Par
AFP
Publié le
17 juin 2020
Temps de lecture
4 minutes
Télécharger
Télécharger l'article
Imprimer
Taille du texte

Le télétravail plébiscité par les salariés mais non sans "écueils", selon des spécialistes

Par
AFP
Publié le
17 juin 2020

(AFP) - Le télétravail, testé par de nombreux salariés pendant le confinement, peut s'avérer très bénéfique mais il n'est pas sans "écueils", d'où la nécessité de trouver sa juste "dose" et de l'"encadrer" avec de nouvelles pratiques managériales adaptées, estiment des spécialistes.


Un homme, en télétravail chez lui, participe à une visioconférence, le 14 mai 2020 à Vertou, près de Nantes. - AFP/Archives



Près d'un tiers des salariés et des entreprises pratiquaient le télétravail fin 2019. Ils sont passés à 41% en mai 2020, souligne Anne-Sophie Godon-Rensonnet, directrice de l'innovation à Malakoff Humanis dans son baromètre annuel consacré au sujet.

Parmi ces télétravailleurs, "4 sur 10 sont des nouveaux télétravailleurs", passés des locaux de leur entreprise à cinq jours sur cinq à domicile ; "plus de femmes, de professions intermédiaires, de non-manageurs et de plus petites entreprises", ajoute cette professionnelle lors d'une visioconférence lundi organisée par l'Agence nationale de l'amélioration des conditions de travail (Anact) dans le cadre de la semaine de la qualité de vie au travail.

Avant, les habitués du télétravail, "surtout des cadres et manageurs de grandes entreprises d'Ile-de-France (un salarié sur deux) avec des temps de transport importants", le pratiquaient en moyenne six jours par mois, souligne-t-elle.

L'Anact, qui a mené sa propre enquête auprès de "plus de 8.600" salariés et agents publics, confirme que "47% d'entre eux n'avaient jamais télétravaillé".

 Pourtant, malgré son expérimentation brutale et forcée, et des conditions de télétravail très inégales, ce dernier est "plébiscité", selon ces professionnels qui en soulignent d'abord les "bénéfices". Les "difficultés", "connues" et "parfois exacerbées pendant la crise" demeurent mais "elles n'ont pas été plus importantes qu'en temps normal", assurent-elles.

Bénéfices



Selon Malakoff Humanis, salariés comme dirigeants d'entreprise estiment que le télétravail permet "un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle" (89% vs 93%), plus d'autonomie pour 88% des salariés interrogés, et "plus d'efficacité" disent "neuf salariés sur dix et sept dirigeants sur dix".

Ils s'accordent aussi sur le fait qu'il est "bénéfique à la santé" (76% des salariés, 71% des dirigeants), génère moins de fatigue (86% des salariés, 78% des dirigeants). Il aurait permis à 79% des salariés interrogés de faire des économies financières, sans compter un impact positif sur l'environnement.

84% des personnes interrogées par Malakoff Humanis souhaitent d'ailleurs poursuivre le télétravail dont 40% "de manière occasionnelle ou ponctuelle" et 44% "de manière régulière". Un constat confirmé par l'Anact qui parle de "88%" de travailleurs adeptes de l'expérience et qui veulent continuer.


Une femme en télétravail, le 14 mai 2020 à Vertou, près de Nantes. - AFP/Archives



Ce qui n'est pas sans "écueils", met en garde Christophe Nguyen, psychologue du travail et président cofondateur du cabinet Empreinte Humaine, qui a réalisé trois enquêtes sur la "détresse psychologique" des travailleurs pendant le confinement.

Difficulté à séparer les temps et espaces de vie, échanges compliqués et tensions entre collaborateurs, difficultés techniques, charge de travail accrue, addiction au travail, difficultés d'organisation... Le télétravail a pu créer de la "détresse" (dépression, épuisement) dans un contexte "anxiogène", dit-il.

"30% des télétravailleurs évoquent l'incertitude et la crainte de perdre leur emploi, 44% ont peur de l'échec et se sentent moins productifs et frustrés. Ils déplorent un travail haché et l'infobésité" dans un "cadre de fonctionnement de travail dégradé". 60% considèrent aussi qu'ils font "plus de réunions avec des amplitudes horaires plus longues", assure M. Nguyen.

E-taylorisation



Certains télétravailleurs (27%) voient le télétravail comme "une contrainte en tant que telle", dont "72% sont en détresse psychologique". "39% des télétravailleurs" se sentent isolés et "53% veulent plus de règles de fonctionnement, ce qui est un vrai enjeu d'encadrement", souligne-t-il.

Faute de "nouvelles pratiques managériales adaptées", il craint une recrudescence des risques psychosociaux et parle même "d'e-taylorisation". En effet, explique-t-il, "54% des salariés évoquent un travail répétitif, des tâches rébarbatives". "50% ne s'estiment pas consultés pour le travail qui les impacte directement" et "deux tiers vivent la 'qualité empêchée' en faisant un travail qui aurait dû être fait différemment."

"Le télétravail peut favoriser la créativité mais le sens de ce qu'on fait et le lien ne peuvent se faire qu'avec d'autres", conclut-il, "convaincu qu'il faut une dose de télétravail mais que le tout numérique ne sera pas suffisant".

Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 Agence France-Presse
Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (ou sur cette page selon le cas) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l'AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de l'AFP. L'AFP ne pourra être tenue pour responsable des délais, erreurs, omissions qui ne peuvent être exclus, ni des conséquences des actions ou transactions effectuées sur la base de ces informations.

Tags :
Business