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15 juil. 2020
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Les soldes "de la dernière chance" démarrent sans enthousiasme

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15 juil. 2020

(AFP) - Les soldes d'été, qui commencent ce mercredi pour se clore le 11 août, se déroulent dans un contexte bien particulier cette année: frilosité des consommateurs, mesures sanitaires toujours en vigueur dans les magasins, enseignes du textile dans la tourmente et professionnels passablement déprimés. 


Alain Griset, ministre délégué aux PME, a lancé les soldes depuis Fontainebleau - Bercy



"C'est la dernière chance pour les commerçants d'écouler leurs stocks après une saison qui a été particulièrement difficile", confiait récemment à l'AFP Yohann Petiot, le directeur général de l'Alliance du commerce, qui rassemble l'Union du grand commerce de centre-ville, la Fédération des enseignes de l'habillement et celle des enseignes de la chaussure.

Après plus de deux mois de fermeture des magasins en raison du confinement décidé pour endiguer la pandémie de Covid-19, les stocks sont en effet à un "niveau particulièrement élevé", précise-t-il.

Il est donc bien temps de passer à autre chose, d'oublier cette saison printemps-été inédite, tant en termes de pertes de chiffres d'affaires, de trous béants dans les trésoreries des commerces, que d'angoisses face à l'avenir.

Selon un rapport de l'Insee publié vendredi, le volume des ventes a ainsi baissé de 45% dans le commerce de détail non alimentaire entre avril 2019 et avril 2020, un manque à gagner énorme que les commerçants tentent, depuis le déconfinement, de rattraper, en misant notamment sur les ventes privées et autres promotions.

Mais les prix bas ne font pas tout, même si les soldes constituent la seule période de l'année où il est autorisé de vendre à perte. Attirer le chaland en cette période de fin de crise sanitaire n'est pas aisé: les Français ont pris l'habitude de ne dépenser que pour leurs besoins essentiels et ont préféré épargner (jusqu'à 60 milliards d'euros selon le gouvernement).

"Les masques, ça étouffe"



Ainsi, à Strasbourg et Toulouse, pas de ruée visible dans les boutiques pour cette première matinée des soldes. Aux Galeries Lafayette de la capitale alsacienne, Virginie déambule avec une amie dans l'étage du prêt-à-porter féminin et "prévoit de faire trois-quatre boutiques, on ne va pas flâner comme on le ferait habituellement". "Les masques, ça étouffe. Ce n'est pas le même plaisir d'essayer quand on sait qu'on doit limiter le nombre d'articles touchés", complète Claire-Line Hoffmann, qui l'accompagne.

Les mesures sanitaires mises en place dans les points de vente - port du masque obligatoire, gel hydroalcoolique systématique, cabines d'essayage parfois inaccessibles - n'encouragent effectivement pas au shopping. "On espère beaucoup des soldes, mais entre les gens qui achètent sur internet et ceux qui sont en vacances... C'est la grosse incertitude", explique Céline Tobelaim, patronne d'une boutique indépendante toulousaine de chaussures et vêtements.

"Toutes les pièces de demi-saison, les chemisiers à manches longues, les blazers, les tailleurs... Tout ça aurait dû se vendre en mars/avril et nous est resté sur les bras", affirme la gérante d'une boutique de prêt-à-porter multimarques, interrogée par la CCI de Paris et d'Ile-de-France. Après plus de deux mois de fermeture des magasins en raison du confinement décidé pour endiguer la pandémie de Covid-19, les stocks sont en effet à un "niveau particulièrement élevé", avait récemment expliqué à l'AFP Yohann Petiot, le directeur général de l'Alliance du commerce.



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"Je trouve qu'ils n'auraient pas dû les décaler, du coup tout le monde a fait des ventes privées", constate Guylaine, qui vient d'acheter un T-shirt dans une boutique strasbourgeoise. "Les gens sont en vacances du 15 juillet au 15 août, et les soldes commencent le 15 juillet.... C'est trop tard, c'est du grand n'importe quoi", confirme Elodie Sanchez, une vendeuse d'un magasin de vêtements à Toulouse.

Lors du week-end du 14 juillet, "Paris s'est vidé d'un coup, et comme il n'y a pas de touristes, notre boutique reste vide pour ce premier jour des soldes", se lamente le gérant d'un commerce de luxe de Saint-Germain-des-Prés. Des habitués ont quand même fait le déplacement dans la capitale, comme Sarah Paquet et sa cousine Maïssa Touak, venues spécialement de Bourges par le train de 05h50 pour acheter une paire d'escarpins Louboutin.

Toutes deux sont ravies de l'absence de cohue: "c'est plus agréable que d'habitude, ils devraient tout le temps mettre ces mesures de sécurité", plaisantent-elles.
L'Alliance du commerce avait demandé fin juin aux autorités d'alléger ce protocole sanitaire afin "d'inciter et de fluidifier le retour en magasin", comme c'est le cas dans les entreprises, avait plaidé M. Petiot, mais en vain.

Au contraire, le protocole a encore été renforcé: mercredi, le président Emmanuel Macron a annoncé que le masque deviendrait obligatoire dans les lieux clos à partir du 1er août.
De quoi inquiéter la gérante d'une grande enseigne de prêt-à-porter féminin, interrogée par la CCI Paris Ile-de-France: "Annoncer ça la veille de l'ouverture des soldes, ça ne fait pas une bonne publicité pour les magasins..."


Attente de la reprise



"En volume, en 2020, la consommation des ménages en biens a baissé de 17% au mois de mars et de 34% au mois d'avril par rapport aux mêmes mois de l'année précédente, avant de se redresser en mai où elle n'était plus inférieure que de 8% par rapport à un an auparavant", souligne ainsi l'Insee dans son rapport.

Et cette déconsommation, ou cette consommation "frugale et responsable" comme l'analyse pour l'AFP Yves Marin, expert du secteur de la distribution au sein du cabinet Bartle, risque de durer.

Ainsi, selon une étude du cabinet de conseil BCG réalisée auprès d'un peu plus de 9.000 consommateurs en Chine, aux Etats-Unis et en France, "56% des Français attendent de forts signaux de reprise avant de se rendre à nouveau en magasin", quand les Chinois sont 49% à l'affirmer et les Américains 59%.

C'est le secteur du luxe et de la mode qui sera le plus touché en France, révèle encore cette étude: "34% des consommateurs prévoient d'y dépenser moins dans les six prochains mois". "Même constat pour l'habillement féminin (32% en France et 36% aux États-Unis) à l'exception de la Chine, paradoxalement très peu touchée (seulement 6% prévoient de dépenser moins)", ajoute-t-elle.

Ce ne sont pas les mesures sanitaires mises en place dans les points de vente - port du masque obligatoire, gel hydroalcoolique systématique, cabines d'essayage parfois inaccessibles - qui vont encourager le shopping.

L'Alliance du commerce avait demandé fin juin aux autorités d'alléger ce protocole sanitaire afin "d'inciter et de fluidifier le retour en magasin", comme c'est le cas dans les entreprises, explique à l'AFP Yohann Petiot, mais en vain.

Au contraire, le protocole a encore été renforcé: mercredi, le président Emmanuel Macron a annoncé que le masque deviendrait obligatoire dans les lieux clos à partir du 1er août.

"Pour les acteurs de notre secteur, la jauge d'une personne pour 4 mètres carrés de surface résiduelle et le placement à l'isolement des produits durant 24 heures rendent plus difficiles le parcours d'achat des clients et l'organisation en magasin", plaide M. Petiot.

Par Laure BRUMONT

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