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1 oct. 2020
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Mode enfantine : trois jeunes labels détaillent leur parcours et ambition en pleine crise sanitaire

Publié le
1 oct. 2020

Ecrire les premières lignes de son histoire en plein cœur d’une crise sanitaire mondiale, c’est le défi que sont en train de relever trois jeunes griffes de mode enfantine. Il y a d’abord Cocon Fair qui s’est lancée en février 2020 sans se douter qu’un mois plus tard le coronavirus paralyserait le monde et son économie, il y a ensuite Blousette née à vitesse grand V en plein confinement et enfin Elémentaire Paris, une marque très engagée qui a vu son lancement retardé par l’épidémie. Ces trois jeunes griffes d'habillement pour enfant bravent chacune à leur façon le contexte sanitaire et économique avec un dénominateur commun : proposer une mode plus responsable. 


Cocon Fair et ses robes vendues 79 euros


C’est à la naissance de sa fille en 2018 que Laetitia Blanchet a eu envie de mettre derrière elle sa carrière de responsable des ressources humaines dans l’industrie pour créer sa propre marque. Une marque de vêtements pour les tout-petits qui serait écoresponsable et fabriquée en France. Cocon Fair a ainsi vu le jour en février dernier. Le label propose des blouses, bloomers, robes et barboteuses en gaze de coton Oeko-tex fabriqués dans un atelier de Troyes dans l’Aube. "Le 'Made in France' est un vrai parti pris : la proximité et les échanges réguliers avec tous les fournisseurs permettent de nouer une relation de confiance dans un esprit familial. Faire perdurer un savoir-faire textile français et de qualité est l'une de mes préoccupations", explique Laetitia Blanchet dont les collections délicates s’adressent aux bébés de 6 à 24 mois. Cocon Fair, dont les packagings sont 100% compostables, recyclés et recyclables, propose également quelques pièces pour femmes et depuis quelques semaines pour les enfants jusqu’à huit ans.

Privilégier la fabrication locale

Car la crise du coronavirus n’a pas modifié les plans de ce tout jeune acteur de la mode enfantine qui est aujourd'hui distribué exclusivement via son e-shop. "Quand on est entrepreneure il faut savoir s'adapter car notre quotidien est semé d'embûches. Nous passons par diverses émotions et états dans un laps de temps réduit, un peu comme les montagnes russes. La Covid-19 a certes compliqué encore plus les choses, et surtout l'approvisionnement de matières, de tissus, de boutons, même si la plupart viennent de France mais j'ai la chance d'avoir un atelier très flexible et de grande confiance qui a tout fait pour moi afin de rattraper ce retard et de faire en sorte de présenter une collection automne hiver 2020/21 à temps", détaille Laetitia Blanchet, qui a toutefois été confrontée en mars à la fermeture définitive de son premier atelier. La cheffe d’entreprise explique alors qu’elle a dû garder la tête froide et être réactive. Et le coronavirus ne l'a d'ailleurs pas empêchée de lancer tout récemment des pièces enfants : ce qu’elle ne faisait pas "avant la crise".


Blouse signée Blousette de 45 à 49 euros


Un frein à son développement subsiste tout de même, celui du coût de la confection française qui réduit le nombre de revendeurs. "Produire en France est ce en quoi je crois pour le moment pour Cocon Fair mais je ne me ferme aucune porte pour l'avenir car il faut savoir être flexible", conclut Laetitia Blanchet, dont l’entreprise fonctionne aujourd’hui sur fonds propres et qui souhaite désormais chercher des financements.
 
Autre naissance, celle de Blousette, une griffe née en plein confinement sous l’impulsion de Chadia Spahija. Cette mère de quatre enfants, ex-directrice du pôle mode de l’agence de presse Pascale Venot a ouvert en janvier dernier les portes de sa propre agence Screen Agency. "Lorsqu’est arrivé le confinement, j’ai vraiment vécu ma meilleure vie, comme une pause 'forcée' dans mon parcours à 200 à l’heure. J’ai pu profiter de mes enfants, ma famille, de moi ce qui m’a aussi permis de développer mon côté créatif", explique Chadia Spahija. Sa créativité mais aussi ses angoisses de voir retourner ses enfants à l’école dans un contexte de crise sanitaire ont donc permis à Blousette de voir le jour. Le concept ? Des petites blouses d’écoliers dans l’air du temps, qui une fois la journée de classe terminée se replient sur une poche intérieure, un nouveau geste d’hygiène, explique Chadia Spahija, qui n'hésite pas à parler de "génération Covid-19".

