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15 nov. 2018
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Le luxe, amené à développer la "modest accepted fashion"

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15 nov. 2018

Face à l’évolution des habitudes de consommation et à l’incertitude des marchés, l’industrie du luxe doit apprendre à sortir des canons traditionnels qui l’ont guidée jusqu’ici, pour gagner de nouvelles parts de marché, tout en s’adaptant à des exigences toujours plus diversifiées et spécifiques de la part d’une clientèle amenée à s’élargir. Telle est l’une des pistes de réflexion les plus intéressantes qui ont émergé du colloque organisé jeudi à Milan par Altagamma pour présenter le rapport « Luxury goods worldwide market 2018 », réalisé par le cabinet Bain & Company.
 

Versace, sa proposition sexy pour la femme voilée dans la collection pour l'hiver 2018-19 - © PixelFormula


« Nous assistons à un très grand changement d’attitude de la part des griffes, qui proposent de plus en plus de produits destinés à des clientes qu’elles ne prenaient guère en considération auparavant. Une catégorie que nous avons surnommée "modest-accepted fashion". Les maisons ne communiquent pas, bien sûr, sur ce changement, mais on le perçoit à travers leur merchandising », explique Claudia D’Arpizio, partenaire de Bain & Company et auteure de l’étude.
 
Cela signifie une plus grande prise de conscience de la part de l’industrie du luxe des besoins de nouveaux consommateurs auparavant délaissés par le secteur. Cela va des préférences culturelles avec diverses ethnies et religions, aux sous-cultures liées aux minorités, en passant par les différentes morphologies et tailles. Autant dire une révolution pour les maisons, dont certaines ne proposaient encore jusqu’à peu leurs modèles qu’en taille 38 ! Mais aussi et surtout « une gigantesque part de marché à prendre », selon Claudia D’Arpizio.

D’après son enquête, cette nouvelle typologie de mode modeste « acceptée » a représenté 40 % des ventes de prêt-à-porter de luxe pour femme en 2018, incluant les vêtements spécifiques destinés à une clientèle musulmane ainsi que d'autres types d’habillement considérés comme « naturellement » modestes.
 
Depuis quelques années, plusieurs maisons sont entrées, de fait, sur le créneau religieux, en proposant des collections spécifiques avec hijabs et abayas pour les pays arabes. Signe de ce changement de mentalité ? Les mannequins voilés défilent désormais sur les podiums sans que cela ne choque plus grand monde, tout comme les mannequins transgenres, âgés ou grande taille.
 
La libération des femmes et la démocratisation des tailles est également en train de faire bouger les lignes, toujours selon l’étude de Bain & Company. La mode « inclusive » a pesé pour 20 % sur les ventes totales d’habillement féminin de luxe en 2018, « grâce à une plus grande offre de pièces en taille unique, destinées à des consommatrices curvy ou plus size, et plus en général grâce à des vêtements avec des coupes plus amples et inclusives ».
 
« Cultures, sous-cultures et nouveaux modes de consommation vont apparaître, devenant des phénomènes grand public. Les différentes catégories vont se fondre entre elles : les marques doivent être dynamiques et réactives pour s'adapter à cette tendance », note encore l’étude.
 
Autre clientèle à suivre, celle des jeunes générations. Si le marché se partage actuellement entre cinq cibles générationnelles, des plus âgées au plus jeunes, les entreprises du luxe ont tout intérêt à se focaliser sur les nouvelles générations, qui prendront toujours plus d’importance. Générations Z et Y (les millennials) représenteront près de 55 % du marché du luxe en 2025 et contribueront à 130 % de la croissance entre aujourd’hui et l’horizon 2025.
 
« Les nouvelles générations de consommateurs qui arrivent sur le marché sont sensiblement différentes par rapports aux millennials. Nés avec le digital, ces tous jeunes consommateurs utilisent la technologie, mais ne veulent plus la subir. Ils veulent redécouvrir l’expérience du magasin physique, mais avec une autre dimension par rapport au passé. Il y a là une grande partie à jouer pour les griffes », prévient Claudia d’Arpizio.
 
Dans ce monde en plein mouvement, la clé du succès réside dans l’anticipation, en portant un nouveau regard sur le consommateur, en dehors des sentiers battus. « Les entreprises du luxe doivent se montrer proactives en définissant une stratégie unique pour le consommateur, exactement comme si c’était leur employeur. Copier une stratégie ne marche plus, il faut miser sur les excellences individuelles en ayant toujours dans le viseur les prochaines générations afin d’élargir la base de la clientèle et le bassin culturel », conclut l’analyste.

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