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Pieter Lammens (Lafayette Plug and Play) : "Nous ne sommes pas un zoo à start-up"

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8 nov. 2018

Initié en mai 2016, l'accélérateur Lafayette Plug and Play, né du rapprochement du groupe Galerie Lafayette et de la plateforme internationale d'innovation Plug and Play, qui a déjà accueilli 72 entreprises, sélectionne actuellement sa sixième promotion. A l'occasion d'une visite de ses locaux dans le Xe arrondissement de Paris, le directeur de la structure Pieter Lammens nous parle de la réalité de cet accélérateur, du rapport des enseignes aux nouvelles technologies de la distribution et du rôle clef joué par les partenaires (Carrefour, Maus Frères, Richemont, La Redoute, Kiabi, C&A, Lacoste, Camaïeu...).


Pieter Lammens - Lafayette Plug and Play


FashionNetwork.com : Quelle est la spécificité de votre structure?

Pieter Lammens  : Notre spécificité est que notre seul indicateur de performance se mesure au nombre de pilotes et contrats signés entre nos partenaires et les start-up. Cela nous permet de jauger de la pertinence des start-up qui ont été sélectionnées par rapport aux attentes des marques, et, dans l’autre sens, d'évaluer l’avancement de nos partenaires dans leur démarche d’innovation. Si rien ne se passe entre les start-up et les partenaires, c’est soit que nous avons de mauvaises start-up, soit que nos partenaires ne sont pas assez engagés. Depuis le départ, il y a eu 76 projets pilotes lancés entre nos jeunes pousses et nos partenaires, sur 72 start-up. En moyenne, chacune repart avec un pilote et plusieurs discussions avancées. Nous sommes un vrai accélérateur business. Notre rôle n'est pas d'accompagner les sociétés dans leur choix de positionnement. Chez nous, elles sont suffisamment matures pour commencer à travailler avec des groupes. Ces structures sont à des étapes différentes de leur développement, mais elles ont a minima déjà un produit et des clients. En face, cela va attirer d’autres partenaires.

FNW : Ce n’est pas le but de toutes les structures de ce type ?

PL : Quand un accélérateur, dont je ne donnerai pas le nom, accepte six ou sept boîtes mais au final ne se met à travailler qu’avec trois, quelle image cela renvoie des autres start-up ? A l’extérieur, elles seront perçues comme les entreprises non retenues pour la suite. C’est extrêmement dommageable. Cela envoie un très mauvais signal au marché. C’est pour cela que je dis souvent que certains accélérateurs sont des tueurs de start-up plus qu’autre chose. "Soit on te tue, soit on bosse avec toi, voire on te rachète". Pour ma part je crois à ce modèle quand il s’accompagne d’un vrai écosystème d’innovation, autour d’une verticale, comme le retail et l’e-commerce dans notre cas. Le groupe Richemont nous a rejoint, juste après Lagardère Travel Retail, Camaïeu et Kiabi, et un autre grand acteur du secteur devrait faire son entrée d’ici à la fin de l’année. Car, derrière, plus on a de partenaires, plus notre écosystème prend de la valeur. On n’a pas vocation à être un centre de profits. L’idée est de mieux répartir les efforts entre tous les partenaires. C’est plus sain que de dire "On va prendre 5 % de votre boîte, on va vous installer et faire des formations derrière…". Ça, ça marchait il y a cinq ans. Il y a peut-être un ou deux accélérateurs internationaux qui y arrivent, mais honnêtement c’est un modèle pour de jeunes entrepreneurs naïfs.

FNW : Incubateurs, accélérateurs, pépinières, campus… Comment évolue cet univers ?

PL . Nous sommes, nous, uniquement dans le B2B. Nous sommes un accélérateur et pas un incubateur, ou même un campus de start-up. Comme l’est Station F. Où cela tient surtout du coworking. Où on loue des bureaux à des grandes entreprises qui y créent leur propre structure pour start-up, lesquelles sont contentes d’y trouver des bureaux gratuits mais où, au final, c’est beaucoup de marketing et il ne se passe pas grand-chose. L’incubateur est lui dédié aux jeunes boîtes commençant à travailler sur leur projet, bien avant la commercialisation. Et il y a donc les accélérateurs. Je pense qu’il est important de rappeler ces différences car il y a vraiment de tout et n’importe quoi dans cet écosystème. A un moment, quand tous les groupes veulent leur incubateur, on se retrouve avec une offre ultra floue, malgré des différences d’offres incroyables. Nous, nous ne sommes pas un zoo à start-up, comme on en connaît beaucoup, où l’on dit "Venez voir les start-up et vous acculturer !". Ça, c’est l’enfer.

FNW : Comment fonctionne la relation avec Galeries Lafayette et le réseau d’accélérateurs Plug and Play ?

PL : Lafayette Plug and Play existe en tant que tel, avec deux fondateurs que sont le groupe Galeries Lafayette et Plug and Play, rejoints par plusieurs partenaires. On ne travaille pas pour l’un ou l’autre ; nous travaillons main dans la main. Plug and Play nous aide sur le sourcing des start-up, notamment aux Etats-Unis où nous envoyons pas mal de nos start-up en programme d'échanges. Nous avons créé un pont entre Paris et Palo Alto (en Californie, ndlr). Nous avons des boîtes américaines qui viennent chez nous, et nous avons, nous, envoyé cinq de nos sociétés suivre pendant trois mois un programme d’accélération là-bas. Nous envoyons également nos partenaires rencontrer le réseau Plug and Play aux Etats-Unis, comme ce fut le cas de Richemont et Camaïeu il y a quelques jours.


76 projets pilotes ont été lancés par les start-up de l'incubateur avec les marques partenaires. - Lafayette Plug & Play


FNW : Comment percevez-vous l’évolution du rapport entre les marques et les nouvelles technologies du retail ?

PL :  Il y a une vraie prise de conscience, qui arrive un peu tard. D’autres industries ont compris les changements à venir plus vite. La mode a mis davantage de temps à réaliser ces choses. Car elle s’est largement reposée sur la croyance que les magasins ne disparaîtraient jamais, ce qui en un sens est vrai, partant du principe que le magasin est le seul modèle viable pour la mode. Donc le secteur est passé à côté des nouvelles attentes et des services à apporter. Cela fait que beaucoup de mauvaises habitudes ont été prises. Aujourd’hui, on a encore de très grandes enseignes qui, pour le click&collect, font venir le produit depuis un entrepôt en trois jours, alors qu’il est déjà en stock en magasin. Le stock unifié n’est pas encore en place pour 90 % des détaillants. Ça implique une vraie équipe, des vrais budgets et une vraie volonté d’innover.

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