Traduit par
Marguerite Capelle
Publié le
3 mars 2022
Temps de lecture
7 minutes
Télécharger
Télécharger l'article
Imprimer
Taille du texte

Pietro Beccari nous parle du nouvel "univers" Dior, au 30 Avenue Montaigne

Traduit par
Marguerite Capelle
Publié le
3 mars 2022

"Ce n’est pas une simple boutique. C’est l’univers de Dior", déclare le PDG Pietro Beccari, qui va rouvrir le berceau et magasin phare de la marque ce dimanche 6 mars, après trente mois de travaux de rénovation. 


La façade de la boutique DIOR - Photo: Courtesy of Dior



Situé pile au centre du principal axe du luxe français, l’avenue Montaigne, cet univers inclut non seulement une boutique de mode et d’accessoires savamment éclairée, mais aussi un salon Haute Couture, une pâtisserie Dior et un restaurant Dior, qui propose au menu les recettes de Monsieur Dior en personne. Le tout décliné avec ingéniosité dans différents tons de blanc, grâce au maître de l’architecture commerciale Peter Marino, qui a parsemé les espaces d’œuvres d’art, de citations de Monsieur en néon, et de superbes toiles représentant des looks Dior emblématiques.

De plus, grâce à une série d’astucieux gestes architecturaux, le magasin se voit doté comme par miracle de deux nouveaux jardins, l’un pleinement ouvert sur l’extérieur, tandis que le deuxième occupe un espace vitré très haut de plafond, au coin de la rue François 1er.

Les fans de Dior pourront aussi se régaler des grands moments de cette griffe historique dans La Galerie: 13 salles racontent l’histoire de la maison, en commençant par la naissance de Monsieur Dior, puis la faillite familiale, le lancement de sa propre maison de mode et les débuts historiques du New Look. On y découvre également les grands moments de ses six successeurs: Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferré, John Galliano, Raf Simons et Maria Grazia Chiuri. La Galerie ouvrira mercredi prochain.


L'intérieur de la boutique DIOR - Photo: Courtesy of Dior


Nous avons donc visité ce nouvel univers mardi matin, avec Pietro Beccari et des clients VIP déjà présents dans la boutique, alors que les ouvriers mettaient la touche finale. Pietro Beccari fait figure d’ancien chez LVMH, et c’est le plus dynamique des cadres du groupe. Connu pour ses phénoménales capacités de travail, cet italien a repris le flambeau chez Dior en 2018, après sept ans aux commandes de Fendi, sur la fin de l’époque Karl Lagerfeld, puis six années chez Louis Vuitton, où il était à la manœuvre de la fameuse campagne Journeys, avec des stars comme Maradona ou Gorbachev.

Après cette visite privée, nous nous sommes installés dans le salon d’époque de Monsieur, parmi les toiles de Renoir et les illustrations de Christian Bérard, pour recueillir les dernières infos de Pietro Beccari sur l’ouverture la plus attendue de l’année dans le monde du luxe.


Photo: Courtesy of Dior


  
FashionNetwork.com: Pourquoi était-il important de rénover ce magasin phare ?

Pietro Beccari: C’est plus qu’une rénovation. Nous parlons de renaissance. Parce que l’espace était complètement différent, avant, par rapport au passé, et il sera désormais encore différent pour l’avenir. Quand on arrive chez une marque comme Dior, qui a été extrêmement bien gérée par Sidney Toledano (ex-PDG de Dior) et M. Arnault (président et actionnaire majoritaire de LVMH ndlr), on essaie de se demander quelle touche personnelle on peut apporter !

Trois mois après mon arrivée, j’ai donc suivi mon intuition. C’est important de ne pas trop réfléchir: est-ce que ça risque de coûter trop cher ? Est-ce qu’on a la capacité économique de le faire ? Bla bla bla. Et on ne s’attendait pas à la crise du siècle, avec le Covid ! Mais c’est la maison, la vraie. C’est là où Monsieur Dior a déclaré vouloir travailler, ici et nulle part ailleurs.

Le luxe investit de drôles d’endroits – le metaverse, les avatars numériques. Alors on voulait créer une expérience unique. Déplacer les paramètres du luxe d’aujourd’hui … et le luxe d’aujourd’hui est expérientiel. C’est pour ça que vous venez ici, pour découvrir l’incarnation physique de l’ADN Dior. Pour y voir Mr Dior à son véritable bureau, son monde et la cabine d’origine de ses mannequins. Un mélange de tradition et de modernité, d’art et d’âme, de lifestyle avec un restaurant et une boulangerie, de mode et aussi de savoir-faire.
 
FNW: Du savoir-faire?

PB: Oui, puisque nous allons réserver les 5ème et 6ème étages aux ateliers de Haute Couture. Et au 7ème, nous avons 15 personnes de plus, dans un atelier de joaillerie de luxe tout neuf. Et on va encore trouver de la place quelque part au septième pour un atelier où des tailleurs réaliseront des costumes d’hommes sur-mesure.

FNW: Quel a été le niveau de difficulté de ce projet ?