Une mode enfantine qui favorise l'apprentissage des gestes d'hygiène



"De jolies vêtements d’école, avec un vrai concept, une vraie plus-value. En tant que maman de 4 enfants, j’étais sûre de la nécessité de la marque ! J’ai donc commencé à travailler sur les modèles, les tissus, je me suis mise à la recherche d’un atelier parisien, à la fois pour garder cette fabrication française qui faisait complètement sens à la sortie du confinement. Une des contraintes que j’ai pu rencontrer, c’est que lorsque j’ai voulu lancer les productions, il m’a été très difficile de trouver un atelier disponible, ces derniers étant très sollicités par la confection des masques", raconte Chadia Spahija qui a travaillé en accéléré sur ses fonds propres pour ne pas rater la rentrée des classes.  

T-shirt, hoodie et culotte Elémentaire Paris


Dans le paysage de la mode enfantine très concurrentiel qui, selon Kantar, en 2019 a accusé un recul de 2,1% et de 2,7% pour le bébé, Chadia Spahija se voit un peu comme une marque hybride. "J’ai gardé tous les codes de la mode, avec des collections, différents modèles mais en même temps c’est un vêtement 'utile' qui devrait même faire partie des gestes barrières de nos enfants", explique l’entrepreneure soulignant que Blousette vient compléter une offre existante.

La marque, qui dispose d’un e-shop, a déjà reçu un bel accueil médiatique passant notamment dans l’émission Les Maternelles sur France 4. La petite entreprise doit désormais être pérennisée pour grandir et passer au stade de l’industrialisation des productions pour répondre à la demande. "Je ne pensais pas être aussi vite plébiscitée par les influenceuses mamans, les parents ou même des grands magasins", conclut Chadia Spahija.
 
Elémentaire Paris est à contrario un projet qui a longuement infusé. Cette marque de mode enfantine, responsable et engagée, est le fruit de la réflexion de Nardjisse Ben Mebarek ancienne de l’agence de prospectives NellyRodi. "Mon déclic s'est fait lorsque j'étais chez NellyRodi où j’étais directrice du digital de 2016 à 2019. J'ai copiloté avec la directrice de la mode une étude sur la mode et l'innovation en 2018 et j'ai été inspirée par des modèles d’entreprises à impact comme celui de Patagonia, Everlane ou Loom, qui illustrent le fait que l’on peut coupler un modèle économique avec des enjeux sociétaux ou environnementaux ", détaille Nardjisse Ben Mebarek.
 

Créér des modèles économiques engagés 



Cette maman d’une fillette de six ans souhaitait également proposer une alternative abordable aux enseignes de fast-fashion. "En tant que consommatrice, je me suis aussi rendue compte aussi que si je réinventais ma consommation de mode ou de beauté en allant vers plus de naturel ou de bio, je continuais à me diriger vers la fast-fashion pour ma fille, notamment pour des questions de budget. Un budget qui peut grimper très vite quand on a plusieurs enfants". C’est ainsi qu’a vu le jour Elémentaire, une entreprise à mission articulée autour d’une marque pour enfants de basiques responsables mais aussi d'un fonds de dotation Elémentaire Foundation créé aux côtés de Stéphane Couchoux, avocat spécialiste du mécénat chez Fidal. "Nous allons ainsi pouvoir accompagner des projets liés à l'égalité des chances des 3/12 ans et encourager nos clients à s'investir à nos côtés. Dès octobre 2020, nous financerons deux projets d'associations qui s'engagent sur l'égalité des chances", détaille Nardjisse Ben Mebarek.
 
Si la crise sanitaire a conforté l'entrepreneure de la nécessité de s'engager et d'être solidaire, elle a aussi retardé le lancement de sa marque, notamment en raison de l’impact sur la production. Nardjisse Ben Mebarek s’estime cependant heureuse car "contrairement à certains entrepreneurs, je n'ai pas perdu d'argent, pas dû mettre des équipes au chômage partiel ou fermé boutique", explique-t-elle. Et lorsque son fabricant initial l'a laissé tomber du jour au lendemain elle a rapidement trouvé une PME basée au Portugal et animée uniquement par des femmes.
 
Pour son lancement ce vendredi 2 octobre Elémentaire Paris proposera des semainiers et ensembles découverte de culottes et de boxers pour enfants ainsi qu'un accessoire en édition limitée à la précommande. Dès la fin octobre et au rythme d'une fois par mois, de nouvelles pièces, hauts et bas faciles à associer seront disponibles et ce uniquement via son e-shop.

Un canal incontournable le Web prend encore plus d'importance à l'heure où le trafic des chaines de mode pour enfants de centres villes et de centres commerciaux enregistre une forte baisse. Selon Kantar la part de marché de ces enseignes s'est établie à 29,7% de janvier à juillet 2020, contre 33,9% sur la même période en 2019. Si les grandes surfaces alimentaires et les soldeurs ont tiré leur épingle du jeu, les indépendants ont minimisé les pertes. Un indicateur plutôt positif  pour ces jeunes labels qui s'implantent tout juste sur le marché de la mode enfantine. Un marché qui, selon Nardjisse Ben Mebarek, reste très concurrentiel mais assez uniformisé, "à mon sens il a besoin d'être dynamisé", conclut-elle.

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