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31 oct. 2017
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Luxe : comment affronter une croissance de plus en plus coûteuse ?

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31 oct. 2017

Qui aurait pu imaginer il y a tout juste quelques années que la sandale de luxe en caoutchouc deviendrait le « it-produit » de 2017, avec des ventes grimpant de 50 % pour atteindre un demi-milliard d’euros… Ce phénomène en dit long sur l’évolution actuelle d’un marché du luxe toujours plus dominé par les Millennials, poussant l’industrie du luxe à revoir radicalement ses stratégies.

Les sandales en caoutchouc, telles les Foam de Balenciaga avec Crocs, sont le nouveau symbole du luxe - Balenciaga

 
Exit le sac ou la montre ultra voyants et coûteux ! Les maisons n’ont plus peur de s’orienter vers le casual, voire le streetwear pour intercepter les générations X ou Y. La segmentation du marché, telle qu’elle fonctionnait il y  a encore peu, entre luxe accessible, luxe aspirationnel et luxe absolu, est révolue. Avec le Web s’est élargie la base de la clientèle, qui veut vivre avant tout aujourd’hui des expériences.
 
Avec leur pouvoir d’influence, les jeunes générations, qui représentent 30 % de ce marché, dictent les règles, comme l’illustre le rapport annuel « Worldwide luxury market monitor 2017 » publié par le cabinet Bain & Company pour le compte de la fondation Altagamma, qui réunit les entreprises du haut de gamme italien. A eux seuls, les Millennials ont généré 82 % de la croissance, c’est-à-dire des 12 milliards supplémentaires encaissés par l’industrie du luxe pour atteindre un total de 262 milliards d’euros en 2017.

« Le modèle a totalement changé. On n’achète plus un produit en tant que statut pour montrer qu’on appartient à l’élite, mais pour exprimer sa propre individualité et ses valeurs. Je suis ce que je choisis et non plus ce que je possède », résume Claudia D’Arpizio, partenaire de Bain & Company et auteure de l’étude. L’industrie du luxe est confrontée à un consommateur universel, que l’on peut difficilement segmenter. C’est un consommateur informé et sophistiqué, qui veut être chouchouté. Il veut être surpris lorsqu’il est chez lui et considéré comme un client local lorsqu’il est à l’étranger.
 
« Ce qui fait sortir l’argent du portefeuille, ce sont les émotions. C’est là que nous devons être extrêmement forts afin de surprendre le client à chaque moment, en continu. Le concept d’industrie mûre n’existe plus. Chaque mètre carré de magasin doit constituer une expérience. Il faut avoir la capacité de raconter en permanence une histoire incroyable », commente l’ex-patron de Luxottica, aujourd’hui à la tête de l’enseigne d'épicerie haut de gamme Eataly.
 

Le profil des consommateurs de luxe a radicalement changé - Bain & Company-Altagamma


« Tout cela modifie la stratégie des maisons de luxe, avec davantage de richesses et de différenciation dans leurs contenus. Il faut qu’elles soient authentiques et ne pas copier, tout en soignant les moindres détails avec un travail de merchandising très précis pour toutes les catégories de produit et de prix. Cette attention et ce soin extrême appliqués à tous les niveaux sont les nouveaux mots clés pour le luxe », estime Claudia D’Arpizio.
 
Les entreprises du luxe doivent instaurer un dialogue jouant sur l’inclusion et l’immersion, qui va se substituer au schéma monolithique et élitiste du passé. « Cela implique une clarté et une cohérence de l’image très fortes, ainsi qu’une intégration à travers tous les réseaux de vente et de contact, créant un écosystème interdépendant », note encore l’analyste.
 
Le marché compte 20 000 magasins de luxe implantés dans le monde. En 2012, on en ouvrait 1 000 en moyenne par an, aujourd’hui plus que 350. Mais l’étude montre comment la boutique reste un élément important pour l’expérience qu’elle peut offrir. Les ventes dans le canal retail ont ainsi progressé de 8 % en 2017. Tous les autres réseaux ont vu aussi leurs ventes croître, à l’exception des grands magasins, délaissés par les Millenials (e-commerce +24 %, boutiques spécialisées +5 %, multimarques +3 %, aéroport +12 %).
 
L’industrie du luxe reste très profitable puisqu’elle a cumulé en 20 ans 350 milliards de profits, avec une croissance moyenne annuelle de son résultat d’exploitation de 16 %. Mais créer de l’expérience, dialoguer et apporter davantage de soins à tous les niveaux a un coût.

La boutique joue un rôle fondamental pour offrir au client une expérience - Bain & Company-Altagamma


Comme le souligne Claudia D’Arpizio : « 65 % des 300 entreprises analysées dans le cadre de cette étude ont enregistré une croissance au détriment de leur rentabilité, car croître est devenu désormais plus coûteux. Nous sommes passés d’un business fait de dépenses d’investissement (capex) à un modèle, où les dépenses d’exploitation (opex) ont pris le dessus ».
 
Dans ce contexte et compte tenu des prévisions pour 2018, où il faudra composer avec un euro très fort, le conseil est celui de profiter de la liquidité actuelle avant la remontée des taux d’intérêt prévue à l’horizon 2019.

« Il faut obtenir le plus possible des ressources à long terme à des conditions favorables. C’est-à-dire dans les prochains 18 mois », conclut Vittorio Ogliengo, vice-président de la banque UniCredit, rappelant que les griffes sont en train d’engager d’importants investissements dans le retail, la filière de production, la logistique en vue d’une plus grande efficience, mais aussi dans l’analyse de données.

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