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Mode africaine : Bill Ruterana rêve d'imposer son "umugwégwé"

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25 févr. 2008

PARIS, 25 fév 2008 (AFP) - Du haut de ses 24 ans, le Rwandais Bill Ruterana a dans le regard la détermination des grands conquérants lorsqu'il parle de son "umugwégwé", une sorte de raphia qu'il rêve d'imposer à la mode internationale.


Bill Ruterana, le 22 février 2008 à Montreuil

"L'umugwégwé ne sert à rien, c'est pour cela qu'il y en a partout chez moi au Rwanda", sourit Bill, venu participer au Labo Ethnik World Fashion Show, vitrine de la mode africaine et caraïbe, dont les défilés multicolores ont animé le week-end à Montreuil, aux portes de Paris.

Si l'on en croit Bill, l'umugwégwé, suffisamment souple et long pour se laisser tisser et travailler, va rapidement gagner le monde. Bouilli, il prend toutes les teintures, et le jeune styliste rwandais en parsème discrètement ses créations : coiffes, manchons, pourpoint, gants.

L'umugwégwé a même constitué la base essentielle d'un des fleurons de sa collection, une robe de mariée agile, éthérée et majestueuse.

"C'est une mine d'or, cet umugwégwé", assure Bill. Amples et souples, ses superpositions et patchworks ethniques prennent leur envol avec cette sobre touche végétale de couleur. Bill aime à les appeler ses "toiles mobiles".

"Je suis venu à la mode par le dessin. Depuis tout petit, je ne faisais que des croquis, des esquisses. Puis de la peinture, je suis passé au stylisme. Les ciseaux ont remplacé les pinceaux".


Des modèles de Bill Ruterana défilent le 22 février 2008 à Montreuil

"Il faut un corps pour ajouter la mobilité à la toile, mais c'est d'abord une oeuvre d'art", explique Bill Ruterana, autodidacte complet qui touche également à la sculpture et à la bijouterie.

Né en République démocratique du Congo, Bill est rentré à Kigali à 10 ans en 1994, quelques mois après le génocide qui a fait environ 800 000 morts d'avril à juillet 1994, selon l'ONU, essentiellement des membres de la minorité tutsie.

"Il y avait encore des cadavres dans les champs ou dans les rues. J'ai des amis qui ont eu des mains arrachées par des mines, ça été très traumatisant pour un enfant de mon âge. Mais la vie l'a emporté", explique ce doux jeune homme au regard profond.

"Un atelier à Paris et 20 000 euros": voilà l'investissement dont rêve ce jeune créateur, qui a obtenu en 2005 à Niamey le Fil de Bronze du Festival international de la Mode africaine (FIMA) et dont "la passion n'a pas de limites".


Un modèle d'Alphadi défile le 22 février 2008 à Montreuil

Aux côtés de Bill Ruterana, les autres stylistes africains et antillais sont souvent dans la même situation, à la recherche d'une notoriété. Même si l'ouverture vendredi du Labo Ethnik a été confiée au Nigérien Alphadi, président et fondateur du FIMA organisé tous les deux ans à Niamey, et valeur sûre de la mode africaine.

Le "streetwear" de l'Ougandais Madoi Kasumba Lattif et du Français d'origine malienne Amadou Sidibé, les robes nouées de coton noir de la Mozambicaine Sandra Cardoso Muendane, dont le défilé, dans un silence de plomb, était baptisé "Douleur", les tenues de soirée de la Nigériane Data Okorodudu et les ensembles de soie sauvage chauds et sexy de la Camerounaise Anna Ngann Yonn ont magnifiquement illustré, tout au long du week-end, la richesse de la création des stylistes africains.

"Hybride, métissée, mais malheureusement méconnue", l'oeuvre de ces talentueux stylistes a surtout besoin d'une "visibilité", explique la coordinatrice de ce Labo Ethnik, Yvette Tai.

Et la jeune femme, avec son association Afrikevents, entend bien renouveler l'expérience l'an prochain et au-delà, en élargissant le plus possible ses défilés multiculturels, notamment aux créateurs asiatiques.

Par Jean-Hervé DEILLER

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