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30 avr. 2021
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Coralie Marabelle: "Nous devons continuer à investir pour rester visibles"

Publié le
30 avr. 2021

Il n’y a pas que les commerçants à se retrouver partiellement ou totalement exclus des dispositifs d'aide de l’Etat. Alors que le Covid-19 n’est toujours pas éradiqué un an après le début de la pandémie, les créateurs de mode se sentent également bien isolés, tandis qu'ils continuent de se battre pour se maintenir à flot. La créatrice de prêt-à-porter féminin haut de gamme Coralie Marabelle relate à FashionNetwork.com son parcours du combattant, tout en gardant une attitude positive et optimiste.


Les retours positifs de son nouvel e-shop n'ont pas préservé la styliste des problèmes de trésorerie - coraliemarabelle.com

 
Celle qui s’est fait connaître en 2014 en remportant le prix du public du Festival de Hyères a fondé sa propre maison de mode de "couture-à-porter" en 2016. Elle mise dès 2018 sur le retail via une boutique inaugurée à Paris, décidant d’abandonner le wholesale pour se concentrer sur la vente directe afin de mieux asseoir sa marque auprès de sa communauté. Mais la crise du Covid va la contraindre à revoir sa stratégie.
 
Ayant intégré la promotion 2019-20 du programme "Talents" de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, elle en profite pour remettre tout à plat. "Je me suis engagée juste avant la pandémie dans un plan de développement multicanal prévoyant une boutique, un e-shop et une distribution wholesale avec, à la clé, d’importants investissements. Mais la situation m’a obligée à revoir mes objectifs à la baisse", résume-t-elle.

Vu le contexte, il lui est impossible de rouvrir une boutique, pas plus que des pop-up stores. Juste avant le confinement, son bail arrivant à échéance, la styliste avait décidé de déménager pour transformer son atelier en un lieu unique de vente et de création. Elle doit pourtant remettre à plus tard son projet. Résultat, depuis juin, elle ne bénéficie plus d’aucune aide de l’Etat, car elle n’a plus de point de vente.
 
Parallèlement, elle avait commencé à démarcher les détaillants multimarques, mais elle a vite déchanté. "Nous avons participé à des salons virtuels, mais pour choisir un vêtement, il faut le voir, le toucher. Sans compter que les acheteurs ne font pas entrer de nouvelles marques dans leur boutique en cette période, il ne veulent pas prendre de risques. Il est important de les rencontrer en personne pour leur expliquer le produit, surtout lorsqu’on débute dans le réseau wholesale. Les seuls magasins avec qui nous avons pu conclure sont ceux que nous connaissions déjà", explique la styliste.
 
Une démarche nécessitant là aussi des investissements, "afin d'élargir la gamme avec des collections plus amples et de s’assurer d’avoir les bonnes images pour mettre le produit en valeur dans les showrooms digitaux". Beaucoup de moyens et d'énergie pour un retour quasiment nul… "C’est le pire moment pour le wholesale", lâche Coralie Marabelle.
 
A défaut de pouvoir ouvrir une nouvelle boutique, de réaliser des pop-up stores et de développer les ventes en gros comme prévu initialement, l’entreprise s’est recentrée sur le digital. Elle a investi fortement dans un nouvel e-shop et dans les réseaux sociaux, multipliant par 2,5 son budget 2020 en communication digitale par rapport à 2019. "Dans le contexte actuel, il faut être beaucoup plus visible, présent et hyperactif sur la Toile. Cela se traduit par plus de shootings, de vidéos, de GIFs et autres investissements publicitaires", souligne-t-elle.


La nouvelle collection disponible sur le site - coraliemarabelle.com

 
Les résultats ont cette fois été à la hauteur des attentes. Alors qu’en 2019, les ventes en ligne de la marque représentaient 19% de son chiffre d’affaires, désormais ils atteignent 70%. "C’est très encourageant. Les ventes se sont envolées par rapport à celles réalisées sur notre ancien site. Nous avons lancé ce nouvel e-shop en septembre, mais cela n’a pas explosé du jour au lendemain. Nous sommes une petite structure; il nous a fallu du temps pour apprivoiser ce mode de vente et ses innombrables éléments techniques. Par ailleurs, le digital ne compense pas le manque à gagner des deux autres canaux de vente (retail et wholesale)", note la designer.
 
"Nous n’avons pas pu bénéficier des mesures de soutien économiques du gouvernement car notre chiffre d’affaires n’avait pas baissé suffisamment entre 2019 et 2020. Parallèlement, nous avons engagé des investissements, qui n’ont pu être rentabilisés jusqu’ici. Aujourd’hui, nous avons des problèmes de trésorerie, mais devons continuer à investir pour rester visibles sous peine de disparaître. Or, l’Etat ne prend pas en compte ce genre de cas de figure pour les jeunes entreprises", déplore-t-elle.
 
L’unique aide tangible qu’elle ait reçue est une dotation de 1.500 euros octroyée par la Fédération française du prêt-à-porter féminin avec le Défi pour sa digitalisation. Un lot de consolation bien maigre pour affronter l'ampleur des dépenses. Coralie Marabelle n’a d’autre choix que d’avancer les liquidités pour lancer ses productions, faire tourner son site et rester active sur le Web, qui reste le seul débouché "à fonctionner en ce moment et sur lequel nous pouvons agir".
 
Seule bonne nouvelle, la styliste a pu obtenir l’an dernier un PGE (prêt garanti par l'Etat) assez facilement. "Mais on va devoir le rembourser. Financièrement, c’est difficile d’avancer dans ce contexte. Pour tenir, il nous faut de la trésorerie, indépendamment de notre chiffre d’affaires. C’est pareil pour toutes les autres marques. En attendant, il faut faire le dos rond", conclut-elle.

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