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19 oct. 2021
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Quand le Made in France donne des ailes au retail

Publié le
19 oct. 2021

“Je n’ai jamais été aussi sollicitée et reçois au moins cinq demandes de marques par jour, confie Emilie Auvray, cofondatrice avec David Rémy de L’Appartement Français qui jongle avec une cinquantaine de marques chaque saison. La capacité de production est là et la demande augmente mais il y a encore peu d'offres retail.” Pour le duo, qui a pris le pari depuis 2017 de donner la vedette à une consommation plus raisonnée autour d’une offre locale et made in France, en ouvrant d’abord une boutique éphémère avant de s’installer au 27 Rue du Bourg Tibourg à Paris (IVème), la clientèle est grandissante.


Emilie Auvray et David Rémy, fondateurs de L'Appartement Français à Paris.


Ainsi, selon un sondage OpinionWay pour l’agence Insign*, 81% de Français interrogés en période de confinement affirment qu’ils pourraient acheter moins de produits en quantité afin de se tourner vers un produit fabriqué en France. En outre, 70% du panel d’interrogés sont aussi prêts à débourser 7 euros de plus pour un tee-shirt made in France et 94% d'entre eux envisagent de consommer, ou d’acheter un produit fabriqué en France à la sortie de la crise sanitaire.

Que ce soit pour limiter l'empreinte carbone, soutenir l'économie locale et l'emploi ou comme gage de qualité, le Made in France fait bien partie des tendances fortes qui s’installent dans les nouvelles habitudes de consommation.

“Quand nous nous sommes lancés en 2017, il devait y avoir une dizaine de boutiques en France qui étaient sur ce créneau, explique Emilie Auvray. On sentait un début d’engouement. En parallèle, le salon du Made in France, MIF Expo, est également un indicateur intéressant. Sur place, on a vu l’offre s’étoffer et surtout le salon grandir, de quoi susciter des vocations".

Et aujourd'hui, en octobre 2021, Emilie Auvray recense une trentaine de boutiques indépendantes à travers l’Hexagone, distribuant uniquement des fabricants et marques françaises. Fier comme un Coq à Meaux (77), L’Habit Français à Paris, Les Trois Cocottes à Pont-L’Evêque (14), Mademoiselle France à Nantes, Oh Pardi ! à Talmont-sur-Gironde (17), w.a.n à Bordeaux, l’Etal de l’Hexagone à Tarbes (65), Cokorico à Châlons-en-Champagne (51), L’Atelier Français à Vence (06) ou encore CQFD à Avignon, les exemples se multiplient à tel point qu’Emilie Auvray a eu l’idée de fonder Le Collectif des boutiques Made in France en avril 2020 lors du premier confinement.

“Face à l’arrêt total de l’économie, l’idée nous est venue de nous regrouper et d’unir nos forces, explique Martial Bournel Bosson, responsable communication du Collectif et fondateur de la boutique Altitude 750 à Morteau (25). Monter des actions, communiquer ensemble, se retrouver au moment du MIF Expo et y dévoiler sur le prochain (11-14 novembre 2021) les chiffres référant à notre marché et à la trentaine de boutiques multimarques indépendantes que nous représentons avec les 300 marques de fabricants français que nous distribuons, voilà ce qui nous anime !”, résume t-il.



L'Habit Français valorise le made in France depuis 2019 dans le quartier de l'Odéon à Paris.


“Enfin, on se regarde un peu plus le nombril et cela fait du bien, poursuit Martial Bournel Bosson, dont la boutique existe depuis trois ans. Le Made in France est un secteur qui a véritablement le vent en poupe et je vous dis cela alors que j’ai traversé les épisodes des Gilets jaunes, des grèves et le Covid. Le commerce est en pleine mutation, il y a un train à prendre”, assure celui qui distribue des marques comme Le Slip Français, La Gentle Factory, Saint James aux côtés d’articles art de vivre griffés Durance, Emile Henry ou Peugeot Saveurs ou encore les bijoux Les Mots Doux.

