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Paul Kaplan
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12 sept. 2022
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Samedi à New York: Altuzarra, Jason Wu et Dion Lee

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Paul Kaplan
Publié le
12 sept. 2022

Samedi, la Fashion Week de New York a fait la part belle aux créateurs indépendants. Trois marques autonomes — Altuzarra, Jason Wu et Dion Lee — ont présenté leurs collections dans des cadres spectaculaires.  


Altuzarra : branché et hallucinatoire




Altuzarra - Spring-Summer2023 - Womenswear - New York - © PixelFormula



La journée s'est ouverte sur une collection très remarquée d'Altuzarra, dévoilée dans l'immeuble Starrett-Lehigh, une gigantesque structure de briques et de verre à cadre vert des années 1920 offrant une vue imprenable sur le fleuve Hudson. Un cadre approprié pour cette collection qui avait pour thème les altérations de la perception.

Pendant la pandémie, Joseph Altuzarra a pris congé en 2020 du géant du luxe Kering, qui avait acquis une participation minoritaire au capital de sa marque. Le divorce semble n'avoir causé aucun tort au designer sur le plan créatif — vraiment pas du tout.

Sur chaque siège, le designer avait laissé un exemplaire de Désert Solitaire d'Edward Abbey, le livre qui a donné le coup d'envoi du mouvement New Age : la collection avait de quoi nous emmener pour un voyage dans l'espace et la perception. 

Le défilé a débuté et s'est terminé avec des parkas — en commençant par un superbe premier look composé d'une parka blanche enveloppante, d'une robe en maille grise et de baskets rouge foncé, pour finir avec des parkas déclinées dans un kaléidoscope de couleurs et de motifs graphiques. Un quatuor étourdissant, mélange vraiment éclatant de tye & dye façon shibori, d'imprimés hypnotiques, oniriques, acides, et de lamé métallique.

"Désert Solitaire se concentre sur le chamanisme et l'entrée dans le royaume magique. Ce livre m'a fait penser à la magie que nous pourrions trouver dans nos vies. Et à l'intersection de la réalité et de l'imagination", expliquait le créateur après le défilé.

Les vêtements étaient à la fois fonctionnels et surprenants, notamment ces merveilleuses chemises et blouses masculines légèrement superposées, portées avec une myriade de parkas et de vestes légères. Altuzarra a mélangé des mailles avec des cotons impeccables, des chambrays teints et des jeans délavés, portés par des mannequins qui déambulaient dans l'espace géant baigné de lumière, avec la Statue de la Liberté en toile de fond.

"J'avais envie de faire un voyage hallucinogène, en référence à l'ouvrage de Carlos Castaneda, The Teachings of Don Juan: A Yaqui Way of Knowledge, en m'inspirant des écrits de cet auteur sur les expériences hors du corps.  "J'aimais l'idée de créer un objet si fantaisiste qu'il ne serait pas rattaché à ce monde, tout en l'étant", expliquait Joseph Altuzarra, dont les deux jeunes enfants jouaient dans les coulisses.

La palette de couleurs s'élargissait peu à peu vers les teintes rouille et beige des déserts entourant Moab, dans l'Utah, où réside le personnage principal de Désert Solitaire, un ranger en parka. Lorsqu'on lui a demandé comment le fait d'être père avait affecté son travail, le créateur a esquissé un sourire : "À mon avis, je suis plus intrépide et je me soucie moins de ce que pensent les gens."

Nul doute qu'Edward Abbey aurait approuvé.

Jason Wu : De la Maison Blanche à l'East River



Jason Wu - Spring-Summer2023 - Womenswear - New York - © PixelFormula



Rédacteurs, influenceurs et détaillants se sont ensuite pressés de l'autre côté de Manhattan pour assister au défilé de Jason Wu, organisé sur le quai 17, perché sur l'East River, dont les eaux sont agitées par le passage des ferries, des navires et des bateaux à moteur.

La semaine a été bonne pour Jason Wu. À Washington, le portrait officiel de Michelle Obama par Sharon Sprung a été dévoilé à la Maison Blanche. Celle-ci y est vêtue d'une robe de soirée en mousseline de soie poudrée créée par Jason Wu, ce qui devrait assurer au créateur une couverture médiatique inédite et considérable.

Sa carrière a d'ailleurs été lancée par Mme Obama, qui a porté l'une de ses robes lors de son premier bal inaugural. Avant de réitérer ce privilège pour le second bal, quatre ans plus tard.  Bras nus et avec une bretelle sur l'épaule, le portrait de Michelle Obama est beaucoup plus romantique et même osé que les tableaux traditionnels des premières dames qui sont accrochés à la Maison Blanche, et tant mieux.

"Me revoilà", s'est réjoui Jason Wu après le défilé, faisant référence à la Maison Blanche autant qu'à son retour sur les podiums.

Le créateur taïwanais-canadien a franchi un nouveau cap dans cette collection, avec des robes de cocktail élégantes et suggestives en maille pailletée, perles de verre ou mousseline froncée. Il y avait aussi de jolies robes à motif shibari, jouant sur les techniques de bondage japonaises, créées en collaboration avec l'artiste Leonardo Pucci.

Toutefois, bien trop souvent, les tenues sont classiques, apprêtées et même conventionnelles. Si l'on avait vérifié la date sur l'invitation électronique, on n'aurait pas été surpris que le défilé remonte à la décennie précédente, tant la collection prise dans son ensemble semblait traditionnelle et banale.

Dion Lee: les guerrières du ciel



Ces jours-ci, on a l'impression qu'un nouveau gratte-ciel pousse chaque jour sur l'île de Manhattan ; le dernier en date est Hudson Commons, un tout nouvel édifice cybernétique érigé sur la neuvième avenue, où Dion Lee a présenté une collection de super héroïnes très stylées.

Les créatures de Dion Lee arpentent rapidement l'espace brut, devant la silhouette de la ville, comme si elles étaient prêtes à se battre. Elles s'élancent vêtues d'uniformes d'escrime à découpes, de vestes en maille ou de hauts techniques couleur chair tissés très finement, portés avec des mini-jupes ceinturées.

Dion Lee est sans doute l'un des meilleurs coupeurs de la mode contemporaine, comme en témoignent ses pantalons architecturaux pleins d'audace. Mais sa mode ne convient pas aux âmes sensibles. Un jeune homme aux cheveux afro est ainsi apparu en haut en maille et en jupe de centurion ancrée par des cuissardes. Mais si vous voulez faire sensation dans une boîte de nuit ou lors d'un vernissage, alors n'hésitez pas, allez chez Dion Lee.

Personne ne peut lui reprocher de ne pas avoir pris de risques avec cette collection ou de tiédir ses idées. L'Australien de 36 ans a explosé sur le firmament de la mode en 2009 avec la meilleure première collection de la planète cette année-là. Deux ans plus tard, c'est lui qui a organisé le premier défilé à l'Opéra de Sydney. Aujourd'hui, il fait partie intégrante du calendrier de la mode new-yorkaise. Un créateur culte, dont l'influence est considérable, et qui a su garder une voix singulière pour s'imposer en incontournable de la Fashion Week new-yorkaise.

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