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17 janv. 2019
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Ludovic Manzon (Sloggi) : "Nous voulons devenir le leader de la lingerie sans armature"

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17 janv. 2019

Après être passé chez Nike et Puma, Ludovic Manzon a pris la tête en 2016 de Sloggi, l'une des marques de lingerie du groupe Triumph. Depuis son arrivée, le directeur général repositionne la griffe. En plus des produits classiques, il a intégré deux nouvelles lignes, S by Sloggi et Move, pour séduire une cible plus large. Nouvelles gammes, nouvelles lignes, nouvelle communication et nouvel engagement - devenir le leader du soutien-gorge sans armature -, la griffe se donne les moyens de ses ambitions et multiplie les innovations. Le directeur général fait le point avec FashionNetwork.com sur ce repositionnement en cours.


Ludovic Manzon - Triumph International.


FashionNetwork.com : Pourquoi avoir introduit les lignes S by Sloggi et Move à votre offre ?

Ludovic Manzon : Lorsque je suis arrivé chez Sloggi, la marque m’a été présentée comme la résultante d’une révolution datant de 1979. A l’époque, pour la première fois, le coton avait été mélangé au lycra pour apporter plus d’élasticité et de confort à la culotte. Depuis ce temps-là, Sloggi n’avait pas vraiment innové. D’ici à 2020, nous aurons quasiment triplé l’offre de Sloggi et disposons désormais trois de lignes, le Blue label, qui regroupe nos classiques, S by Sloggi, la ligne premium, et Move pour l’athleisure. D’ici 2020-2022, Blue label devrait constituer 85 % du chiffre d’affaires, Move 10 % et S by Sloggi 5 %. Ces lignes nous permettent d’avoir une nouvelle architecture de prix, qui répond à un spectre de consommateur plus important. C’est aussi une façon de segmenter le marché. S by Sloggi par exemple est faite pour des canaux plus spécialisés que les hypermarchés.

FNW : Est-ce que vous préparez la sortie de nouveautés ?

LM : Nous venons d’en introduire plusieurs. Zero Feel est un carton mondial énorme qui représente déjà 20 % de notre mix produits. Cette collection va encore s’élargir, nous y ajoutons un body, et pour les femmes qui veulent davantage de maintien, un soutien-gorge nommé Soft Bra. Nous introduisons aussi une nouvelle matière, nommée « feel natural », plus adaptée pour l’été. D’autres innovations seront présentées pour 2020 de telle sorte que Zero Feel devienne la gamme de produits la plus inscrite dans l’air du temps.
 

La nouvelle campagne Ever Fresh de Sloggi - Sloggi


FNW : D’autres innovations au programme ?

LM : Nous avons pris une décision importante pour Sloggi. A partir de 2023, il n’y aura plus une seule armature dans les modèles de soutiens-gorge de la marque. Ce qui signifie que, désormais, tous les nouveaux modèles que nous introduisons dans nos gammes utilisent un autre système. Nous avons nommé cette opération #free23. Les armatures ont été inventées dans les années 1920-30. Avec les nouvelles matières, la technologie actuelle et les façons de designer, nous pouvons nous en passer tout en garantissant une belle posture et un confort maximum.

Notre seconde innovation, c’est notre concept « Easy Sizing ». Actuellement, pour couvrir toutes les zones de taille, il faut en proposer 32. Nous allons simplifier cette offre avec entre 4 et 11 tailles. Rien qu’avec les tailles S, M et L, nous couvrons 70 % du volume de nos ventes. Nous avons rajouté, selon les modèles, du XS, XL et XXL pour proposer l’ensemble des tailles. Désormais, les nouvelles matières ont des capacités d’élasticité qui nous permettent d’offrir suffisamment de support et de maintien pour casser la complexité du sizing. Je crois aussi que les femmes sont à la recherche de davantage de facilité et de confort quand elles achètent. 
 
