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Paul Kaplan
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27 mars 2019
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Tokyo Fashion Week : Girl Power et noblesse des matières

Traduit par
Paul Kaplan
Publié le
27 mars 2019

Si le streetwear a été remplacé par un style plus épuré et plus classique dans les grandes capitales de la mode mondiales, à Tokyo, l'attention se portait plutôt sur des basiques modernisés et sur une féminité « girly ». Le leitmotiv de cette saison, organisée sous l'égide du géant allemand Amazon, était résumé en un seul mot, « Kodo », ou « fais ce que tu veux » en VF. Plutôt que de se concentrer sur les situations d'injustice ou les problèmes environnementaux qui traversent le monde contemporain, les créateurs japonais ont préféré placer le consommateur au centre de leurs démarches, créant des vêtements confortables et désirables - tout en explorant des thèmes susceptibles de plaire à la clientèle des marchés étrangers, le secteur japonais de la mode connaissant depuis quelque temps un certain ralentissement économique.

Girl power et lolitas en fleurs


Shushu/Tong automne-hiver 2019 - Image: Fashionsnap.com


Si le style « skateur » a perdu de sa popularité au cours des dernières saisons, les ruelles de Tokyo regorgent d'autres formes de sous-cultures. Lors des défilés européens, on voit désormais déambuler des armées de dames au chic classique ou à l'élégance dominatrice ; à Tokyo, la féminité reste pudique, mais certaines collections exhalaient un pouvoir sombre, inspiré par le rock.

Shushu/Tong, qui a fait ses armes à Shanghai, a présenté une collection de vêtements aux volumes structurés, empreints d'une vision à la fois « girly » et sinistre, maculés de motifs sanguinolents particulièrement glauques. Le duo créatif, féru de sous-cultures nippones, a dessiné une collection à la fois portable et avant-gardiste : Shueh Jen-Fang et Jenny Fax réussissaient à combiner sans ridicule des chaussettes rayées et du denim délavé, de la dentelle et des fronces, afin d'exprimer le concept du « kawai » à leur façon. Si l'on en juge par les hordes d'admirateurs qui emplissaient la salle, le label asiatique est réputé pour son aptitude à créer de « vrais » vêtements tout en leur donnant une densité théâtrale et spectaculaire.


Kotohayokozawa automne-hiver 2019 - Image: Fashionsnap.com


La Semaine de la mode japonaise nous a également permis de découvrir la collection ludique du label Kotohayokozawa, qui incarnait une version ultra-moderne du girl power, le féminisme pop et acidulé du début de ce siècle. Le défilé avait des allures d'after-party : pulls en patchwork adaptés à toutes les saisons, sandales estivales et accessoires inspirés de sous-vêtements, on assistait à un spectacle de féminité décontractée et volontaire. D'ailleurs, le mantra de la collection allait dans ce sens : « Porter ce que je veux, quand je veux ».
 
Les matières au coeur du processus : le vêtement comme produit


The Reracs automne-hiver 2019 - Image: Fashionsnap.com


Il ne s'agit plus de se dire simplement « focalisé sur les matériaux » ou d'insister sur la fabrication japonaise de ses produits, avec un objectif purement marketing en ligne de mire. Cette saison, les créateurs japonais ont accordé la même attention à leurs matières premières que les designers industriels, conduisant du même coup à l'émergence d'un nouveau style, plus minimal.


Postelegant - Image: Fashionsnap.com


Dans la même veine que les lignes épurées d'Auralee, qui a présenté sa collection pendant la Semaine de la mode parisienne, The Reracs a proposé une collection impressionnante de simplicité. Les pièces basiques du vestiaire universel - trench-coats, vestes, blouses et chemises -, coupées pour la plupart dans des tissus unis, dominaient le podium : ce qui retenait l'attention, c'était la texture des étoffes et la coupe impeccable des vêtements. Le label finaliste du Tokyo Fashion Award, Postelegant, a également présenté une collection étonnante de manteaux modernes, de vêtements ajustés entièrement coupés dans des matières nobles comme des lainages doubles faces ou de somptueux cachemires.

De l'Europe au pays du Soleil levant

Le programme « At Tokyo » mis en place par Amazon, qui invite des créateurs étrangers à présenter leurs produits sur le marché japonais, a également donné lieu à des défilés mémorables. Cette fois-ci, les designers participaient à leurs frais et les raisons d'un tel investissement variaient selon les cas, mais témoignaient toutes de l'importance actuelle - et future ? - de la Semaine de la mode japonaise.


Anrealage automne-hiver 2019 Tokyo - Image: Fashionsnap.com


A peine rentré de Paris, le label Anrealage a présenté sa collection « Detail ». Kunihiko Morinaga, le directeur artistique de la marque, explique : « Défiler à Paris et à Tokyo nous permet d'exprimer au mieux notre vision créative ». Quelques jours plus tard, le voilà nommé ce mercredi parmi les huit finalistes du LVMH Prize.

Beautiful People, label nippon habitué des podiums parisiens, avait organisé un défilé à Tokyo en février 2018 pour célébrer le premier anniversaire de l'initiative du gouvernement japonais en faveur de la jeune création locale. Cette année, la marque a remis le couvert en organisant à nouveau un défilé dans la capitale japonaise.


Koché automne-hiver 2019 à Tokyo - Image: Fashionsnap.com


Mais le moment fort de cette Fashion Week réussie reste peut-être le show « Tokyo Love » offert par Koché. La créatrice derrière le label parisien, Christelle Kocher, a présenté une collection amusante, enrichie d'une collaboration avec le film Pokémon : Détective Pikachu, pleine de références à la capitale japonaise et à l'ADN de sa marque. 

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