“Tout est une affaire de positionnement, poursuit Elisabeth de Kerautem qui a ouvert Mademoiselle France en novembre 2019 à Nantes. Dans la ville, nous sommes plusieurs à être sur le créneau du made in France, nous échangeons entre nous et chacun à son positionnement.” Avec une approche plutôt rétro et cadeau, Mademoiselle France ne fait pas de prêt-à-porter. “La boutique est trop petite (35 mètres carrés) et j’ai cette approche caverne d’Alibaba où, à tous les âges, on peut trouver un produit qui nous parle, explique t-elle. Le sourcing est mon argument numéro un. J’explique tout: de la région, à la fabrication, au savoir-faire, je ne cherche pas forcément que les marques qui font le buzz.” Peluches venues de Bretagne, vaisselle de la faïencerie de Varages dans le Haut Var, box repas Bento fabriquées près de Clermont-Ferrand, chaussettes tricotées en Bourgogne ou encore jeux Mako Moulage relancés en France, articles phare de la boutique, l’éclectisme est de mise (plus de 60 marques au total) mais fait son effet. 

“L’année 2020 a été compliquée et j’en ai profité pour lancer le site web et développer les coffrets d’entreprises en misant sur le sur-mesure et la différenciation", poursuit Elisabeth de Kerautem. Résultat, la gérante a enregistré 15 commandes journalières sur son e-shop d'octobre à décembre et surtout a écoulé plus de 700 coffrets de Noël en trois mois. “Le sourcing est une carte très importante de mon métier, il m’a permis de faire gagner du temps aux entreprises et a surtout sauvé ma trésorerie lors du troisième confinement où je n’ai pas eu à demander un prêt garanti par l'État.”

A Paris, L’Appartement Français mise quant à lui sur un univers 100% mode au féminin et au masculin. “Nous sommes à la fois un lieu de vie digital et physique qui propose 80% de prêt-à-porter et 20% d’accessoires, détaille Emilie Auvray, cofondatrice des lieux. Notre force est notre capacité à habiller de la tête aux pieds nos clients avec des marques pointues.” Parmi la cinquantaine de noms dont certains se renouvellent sans cesse figurent des incontournables comme 1083, Kiplay, La Gentle Factory, les jeans Dao, Les Récupérables, Splice, le tricoteur B.Solfin, les baskets Baron Papillon… “Ce qu’il faut savoir quand on vend du made in France c’est que les marges sont toutes petites, confie t-elle. Du coup, il faut trouver le bon emplacement de boutique avec un loyer abordable. La présence digitale est incontournable mais sert surtout à faire du web to store et c’est finalement dans notre lieu physique que tout se fait. Un client peut rester deux heures à essayer et trouver le bon modèle de jean, c’est ça notre force.”


La boutique Mademoiselle France à Nantes.


Quant aux plateformes et marketplaces qui visent à valoriser le made in France sur le web, elles manquent encore de poids. Baptisées Cocote, Mon achat français, Mamie Paulette ou encore Le Site du Made in France, plateforme tout juste lancée qui ambitionne de "révolutionner l’accès aux produits Made in France et rendre leur consommation majoritaire". Conçue comme un moteur de recherches, celle-ci ne vend pas directement les produits mais redirige les utilisateurs vers les marques et distributeurs (470 partenaires et 40.000 produits référencés).

“Beaucoup se lancent sur le marché mais au final, quel retour ont réellement les marques qui paient pour être vues sur ces marketplaces, questionne Emilie Auvray. Pas une n’est encore réellement sortie du lot.” Une tendance de consommation qui n'a cependant pas échappé à Amazon
qui
 vient de lancer sa boutique “Fabriqué en France“.

De son côté, Le Collectif des boutiques Made in France a choisi de miser sur la mutualisation des forces. “Nous sommes en discussion pour construire un site commun aux adhérents du collectif. De quoi offrir des possibilités fabuleuses”, conclut Emilie Auvray. 



*(étude menée en ligne du 26 mai au 4 juin 2020)

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