FNW : Ce qui vous permet aussi d’asseoir le fait que vous n’êtes pas juste un de marchand de culottes. C’était l'un de vos chevaux de bataille en arrivant chez Sloggi…

LM : Nous avons pour vocation d’être une marque d’intimate apparel, de sous-vêtements dans leur ensemble, même si nous sommes très forts dans le domaine de la culotte et nous appuyons sur un véritable savoir-faire, avec un groupe, Triumph qui a 130 ans d’expérience en la matière. Mais nous prenons un nouveau parti pris, celui de devenir le leader du sans-armature, en nous dotant en plus d’un nouveau système de tailles qui permet aux consommatrices d’acheter des soutiens-gorge de façon beaucoup plus intuitive et contemporaine. A mon arrivée chez Sloggi, le chiffre d’affaires était effectué à 93 % par les culottes. Nous sommes déjà passé à 70 %-30 %, en 2019, ce devrait être de l’ordre de 60 %-40 % pour atteindre l’équilibre d’ici 2022.
 
FNW : Comment a évolué la distribution de Sloggi depuis 2016 ?

LM : Nous nous diversifions. En Europe, nous étions essentiellement polarisés sur la distribution en hypermarché. C’est toujours l’un de nos canaux de vente pour les produits classiques et nous développons la distribution en grands magasins et dans les boutiques spécialisées. Depuis 2017, nous travaillons aussi nos propres points de vente. Nous avons commencé avec notre site en ligne. Son poids dans le chiffre d’affaires est marginal, à 3 %, et d’ici 2020, nous devrions atteindre les 6 % et visons 8 % en 2022. Pour l’instant, il n’est disponible que dans certains pays d’Europe. Dès l’année prochaine, nous l’ouvrirons au Japon et aux pays qui nous manquent sur le continent, comme l’Espagne, puis en 2020 en Chine. Pour l’heure, notre activité digitale totale, distributeurs en ligne compris, s’élève à 15 % de notre chiffre d’affaires et nous visons 20 à 25 % pour 2022.
 
FNW : Quelles sont vos ambitions pour le retail ? 

LM : Nos ventes directes s’effectuent aujourd’hui principalement par notre présence dans les magasins Triumph et représentent 10 % du chiffre d’affaires. Notre but est de sortir de ces magasins progressivement et de diriger les ventes vers nos propres boutiques Sloggi. Pendant cette phase de transfert, nous resterons à 10 % des ventes et à partir de 2021-2022, nous devrions atteindre 13 % des ventes via le retail, ce qui représente entre 80 et 90 magasins.  

FNW : Vous avez ouvert le premier magasin à l'enseigne Sloggi en Grèce cet été…

LM : Après avoir testé des pop-up dans ces régions, nous avons inauguré un premier magasin à Thessalonique, puis trois à Budapest et un dernier en Chine, à Hangzhou. Notre objectif est d’ouvrir soit pour optimiser la profitabilité et la distribution (nous nous rendons par exemple compte que les nouveautés y représentent beaucoup plus de chiffre d'affaires qu'en wholesale), soit pour optimiser notre notoriété. D’ici 2020, nous allons nous concentrer sur l’Europe de l’Est et la Chine, qui sont des régions où il est fondamental d’avoir nos propres points de vente pour pouvoir optimiser la distribution. Une fois que nous aurons validé notre concept magasin et à partir de 2021, nous pourrons passer à la franchise sur ces deux régions.

A l’orée 2020-2021, nous voudrions lancer des boutiques dans nos marchés les plus conséquents, comme la France, l’Italie, l’Allemagne et le Japon, dans les villes les plus représentatives. Avec ces magasins-là, il y a un double enjeu, à la fois commercial et marketing.

Nous venons aussi de mettre au point le premier shop-in-shop Sloggi, qui ouvrira sur 20 mètres carrés à Tokyo, le 15 février, dans le grand magasin Matsuya du quartier de Ginza, et a vocation à être développé sur le même modèle partout dans le monde. En parallèle, nous sommes en train de concevoir nos magasins d’usine, que nous lancerons dans la deuxième partie de 2019.

 FNW : Où en est votre travail autour de l’homme ?

