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Naco: "Les commerciaux ont poussé les marques dans l’horreur"

Publié le
7 juin 2013

Naco

Salon lillois de l’habillement et accessoires, Collections a confié pour son édition printanière son espace tendance au styliste parisien Naco. Ce dernier a relevé le défi de réconcilier créatifs et industriels. Deux univers qui se sont selon lui depuis trop longtemps perdus de vue.

FashionMag - Quel est votre objectif avec cette collaboration singulière?
Naco - Collection m’a donné carte blanche pour présenter et mettre en avant le travail de ses exposants. L’idée de donner une autre vision de ces produits qui viennent vraiment de l’industrie pure et dure. Nous avons essayé de confronter le très créatif que je suis avec le très industriel qu’ils sont, pour en faire un beau mélange. L’un comme l’autre, on a tendance à oublier que le créatif ne peut réaliser ses pièces sans industriel, et l’industriel sans créatif tourne en rond. Ici, on applique des idées radicales sur des produits industriels.

Fmag - Quel regard portez-vous sur les salons, où les marques doivent justement savoir se démarquer?
Naco - Il y a une énorme confusion. Et cela se voit sur les salons comme dans la rue: on ne voit plus la différence entre les boutiques de l’avenue Montaigne et les enseignes. La même vitrine, le même display, le même packaging… On ne sait plus qui a copié l’autre (même si j’ai une vague idée). Tout cela rend l’ensemble confus dans l’esprit du consommateur. Pour rétablir cela, il faut selon moi presque faire du cas pas cas, donner l’impression du sur-mesure. Notamment via le recyclage. Il faut donner plus de valeur au travail industriel.

Fmag - Quels seraient vos conseils aux marques pour renforcer cette valeur?
Naco - Aux jeunes marques, en ce moment, je leur dirai déjà d’attendre un peu avant de se lancer, car le climat est compliqué. Mais le plus important est de ne pas oublier que, à la base, il y a le créatif. Or cette notion est en train de se perdre. Il y a des gens qui élaborent des collections juste en ouvrant des magazines. Ce sont les commerciaux qui font les collections. Or ils veulent ce qui s’est très bien vendu l’année d’avant. Si on écoutait les commerciaux, on porterait encore des peaux de bêtes. Cela ne peut pas marcher. Il y a donc un moment où il faut faire confiance aux créatifs.

Fmag - La crise a-t-elle aggravé le phénomène?
Naco - Avec la crise, les commerciaux ont poussé les marques plus loin dans l’horreur. C’est peut-être en train de bouger un peu, suite aux récents carnages dans les pays de fabrication. Mais ils se sont plongés dans la course à la baisse des coûts. Je connais les prix de production selon les pays. Quand je vois en vitrine à Opéra une robe vendue moins chère que le mètre de tissu, il y a forcément quelqu’un qui a été peu payé dans l’histoire. Et pourtant: ma marque existe depuis 13 ans. Lorsque la crise a commencé, nous avons développé des pièces peintes à la main, uniques et numérotées. On n’en a jamais vendu autant que depuis le début de la crise. Cela veut bien dire quelque chose! Même si, au départ, ces pièces étaient des basiques, on leur a apporté un supplément d’âme. Et cela a répondu à une demande du consommateur.

Fmag - Allons-nous vers un ras-le-bol des basiques?
Naco - Je pense qu’il y aura toujours une place pour les basiques. Mais surtout s’il est de bonne qualité, fabriqué dans un pays réputé, et vendu au bon prix. Je fais tout pour insuffler cela. Car une partie des gens en ont assez. Lorsqu'on est accueilli en boutique par un portant rempli d’une même pièce déclinée en tailles et couleurs, cela ne donne pas envie. Je pense même, à plus long terme, que nous assisterons au retour des couturières. Reste qu’il y aura toujours des T-Shirts blancs basiques. Et les créatifs peuvent aider les marques à les rendre plus intéressants.

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