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Marguerite Capelle
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23 janv. 2019
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Maison Margiela Artisanal : l’exil à Paris de John Galliano

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Marguerite Capelle
Publié le
23 janv. 2019

Un matin parisien froid et humide, mais un défilé haut en couleur pour Maison Margiela Artisanal, à l’occasion duquel les murs de la maison du 11e arrondissement avaient été transformés en feu d’artifice de graffitis.


Maison Margiela Artisanal - Printemps-été 2019 - Photo: Maison Margiela/Instagram


Pas n’importe quels graffitis, mais une fresque mettant en scène un caniche bleu électrique, toiletté façon sellerie anglaise : le même canidé arpentait au petit trot de nombreuses silhouettes.

Il y avait beaucoup de choses admirables dans cette collection de Maison Margiela Artisanal, le terme utilisé par la marque pour désigner sa gamme couture. John Galliano a ouvert les hostilités dans un style chamanique chic, avec des manteaux déconstruits aux finitions brutes, ornés de pampilles et de mini-plumes, comme des versions en 3D du graffiti du décor… le tout coiffé de casques de rugby ajourés et de chapeaux de pécheurs indochinois. Du gender fluid avec une touche brute.

Au fur et à mesure que le défilé avançait, il était de plus en plus abstrait : qu’il s’agisse de robes du soir transgenres en patchwork, façon graffiti en photomontage (portées par de jeunes hommes aux yeux charbonneux) ou de capes en tweed Harris, rebrodées avec le caniche de John.

Le couturier britannique a ensuite changé brutalement de braquet en envoyant quelques pièces masculines à la coupe démente. Une veste d’équitation en tweed à épaules pointues avec des manches géantes, parachevée par une ceinture à gros grain et associée à des collants d’escrime, aperçus sur un jeune homme magnifiquement dépenaillé. Une robe manteau avec le même genre de manches et une coupe d’imper classique au niveau du torse, puis une série de manteaux en cuir moulants comme des gants, sans manches, de véritables camisoles de force ultra-chic dont on se demandait comme il était possible de les enfiler.

Les mannequins défilaient sur un podium orné de miroirs, qui ne reflétait que mieux le soin maniaque apporté à ces vêtements. La musique était littéralement assourdissante, s’ouvrant sur un « Knowing the ropes » frénétique par le Michael Nyman band and orchestra.

Provocant, agressif et très souvent sensationnel, c’était un défilé couture plein de force. Mais il lui manquait un élément clé, de ceux qu’on associe à John Galliano du temps de sa splendeur : une féminité enchanteresse. Depuis son départ de chez Christian Dior, à deux pas des Champs-Elysées, et son arrivée chez Margiela et son atelier du nord parisien, plus brut de décoffrage, c’est clairement une nouvelle vie pour John Galliano. Mais sa façon unique de réinventer la beauté féminine de manière théâtrale est de plus en plus absente dans ses défilés. Son déménagement parisien semblait aujourd’hui un exil, non seulement physique mais aussi créatif, loin d’une part essentielle de sa propre mode. Comme un archer parti à l’aventure avec un carquois où manquent plusieurs de ses meilleures flèches.

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