LM : Nous commençons par intégrer l’homme dans toutes nos nouvelles sorties. Par exemple, notre gamme Ever Fresh est déclinée pour l’homme des pieds à la tête et dans la prochaine campagne mondiale de la gamme Zero Feel, nous mettons en scène un homme et une femme. Ces actions nous permettent de commencer à bouger davantage sur l’homme tout en gardant à l’esprit que jusqu’en 2020, la priorité reste la femme. Une fois que nous l’aurons suffisamment développée, nous pourrons compléter le lancement, voire relancer l’homme en investissant davantage. Le potentiel de la marque Sloggi pour l’homme est aussi important que pour la femme. Nous devons pouvoir doubler notre chiffre d’affaires sur les produits masculins. Actuellement, dans nos ventes globales, l’homme pèse 13 %, principalement en Europe d’ailleurs, où les ventes montent jusqu’à 15 %. En Asie, nous introduisons les produits masculins avec le printemps-été 2019. Dans nos concepts retail, l’homme correspond à 5 à 10 % des produits proposés et génère entre 15 à 20 % des ventes.
 

Le premier magasin chinois de Sloggi - Sloggi


FNW : Vous espériez une croissance à deux chiffres pour 2018, qu’en est-il ?

LM : 2018 est notre troisième année de croissance consécutive après plusieurs années de stagnation, voire de régression. Nous nous attendions à avoir une croissance à deux chiffres, mais nous avons malheureusement rencontré deux problèmes pour livrer nos distributeurs et je les prie d’excuser ces désagréments. L’un de nos fournisseurs pour Zero Feel a eu des ennuis de solvabilité donc nous avons dû faire produire la collection ailleurs au dernier moment. Et en interne, nous avons consolidé nos trois entrepôts sur deux zones, Obernai et Aalen, entraînant de très mauvaises livraisons entre avril et septembre. En revanche, les deux derniers mois de l’année, nous avons très bien livré et revenons désormais à un cycle normal. Maintenant que nous avons de la disponibilité produit et un meilleur service, nous allons pouvoir arriver à notre croissance à deux chiffres, les commandes sont à des niveaux de prises d’ordre records sur les nouveautés, je suis donc très confiant pour 2019. Ma seule réserve, c’est le Brexit. Nous manquons de visibilité sur la façon dont ça va se passer et nous essayons de voir avec nos clients britanniques comment le gérer au mieux.
 
FNW : Quelle est la part de Sloggi dans le chiffre d’affaires du groupe Triumph ?

LM : A peu près un tiers (en 2018, le groupe de lingerie revendiquait un chiffre d’affaires de 1,5 milliard de francs suisse, soit 1,3 milliard d’euros, ndlr).
 
FNW : En France, le marché de la lingerie a reculé de près de 4 % en 2018. Comment avez-vous fait pour dégager une croissance malgré tout ?

LM : En ce qui concerne Sloggi, le « halo effect » joue beaucoup. L’investissement marketing que nous faisons rejaillit aussi sur nos produits originaux. La performance en magasin est au-delà de celle du secteur de la lingerie, ce qui nous permet de croître. Pour nous, il y a une véritable opportunité d’augmenter notre chiffre d’affaires même sur un marché délicat, en prenant des parts de marché à nos compétiteurs.
 
FNW : Quelles pistes, selon vous, le marché de la lingerie doit investir pour retrouver la croissance ?

LM : Je viens de l’industrie du sport et je trouve que c’est une industrie qui est extrêmement dynamique. En comparaison, je ne trouve pas que celle de la lingerie le soit autant. Il y a une véritable opportunité à réinventer ce secteur, ses produits, son mode de fonctionnement… Dans la lingerie, tous les produits sont livrés dès le premier mois. Pourquoi ? Il faut avoir un flux merchandising qui permet d’introduire de la nouveauté de façon récurrente. En faisant rentrer toutes les nouveautés en janvier, au moins de juin il n’y a plus rien de neuf. Ce changement se fait à deux niveaux. Nous devons y participer et les distributeurs aussi en achetant de manière plus régulière.

Il faut aussi innover dans d’autres domaines. Pour Sloggi, nous voulons théâtraliser la marque sur l’ensemble des points de vente, que ce soit le retail, les shops-in-shop. Il faut également travailler la pertinence de la communication, le digital. Il y a énormément de domaines dans lequel ce secteur doit se réinventer, être plus inventif, agressif. Il faut regarder l’industrie avec un prisme différent. Dans le secteur des dessous, on n’a pas l’habitude de vendre des histoires, juste des produits. Le sport est très bon en storytelling, la lingerie devrait peut-être s’en inspirer et en tirer parti.

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