petite trentaine alors qu’aujourd’hui, elles ont presque toutes investi la place et comptent bien s’étendre sur tout le pays. Même si les marques mettent plusieurs années avant de gagner de l'argent, il est indispensable d'être présent sur ce marché au très fort potentiel de développement. Dior, implanté en Chine depuis 1998, a multiplié par deux sa surface de vente au Plazza 66, un des temples du luxe à Shanghai et ouvrira un Dior homme en décembre. D'après Pierre Denis, responsable de Dior couture et parfums pour l'Asie, la Chine avec Hong Kong et Taiwan représente 10% du chiffre d'affaire de Christian Dior couture. En dehors du luxe, des marques comme Biche de Bere ou Agnès B se sont installées récemment à Shanghai et la marque Etam est également présente dans les grands magasins. Pourquoi Shanghai? Avec 17 millions d'habitants, c'est la ville la plus riche et la plus internationale de Chine. Voilà pourquoi les marques de luxe ont jeté leur dévolu sur Shanghai, sorte de portail entre l'orient et l'occident. D'après Yue-Sai Kan, femme d'affaire ayant créé la première société chinoise de cosmétique rachetée depuis par L'Oréal, "cette ville a une vibration particulière, alors qu'à Pékin, c'est une culture bureaucratique". La Chine est fascinée par le luxe français symbole de romantisme, d'élégance et de raffinement et les marques sont attirées par le fort potentiel économique du pays. "L'art de vivre" à la française s'exporte à merveille. Fin octobre, Jean-Paul Gauthier inaugurait la Shangai Fashion week, événement tout à fait représentatif de l'ouverture du pays au luxe. Lors de cette manifestation, les plus grands noms de la mode ont défilé (Sonia Rykiel, Paco Rabanne, Nina Ricci, Karl Lagerfeld). Les jeunes créateurs chinois ont également présenté leurs collections. Cet événement a eu une double fonction, celle d'éduquer les Chinois au luxe et à la mode et celle de faire émerger les talents locaux. Après la mode, la gastronomie française s'est elle aussi installée à Shanghai dans l’un des plus hauts lieux du luxe au 18 on the Bund, grâce à Jacques et Laurent Pourcel dont le restaurant de Montpellier, « le Jardin des sens » possède 3 étoiles au guide Michelin. Au printemps dernier, le chef français Jean-Georges Vongerichten, très apprécié à New York, avait déjà ouvert un restaurant dans la même rue, le long de la rivière Huangpu, proposant les fines fleurs de l’art culinaire français. France/Chine, amis ou rivaux? La Chine a pris une telle importance dans le secteur que la conférence spécialisée de l'International Herald Tribune sur le thème "Luxe 2004, l'attrait de l'Asie" aura lieu cette semaine à Hong Kong, abandonnant pour la première fois Paris, capitale jusqu'ici incontestable du luxe et de la mode. La France exporte son savoir-faire en Chine mais il se pourrait qu'elle le lui rende au centuple. Ayant déjà expulsé la France de sa première place en exportation textile-habillement, la Chine pourrait bien la remplacer dans le luxe. Lors du 4ème sommet du Luxe qui a eu lieu mi-novembre à Paris et dont le thème cette année était "l'avenir du luxe", la question de la place qu'occupera la Chine ces prochaines années a pris une place prépondérante. L'empire du Milieu va probablement développer avec succès ses propres marques de luxe en puisant dans son immense richesse culturelle ancestrale (porcelaine, soie, cosmétique…) tout en utilisant pour les vendre les techniques de marketing occidentales. Selon Hubert Védrine, administrateur de LVMH, "avec du temps, les nouveaux pays émergeants vont produire et devenir des concurrents. Ils ont commencé par la copie mais rien n'empêche qu'ils s'élèvent dans la qualité des produits". La Chine a un potentiel infini, encore très peu exploité. Qui nous dit que, quand ses stylistes auront rattrapé le temps perdu en observant les techniques et créations occidentales, la France ne perdra pas son statut de pays du luxe? Benoîte Taffin

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