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23 oct. 2017
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Peclers veut remettre les marques sur le chemin du sens

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23 oct. 2017

Comment redonner envie aux consommateurs, et notamment aux Français, de consacrer un budget plus conséquent à la mode ? Une question naturelle qui découle d’un constat simple : la part du budget des ménages français relative à l’habillement est passée de 7,6 % en 1980 à 3,8 % en 2016. Pour Eric Duchamp, président du cabinet de prospective Peclers Paris, il faut analyser ce qui séduit davantage les consommateurs chez les nouveaux concurrents des marques de mode. « Aujourd’hui, ce qui concurrence les acteurs de l’habillement, c’est Easy-Jet, une agence de voyages, un abonnement yoga… Des marques axées sur la culture ou la technologie qui sont porteuses de sens, ce que la mode a sans doute perdu », estime-t-il.


Lonely, la marque de lingerie néo-zélandaise en rupture avec les codes des "égéries traditionnelles" - Lonely

 
Peclers affirme donc que les marques doivent aujourd’hui s’emparer de cette question, car c’est sur ce terrain qu’elles auront le plus de chance de se distinguer, partant du principe que la bataille de la fast-fashion, du prix plus bas, ou même des basiques éternels est trustée par les grands acteurs que sont Zara, Primark ou encore Uniqlo.
 
Pour comprendre où se situent les marques de mode dans cette "bataille du sens" qu’elle veut mener, l’agence Peclers s’appuie sur un sondage confié à Kantar. Réalisé en ligne auprès d’environ 2 000 femmes et hommes français, celui-ci teste la perception qu’ils ont d’un panel de 25 marques représentatives du marché. Ce sont leurs performances sur des critères comme la générosité, la singularité, l’authenticité, la transparence, la proximité avec le client, la capacité à aider celui-ci à s’affirmer, ou encore l’impact social et environnemental qui ont été interrogées.

Le constat de ce sondage : il y a beaucoup de marge de progression sur ces différentes thématiques liées au "sens". Si l'agence ne souhaite pas communiquer publiquement les noms des marques et leurs performances, la majorité des scores se situent entre 50 et 60 sur 100, des notes "moyennes" sur presque tous les sujets. Un raison d’être "optimiste" selon Eric Duchamp, qui trouve également positif que les leviers à actionner en la matière soient nombreux.


Exemples de scores moyens de perception des marques - Kantar-Peclers


Lesquels sont-ils ? Le cabinet Peclers avance plusieurs pistes pour permettre aux marques d’entrer "en résonance" avec la quête de sens des clients. La première phase du travail, probablement déjà engagée par une partie des marques de mode, consiste à identifier la ou les valeurs sur lesquelles s’appuyer pour proposer un nouveau discours de marque, plus vrai et surtout plus consistant aux yeux des consommateurs. Pour Aude Legré, responsable du pôle stratégie de marque de Peclers, les marques se sont globalement trop focalisées sur l’offre, faisant « l’impasse sur le fait que les achats sont aujourd’hui davantage guidés par l’émotion que par le besoin ».
 
Le cabinet a donc identifié trois grandes thématiques sur lesquelles il est possible de s’appuyer, sans bien sûr toutes les enclencher à la fois, car l’overdose de mode subie par les consommateurs tient également à la profusion des messages. Le premier "levier de sens" pourrait ainsi être résumé à une "affirmation de la singularité". L’agence cite pour cela plusieurs types d’actions, comme le fait de renouveler les représentations de la mode, en s’ancrant dans la vraie vie, avec des scènes et des personnes du quotidien, mais aussi en cassant les codes de beauté traditionnels. Les initiatives de personnalisation de l’offre s’inscrivent également dans cette démarche, permettant au client de se sentir davantage considéré par la marque, qui lui offre un terrain d’expression. Les réseaux sociaux sont également un terreau fertile pour lui donner la possibilité d’être soit acteur de l’histoire d’une marque, soit du moins un observateur privilégié avec le sentiment d’appartenance à une tribu ou une proximité avec les fondateurs, par exemple.
 
L’autre grande aspiration identifiée par cette étude, c’est la quête d’hyper-vérité. Pour Aude Legré, il ne s’agit pas forcément d’une transparence totale, mais plutôt « réenchantée, d'un scénario sublimé ». « Ce sont des repères plus émotionnels que rationnels, explique-t-elle. C’est plus une sensation d’être dans l’authenticité que des faits très précis », mais « sans tomber dans le greenwashing par exemple ». Une approche pouvant paraître paradoxale donc, mais selon elle désormais obligatoire pour les marques.


Autre séries de scores des marques sur le thème de la transparence - Kantar-Peclers

 
Cela signifie, selon l’étude, que les marques doivent s’engager autour d’une cause qu’elles font résonner, comme Stella McCartney, citée en exemple le plus poussé. Pour s’affirmer, les marques peuvent également mettre en avant un ancrage local, culturel ou historique, comme Jacquemus et ses racines méditerranéennes, ou encore se positionner en premier spécialiste d’un savoir-faire bien particulier. Le cabinet fait par ailleurs référence aux nouveaux acteurs qui prônent la transparence autour de leur fabrication ou de leur politique de prix, comme l’Américain Everlane ou le Français Maison Standards, mais aussi au niveau de leur impact social et environnemental, expliquant leur démarche pour réduire celui-ci.
 
Enfin, dernière grande tendance de fond selon l’étude de Peclers : l’émotion comme vecteur de sens. La quête d’un ressenti, d’un achat "sensible" pourrait notamment passer par une plus grande audace, une capacité à surprendre d'un point de vue créatif le consommateur de manière régulière. Surprendre également dans une industrie de la profusion en proposant justement une sélection très resserrée, un discours mode extrêmement précis, et enfin, comme préalable à cette "re-création" d’émotion, le cabinet pose comme condition une saisonnalité repensée. Un thème déjà largement abordé par les marques, parfois peut-être trop timidement, là où un geste fort serait marquant pour la clientèle.  
 

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