PB: Quand j’ai dit à Bernard Arnault qu’il fallait fermer, en juillet 2019, c’était une grande décision vu la taille du magasin. Et les travaux ont duré deux ans et demi. Nous avons même creusé un nouveau sous-sol. Je n’ai pas dormi de la nuit ! J’avais l’habitude de venir le dimanche, pour voir cet énorme chantier, ce gros trou dans notre bâtiment ! Je ne remercierai jamais assez Bernard Arnault pour m’avoir laissé faire une chose pareille.

FNW: Quelles sont les principales innovations ?

PB: Et bien, il y a beaucoup de technologies numériques, qui vous permettent de payer à distance avec votre carte de crédit sur le téléphone portable. Et je crois que nous serons le seul magasin au monde où vous pourrez détaxer sur place, sans avoir besoin de faire la queue plus tard.

Nous avons aussi des informations en temps réel sur ce qui est essayé dans nos neuf cabines. C’est aussi un bâtiment qui ne dort jamais. Dans la boutique, qui fait 2.000 mètres carrés, nous comptons 120 employés, puisque nous sommes ouverts sept jours sur sept. Il y a deux sous-sols avec les stocks, les vestiaires et la cuisine. Nous avons 40 coursiers et des gens qui s’occupent de l’approvisionnement en interne. Pendant la semaine, je discute avec toutes sortes de professions: des jardiniers, des pâtissiers, des plongeurs, des portiers, des maîtres d’hôtel, des programmateurs et des architectes.
  
FNW: Quelles consignes avez-vous données à Peter Marino?

PB: Ouverture, clarté et jardins ! Et je dois dire qu’il a tout compris. Obtenir le jardin d’hiver a été très difficile. Il a fallu conquérir cet espace, faire une demande à la Mairie et obtenir l’accord de tout le monde. Mais je pense que c’était vital, et approprié vu l’amour que Monsieur Dior portait aux jardins.
 
FNW: Qu’est-ce que Peter Marino a apporté de particulier ?

PB: Il est plus dingue que moi, alors on partage ça, et on s’amuse. On débat, et on n'est pas toujours d’accord – mais on a des résultats. Peter a une culture incroyable, c’est un véritable gourou. Ce qui nous aide, nous et lui, à trouver d’excellentes idées. Et il est super pour changer les matériaux sans modifier l’environnement. Son vocabulaire visuel est unique.
 
FNW: Combien est-ce que tout ça a coûté?

PB: Même M. Arnault n’a pas posé cette question ! Mais d’après ce que je sais, ce n’était pas assez. Au final, rien que Dior ne puisse pas se permettre. 

FNW: Quel chiffre d’affaires annuel attendez-vous pour cette boutique?

PB: Et bien, les plus grandes enseignes Chanel, Hermès and co dépassent les 100 millions d’euros par an. Nous visons donc dans cette fourchette.
 
FNW: Quelle image voulez-vous que les gens emportent avec eux ?

PB: J’ai dit à mes managers que je voulais que les clients repartent avec Dior tatoué dans la peau. Nous avons créé un espace pour partager des valeurs, raconter une histoire. C’est l’incarnation physique du goût Dior, et de ce que nous aimons. Je veux donc le transmettre avec enthousiasme.

FNW: Qu’en penserait Mr Dior ?

PB: Je crois qu’il serait très fier de voir que son héritage est entré dans l’ère moderne. Son immeuble d’origine du 30 Avenue Montaigne sert de façade à la boutique. Sa cabine de mannequins a été restaurée à l’identique. On peut voir son bureau, sentir sa présence. Il a toujours dit qu’il aurait voulu être architecte, alors il adorerait cet endroit.
 
FNW: Qu’a dit BA (le terme employé par les équipes LVMH pour désigner Bernard Arnault) quand il l’a découvert ?

PB: Wahou et Mon Dieu! Il est complice de ce projet. Il a arpenté cet espace à maintes reprises, avec un enthousiasme qui est venu très naturellement. Un tango, ça se danse à deux. Car c’est une grosse prise de risque, un gros pari.
 
FNW: Quand pensez-vous terminer votre nouveau QG sur les Champs-Elysées?

PB: Fin 2023, j’espère, ou début 2024. Tout se passe très bien. Ce QG est une étape importante, puisqu’on a déplacé 500 personnes de l’Avenue Montaigne, et qu’il y a au total 1.000 employés éparpillés dans Paris. Pas croyable: on est 2.000 !
 
FNW: Pourquoi avoir choisi Jean Imbert comme chef ?

PB: Parce qu’il est jeune, fun et plein d’énergie. Et puis de tous les projets présentés, celui de Jean était le plus proche de l’esprit de Monsieur Dior. Il a eu l’idée d’un concept, utiliser des recettes de Monsieur Dior, un grand gourmand qui a écrit un livre de cuisine.    
 
FNW: Pouvez-vous résumer vos sentiments alors que cet énorme projet ouvre enfin?

PB: Et bien, pour être honnête, ça m'a pas mal coûté, physiquement. Je travaille sans arrêt, et suis généralement au bureau à 7h du matin. Mais depuis une semaine, c’est 5h45. Je n’ai que 55 ans. Mais je devrais peut-être prendre ma retraite maintenant !
 

Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 FashionNetwork.com